Des archéologues ont peut-être découvert le premier godemiché de l’époque romaine

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Le phallus en bois de Vindolanda. | Université de Newcastle
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L’ancien fort romain de Vindolanda, situé dans le Northumberland, au nord de l’Angleterre, est un site archéologique qui fait l’objet de fouilles régulières depuis les années 1970. En 1992, des archéologues y ont découvert une série de nouveaux objets, y compris un étrange instrument en bois, de forme allongée. Enregistré à l’époque comme outil à repriser, des experts de l’Université de Newcastle et de l’University College Dublin pensent aujourd’hui qu’il pourrait plutôt s’agir d’un godemiché.

Le fort de Vindolanda est un ancien fort romain situé à l’extrême nord de l’empire, au nord de l’Angleterre, près de la frontière écossaise. Au cours des deux derniers siècles, il a fait l’objet de très nombreuses fouilles archéologiques. Pourtant, selon le Vindolanda Charitable Trust, l’organisme qui administre le site et le musée qui y est dédié, seuls 25% du site auraient été fouillés jusqu’à présent ! En 1992, une équipe a découvert dans un fossé un objet en bois d’environ 16 centimètres de long.

Initialement catalogué comme outil à repriser, les experts estiment que cela n’était très certainement pas sa fonction. Et pour cause : cet objet vieux de 2000 ans a clairement la forme d’un pénis en érection. « Je ne sais pas qui l’a inscrit au catalogue. Peut-être que c’était quelqu’un qui n’était pas à l’aise avec ça ou qui ne pensait pas que les Romains puissent se livrer à ce genre de pratique », explique au Guardian Rob Collins, maître de conférences en archéologie à l’Université de Newcastle.

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Le premier phallus en bois grandeur nature

Cette erreur d’interprétation est d’autant plus surprenante que les représentations des organes génitaux masculins étaient très fréquentes à l’époque romaine, car elles jouaient un rôle important dans les croyances populaires. « En taillant, peignant, gravant et sculptant des images de phallus, […], les Romains pensaient qu’ils pouvaient conjurer le mal, invoquer la fertilité et porter chance sur eux-mêmes », expliquent les membres du Vindolanda Trust. Sur le site de Vindolanda lui-même, de nombreuses images phalliques ont d’ailleurs été découvertes au cours des fouilles.

À savoir que l’objet a été trouvé dans un fossé avec des dizaines de chaussures et d’accessoires vestimentaires, ainsi que divers restes d’artisanat, comme des chutes de cuir. C’est sans doute la raison pour laquelle il a tout d’abord été considéré comme un outil à repriser.

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Le phallus en bois, découvert sur le site archéologique de Vindolanda en 1992. © R. Collins et R. Sands

Sculpté dans du frêne, l’objet mesure environ 16 cm de long, pour un diamètre maximal à la base d’environ 4,6 cm, qui se rétrécit vers la pointe de l’objet. Selon les chercheurs, il était probablement plus long, car le bois archéologique est sujet au rétrécissement et à la déformation. L’extrémité est taillée en forme de gland : une incision d’un à trois millimètres de large s’étend sur un peu plus de la moitié de la circonférence au niveau de la partie supérieure.

Il s’agit du seul exemple de phallus en bois grandeur nature connu à ce jour dans toute la Grande-Bretagne romaine. La plupart des exemples archéologiquement documentés de phallus sont en métal, en pierre ou en os, ou parfois en céramique, notent les chercheurs. Ils sont généralement peints, ou gravés ; des exemples de phallus désincarnés portatifs se trouvent le plus souvent sous forme de miniatures, en pendentifs.

L’analyse a montré que le phallus avait des extrémités nettement plus lisses, ce qui suggère une manipulation fréquente. Sa fonction exacte reste à déterminer ; Rob Collins et Rob Sands, de l’University College Dublin, ont émis plusieurs hypothèses, qu’ils exposent dans la revue Antiquity.

Élément d’hermès, pilon ou godemiché ?

Les deux experts pensent tout d’abord à un élément saillant d’une statue ou d’un édifice, que les passants pouvaient toucher pour les préserver du malheur ou pour leur porter chance. Les hermès étaient en effet très courants dans le monde Gréco-Romain : il s’agit de sculptures composées d’une tête sur un bloc de pierre, au bas duquel se trouvait un phallus. Utilisé ainsi, il était sans doute destiné à protéger l’entrée de l’un des bâtiments clés à l’intérieur du fort. « L’absence d’altération de surface, cependant, suggère que, s’il était utilisé de cette manière, le phallus était soit gardé à l’intérieur ou dans un endroit abrité », notent les chercheurs.

Une autre interprétation possible, suggérée par la forme convexe de la base de l’objet, est qu’il servait de pilon. « La surface basale uniforme, convexe et lisse peut résulter du broyage ou du mélange de matériaux, tandis que la plus grande usure à l’autre extrémité du phallus peut indiquer où il a été maintenu pendant le processus », expliquent les experts. Il aurait pu être utilisé à des fins culinaires, cosmétiques ou pharmaceutiques. Les chercheurs expliquent que la forme de phallus pouvait potentiellement ajouter une protection ou une efficacité (voire une magie) supplémentaire à la mixture qui était préparée.

Enfin, il pourrait s’agir d’un véritable godemiché. « Si c’est le cas, ce serait, à notre connaissance, le premier godemiché romain découvert par l’archéologie », souligne Collins. Si les preuves archéologiques manquent, des textes et des représentations artistiques du monde gréco-romain suggèrent que de tels objets existaient effectivement à l’époque. Néanmoins, ils n’étaient pas nécessairement utilisés pour le plaisir. « De tels outils peuvent avoir été utilisés dans des actes qui ont perpétué des déséquilibres de pouvoir, comme entre une personne asservie et son propriétaire », expliquent les chercheurs.

Bien qu’il imite explicitement la forme anatomique d’un pénis, démontrer que cet objet était utilisé comme objet sexuel est un vrai défi, car aucun indice ne permet de le confirmer avec certitude. La forme seule ne suffit pas et la façon exacte dont l’usure peut se manifester sur un objet de ce type n’est pas claire (et dépend des variations d’utilisation). Sur ce point, étant donné la forme et l’usure observées, les chercheurs pensent qu’il était peut-être davantage utilisé pour la stimulation clitoridienne que pour la pénétration.

Le mystère reste entier, mais les deux spécialistes espèrent néanmoins avoir incité la recherche d’objets similaires et encouragé leur incorporation significative dans les récits du passé.

Source : R. Collins et R. Sands, Antiquity

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