De l’ADN viral ancien incrusté dans notre génome serait impliqué dans les troubles psychiatriques

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Une étude révèle que quatre séquences d’ADN provenant d’anciennes infections virales sont impliquées dans la prédisposition aux troubles psychiatriques, dont la schizophrénie, le trouble bipolaire et la dépression. Exprimées au niveau du cerveau, ces séquences se sont incrustées dans notre génome au cours de l’évolution, il y a des milliers voire des millions d’années. Les résultats soulignent ainsi l’implication jusqu’ici sous-estimée de l’ADN viral dans nos fonctions biologiques.

Environ 8 % de notre génome est constitué de séquences ADN non codantes provenant de l’infection des cellules germinales (à l’origine des cellules reproductrices) par d’anciens rétrovirus. Appelées séquences rétrovirales endogènes humaines (HERV), elles s’intègrent dans notre génome par le biais de la rétrotransposition, un processus au cours duquel les virus insèrent une copie de leur matériel génétique dans l’ADN des cellules hôtes pour les infecter. Des études suggèrent que ces infections ont eu lieu il y a plus de 1,2 million d’années (donc antérieures à l’émergence d’Homo sapiens) à plusieurs reprises au cours de notre évolution.

Jusqu’à récemment, on pensait que ces « séquences fossiles » n’étaient que de l’ADN indésirable sans influence notable sur notre organisme. Cependant, des recherches ont révélé que les séquences HERV sont impliquées dans différentes fonctions biologiques critiques, telles que la formation du placenta et le développement embryonnaire. Elles peuvent aussi influencer l’expression d’un gène impliqué dans la régulation des connexions synaptiques. Il a également été rapporté que les HERV induisent la production de brins d’ARN et de protéines dans le sang et le cerveau. En pénétrant dans les cellules, ces molécules peuvent exercer un large éventail de fonctions.

D’un autre côté, les troubles psychiatriques tels que la schizophrénie, le trouble bipolaire, le trouble dépressif majeur, le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité et les troubles du spectre de l’autisme, possèdent une composante génétique majeure. Des études génomiques ont notamment mis en évidence d’importantes variabilités génétiques étroitement associées à ces conditions. La plupart des variantes sont associées à des brins d’ADN non codants, à l’instar des séquences HERV.

Des chercheurs du King’s College de Londres et de l’Université de Cornell à New York en ont déduit que ces séquences pourraient aussi être impliquées dans la prédisposition aux troubles psychiatriques. « Compte tenu de l’abondance des HERV dans le génome et de leurs fonctions potentiellement nombreuses, nous avons voulu mieux comprendre si la susceptibilité génétique à certains troubles psychiatriques était associée à des différences d’expression de HERV », ont-ils expliqué dans un article publié sur The Conversation, suite à leur récente étude.

Quatre séquences spécifiques aux troubles psychiatriques

Dans le cadre de leur analyse — détaillée dans la revue Nature Communications —, l’équipe de recherche a profilé l’expression des gènes dans près de 800 échantillons de cerveau (du cortex préfontal dorsolatéral) provenant d’autopsies de personnes présentant des troubles mentaux ou non. Les données ont ensuite été croisées avec celles provenant de dizaines de milliers d’autres personnes (saines ou malades), afin d’explorer de quelle manière les variations génétiques liées aux troubles psychiatriques affectent l’expression des HERV. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une approche (baptisée étude d’association à l’échelle du transcriptome, ou TWAS) estimant les emplacements génomiques précis des HERV.

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Schéma résumant l’approche de l’étude. (A) Des données de séquençage d’ARN et de génotype d’individus d’ascendance européenne (EUR, N  = 563) ou africaine (AFR, N  = 229) sont utilisées pour construire (B) des poids de polymorphisme nucléotidique unique (SNP). Les résultats (C) GWAS sont ensuite croisés avec les poids SNP à l’aide d’une approche d’étude d’association à l’échelle du transcriptome (TWAS), afin d’identifier les signatures d’expression associées au risque. (D) Analyses de sensibilité comprenant i . des analyses conditionnelles. ii . La cartographie fine permet ensuite de déduire quels signaux d’expression sont considérés comme des caractéristiques de risque de confiance élevée, comme l’indique leur capacité à expliquer indépendamment le signal génétique au niveau de leurs loci respectifs. © Rodrigo RR Duarte et al.

« Cette étude utilise une approche nouvelle et robuste pour évaluer comment la susceptibilité génétique aux troubles psychiatriques confère ses effets sur l’expression d’anciennes séquences virales présentes dans le génome humain moderne », explique dans un communiqué Timothy Powell, co-auteur principal de l’étude et maître de conférences à l’Institute of Psychiatry, Psychology & Neuroscience du King’s College de Londres.

Les chercheurs ont constaté que bien que la plupart des variantes génétiques liées aux troubles psychiatriques aient un impact sur des gènes dotés de fonctions biologiques essentielles, certaines variantes affectent spécifiquement l’expression des HERV. L’expression de quatre séquences HERV semblent étroitement associées à la susceptibilité à des troubles psychiatriques majeurs. Deux d’entre elles sont liées à la schizophrénie, une autre est liée à la fois à la schizophrénie et au trouble bipolaire, tandis qu’une quatrième est impliquée dans la dépression. En revanche, aucune signature d’expression HERV n’a été détectée pour les troubles du spectre de l’autisme et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité.

Il s’agit de la première étude montrant qu’un ensemble de HERV spécifiquement exprimées au niveau du cerveau sont impliquées dans la prédisposition aux troubles psychiatriques. Toutefois, « il est encore trop tôt pour déterminer les applications pratiques de nos découvertes — et si elles pourraient être utilisées pour développer de nouveaux traitements », précisent les experts. Davantage de recherches sont nécessaires afin de comprendre les mécanismes exacts impliqués dans l’influence des HERV sur les troubles mentaux.

« Nous pensons qu’une meilleure compréhension de ces virus anciens et des gènes connus impliqués dans les troubles psychiatriques a le potentiel de révolutionner la recherche en santé mentale et de conduire à de nouvelles façons de traiter ou de diagnostiquer ces maladies », conclut Douglas Nixon de l’Université Cornell, également coauteur de l’étude.

Source : Nature Communications

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