Une application rémunère les alcooliques pour les aider à rester sobres

application thérapie alcoolisme
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DynamiCare Health, une start-up basée à Boston, propose une application hors du commun pour lutter contre l’addiction à l’alcool. À mesure que les utilisateurs restent sobres, ils sont récompensés financièrement. L’application envoie régulièrement des rappels et des messages d’encouragement et permet également de parler à des conseillers par vidéoconférence. Testée récemment en milieu clinique, cette approche surprenante semble efficace : les patients utilisant l’application étaient deux fois plus susceptibles de rester sobres que les autres.

La motivation est un élément clé dans le traitement des addictions. Les spécialistes savent depuis longtemps qu’offrir de petites récompenses, par exemple sous forme de cartes cadeaux, aux personnes souffrant d’une addiction, peut contribuer à briser le cycle de la dépendance. Cette approche, connue sous le nom de « gestion des contingences », favorise les changements de comportement profonds et durables en déclenchant dans le cerveau la même réponse de gratification — immédiate et intense – que la consommation de produits (drogue ou alcool).

Cette stratégie est toutefois peu souvent mise en pratique, notamment en raison des coûts qu’elle implique. Elle est également souvent critiquée, certains arguant que l’argent est dépensé de manière inappropriée. Richard Kostigen, ancien alcoolique et aujourd’hui employé à temps partiel chez DynamiCare Health, confie au Boston Globe que l’application, qu’il a pu tester alors qu’il se trouvait en maison de convalescence, lui a pourtant sauvé la vie. « Lorsque vous êtes au début de votre rétablissement, il n’y a pas beaucoup de gens qui vous donnent un renforcement positif. Au début, la simple récompense de 5 dollars était un élément sur lequel je pouvais m’appuyer », explique-t-il.

Au programme : coaching et autodiagnostics

DynamiCare est une idée de David Gastfriend et de son fils Eric. David Gastfriend est un psychiatre spécialisé dans la toxicomanie et ancien directeur de la recherche sur la toxicomanie au Massachusetts General Hospital. Son fils a travaillé dans une start-up de jeux vidéo. L’idée leur est venue lorsque l’un de leurs proches était aux prises avec une addiction. Eric Gastfriend a immédiatement pensé qu’une application pour smartphone permettrait de s’affranchir des problèmes de coût et de responsabilité posés par la gestion des contingences.

DynamiCare verse directement les récompenses sur une carte de débit, dont l’usage est strictement suivi et restreint ; les utilisateurs ne peuvent par exemple pas l’utiliser dans des bars, des magasins d’alcool ou encore des casinos. Selon l’entreprise, il est possible de gagner jusqu’à 100 $ par mois. Pour les utilisateurs, le coût est de 20 à 50 $ par semaine selon la formule choisie — la plus onéreuse incluant un coaching familial.

L’application surveille de près les comportements de ses utilisateurs, notamment leur assiduité aux réunions de soutien ou aux rendez-vous en centre de réadaptation. L’application permet également de réaliser un autodiagnostic (alcootest ou test de dépistage de drogues), à l’aide d’un dispositif qui se connecte à l’application par Bluetooth. En cas de manquement aux obligations (rendez-vous ou dépistage), un conseiller est immédiatement alerté et contacte l’utilisateur. En revanche, si la personne reste sur le droit chemin, elle perçoit régulièrement une petite somme d’argent (5 $).

À noter qu’une loi fédérale datant des années 1970, destinée à prévenir la fraude, interdit aux prestataires de soins de santé de payer ou de recevoir des pots-de-vin, des rabais ou d’autres formes de paiement pour encourager les traitements couverts par le gouvernement. L’approche de DynamiCare était donc compromise. Mais étant donné l’efficacité de l’application et les sommes engagées, le Bureau de l’inspecteur général du ministère américain de la Santé et des services sociaux a déclaré qu’elle n’enfreignait pas la loi.

Une approche efficace et moins stigmatisante

Cet outil de thérapie numérique a fait l’objet de plusieurs études publiées et a déjà intégré des dizaines de programmes pilotes. Les résultats étaient chaque fois positifs, quel que soit l’objet de l’addiction (opioïdes, stimulants, alcool ou tabac). Une étude publiée l’an dernier dans the Journal of Substance Abuse Treatment a examiné la faisabilité, l’engagement (soit la durée et la cohérence de l’utilisation de l’application) et l’impact sur la participation au traitement habituel de l’intégration de cette thérapie dans le cadre d’un programme communautaire de traitement.

Dans cette étude, la moitié d’un groupe de 61 patients souffrant de troubles liés à la consommation d’alcool a été invité à utiliser l’application DynamiCare en plus du traitement habituel, pendant une période de 90 jours. Dans l’ensemble, deux tiers des patients assignés à l’application l’ont utilisée pendant au moins 57 jours et avec des taux élevés de conformité aux autodiagnostics. Les utilisateurs de l’application étaient en outre plus susceptibles que les autres (24% contre 3%) d’être maintenus dans le programme de soin habituel à l’issue des 90 jours, ce qui suggère que cet outil est potentiellement bénéfique en tant que complément aux programmes de soutien standards.

De par sa propre expérience, Richard Kostigen souligne par ailleurs que la possibilité d’effectuer des autotests est beaucoup plus agréable que de réaliser un dépistage en centre de soins. « C’est très différent, et vous commencez à vous sentir normal. Vous ne ressentez plus cette honte, cette stigmatisation », explique-t-il.

Alors que l’addiction aux opioïdes fait rage aux États-Unis — où ces médicaments sont largement utilisés pour traiter la douleur chronique —, ce type d’approche pourrait réellement sauver des vies. L’Organisation mondiale de la santé précise que plus de 70% des 500 000 décès attribuables à la consommation de drogues sont liés aux opioïdes. Et le nombre de décès consécutifs à la surdose d’opioïdes a malheureusement subi une augmentation importante au cours de la pandémie de COVID-19.

Source : Boston Globe

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