Des ARNm inhalables pour booster l’efficacité des thérapies pulmonaires et des vaccins

ARNm inhale vaccin pulmonaire
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Pour les affections pulmonaires, la délivrance des thérapies à base d’ARN messager (ARNm) constitue un véritable défi en raison de leur rapidité de dégradation et de l’adhérence aux muqueuses. Afin de surmonter ces obstacles, des chercheurs suggèrent de les encapsuler dans des nanopolymères non adhérents et inhalables. Testée chez la souris, cette stratégie a permis d’améliorer la délivrance d’ARNm. Selon les chercheurs, elle pourrait ainsi considérablement accroître l’efficacité des vaccins et des thérapies géniques pulmonaires.

Pour exploiter leur plein potentiel, les thérapies à base d’ARNm doivent être efficacement délivrées au niveau des zones à traiter. En effet, ces stratégies se basent sur la capacité des acides nucléiques à réguler de manière exogène des processus intracellulaires. Leur livraison ciblée permet de modifier les expressions des gènes à l’intérieur des cellules, de façon permanente ou transitoire. Cette approche permet par exemple de corriger un gène lié à une maladie héréditaire, ou de faire en sorte qu’une cellule se comporte d’une certaine manière — qu’elle soit capable de reconnaître un virus par exemple.

Cependant, l’ARNm « nu » possède des propriétés pharmacocinétiques défavorables qui font qu’il est rapidement dégradé avant d’atteindre le cytoplasme de cellules cibles, au niveau duquel se déroule la traduction de la protéine fonctionnelle. Différentes stratégies d’administration ont été mises au point afin de contourner cet obstacle, telles que les vecteurs viraux et non viraux. Ces vecteurs permettent de préserver les ARNm de sorte à atteindre les milieux intracellulaires cibles.

Dans une étude datant de 2020, des chercheurs de Yale se sont penchés sur les vecteurs non viraux à base de particules de polymère. Mais bien que l’approche ait démontré une certaine efficacité, son application comporte des limites pour les maladies nécessitant une administration à la fois ciblée et non invasive, telles que les maladies pulmonaires. L’inhalation ou la nébulisation sont en effet plus adaptées à ces types de pathologies. Dans la nouvelle étude, publiée dans la revue Science Translational Medicine, les mêmes chercheurs ont développé une version améliorée et plus adaptée de vecteurs en polymères.

Des vecteurs polymères ultraflexibles

Pour l’administration par inhalation, les nanovecteurs à ARNm doivent être robustes. D’abord, ils doivent être optimisés de manière à surmonter l’effet barrière des muqueuses des voies respiratoires, qui ne laissent passer que peu de particules étrangères. De ce fait, une efficacité de transfection élevée (l’introduction du matériel génétique dans la cellule) est nécessaire afin de réduire la dose thérapeutique à administrer et atteindre le seuil de concentration pouvant induire une réponse à la thérapie. Il est important de savoir que malgré une efficacité et innocuité démontrées in vitro, certains traitements à ARNm basés sur la stratégie de vecteurs nanolipidiques inhalés n’ont démontré que peu d’efficacité lors des essais in vivo, en raison de l’adhérence aux muqueuses.

D’un autre côté, la muqueuse respiratoire est particulièrement sensible à l’immunopathologie. Des études précédentes ont révélé que plusieurs composants des vecteurs nanolipidiques utilisés pour les vaccins à ARNm existants induisent une réaction inflammatoire anormale après administration nasale. « Un vecteur polymère optimisé pour l’administration par inhalation qui atteint une efficacité de transfection d’ARNm élevée sans induire une réponse immunitaire inflammatoire, qui endommage les poumons, est nécessaire pour permettre le développement de thérapies pulmonaires à base d’ARNm », écrit l’équipe de Yale dans sa nouvelle étude.

Afin de surmonter ces défis, Saltzman et ses collègues ont conçu des vecteurs de nanoparticules constitués d’un mélange de polymères. Dans leur précédente recherche, il a été démontré qu’une famille de polymères (polyamine co-ester) biodégradables et non toxiques (PACE) particulière pouvait livrer efficacement l’ARNm au niveau des cellules. La composition des polymères PACE est ajustable en modifiant les monomères au cours de la réaction de polymérisation, ou en ajoutant des groupes chimiques terminaux. Grâce à l’ajout de groupes terminaux à base d’amines et de polyéthylène glycol (PEG), l’efficacité de transfection a pu être améliorée (et l’adhérence aux muqueuses diminuée).

« Nous avons capitalisé sur la nature hautement réglable des polyplex PACE en criblant une bibliothèque de véhicules de livraison avec différents groupes terminaux chimiques et contenus en PEG pour optimiser l’expression élevée de protéines après la livraison locale dans les voies respiratoires », expliquent les chercheurs. Notamment, cette flexibilité a permis aux chercheurs de créer un polyplex PACE-ARNm optimisé, induisant une forte expression des protéines livrées au niveau des poumons (à l’intérieur des cellules épithéliales et des cellules présentatrices d’antigènes), et ce sans induire de réponse inflammatoire néfaste.

Pour tester leurs nanoparticules de polymères optimisées, les scientifiques les ont utilisées pour délivrer un ARNm codant pour la luciférase (une enzyme catalysant la bioluminescence) à des souris. Ils ont pu observer qu’après administration intranasale, l’ARNm a envahi jusqu’à un cinquième des cellules tapissant le nez, la gorge et les poumons des rongeurs. Les tissus pulmonaires traités avec les polyplex les plus performants ont produit trois fois plus de bioluminescence que ceux traités avec les vecteurs conventionnels.

Ensuite, des souris génétiquement modifiées pour être sensibles au SARS-CoV-2 ont reçu un vaccin intranasal par le biais des polymères optimisés. Environ 70% des souris vaccinées ont survécu après une inoculation massive du virus, tandis qu’aucune de celles non vaccinées n’a survécu. Les résultats suggèrent ainsi que l’efficacité d’un vaccin peut être fortement améliorée en intervenant directement au niveau des premières voies d’exposition. Chez l’homme, si la voie intranasale ne suffit pas, l’approche pourrait être appliquée aux nébuliseurs afin de garantir la délivrance des ARNm thérapeutiques aux poumons.

Source : Science Translational Medicine

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