Le besoin de chaos est fortement lié à la propagation de théories du complot, révèle une analyse

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Bien qu’un nombre croissant d’études soient consacrées à la psychologie des théories du complot, peu d’entre elles analysent les raisons pour lesquelles les personnes sont plus enclines ou non à les partager sur les réseaux sociaux. Une étude récente suggère que le besoin de chaos — notamment le désir de perturber ou de défier les systèmes établis — joue un rôle plus important que la partisanerie et l’idéologie dans la propagation de théories complotistes.

La propagation de théories du complot engendre des conséquences sociopolitiques non négligeables. Bien que l’idéologie et l’identité puissent affecter l’exposition à une théorie, le partage est nécessaire pour qu’elle s’installe. D’un autre côté, la croyance et la cohérence de la théorie ne sont pas forcément des conditions nécessaires au désir de la propager. Il est donc crucial d’analyser plus avant les véritables liens motivationnels afin d’en mesurer les implications sociopolitiques.

Dans une nouvelle analyse détaillée dans Sage Journals, des chercheurs du Carleton College (au Minnesota) ont exploré l’effet de trois principales motivations sur le partage de théories du complot sur les réseaux sociaux. La première concerne la volonté de renforcer des convictions personnelles ou celles du groupe (partage motivé), la seconde consiste à vouloir générer une action collective contre un groupe rival (tirer la sonnette d’alarme) et la troisième à inciter les autres à défier les systèmes établis (besoin de chaos).

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« Nous avons été motivés par des recherches antérieures qui ont révélé la relation entre le besoin de chaos et la volonté de partager des théories du complot sur les réseaux sociaux », expliquent les chercheurs. Cependant, ces études n’évaluaient pas de quelle manière ce besoin affectait le partage lorsqu’il est comparé à une mesure directe de la croyance en la théorie. L’une des hypothèses est que le partage motivé est axé vers l’intérieur (vers soi) et dépend du niveau de croyance, tandis que tirer la sonnette d’alarme est davantage orienté vers l’extérieur, en visant à battre d’autres groupes par exemple, et ne dépend pas nécessairement du niveau de confiance en la théorie propagée. En outre, le besoin de chaos peut supplanter les motivations liées à la partisanerie ou l’idéologie et est tout simplement gouverné par le désir d’ébranler un système préétabli. Ces nuances suggèrent qu’il est particulièrement important d’analyser ensemble les différentes motivations de partage.

Le besoin élevé de chaos influence positivement le partage de théories complotistes

Afin de tester leurs hypothèses, les chercheurs ont effectué des sondages en ligne auprès de 3336 personnes. Parmi ces participants, 1772 se sont identifiés en tant que démocrates ou à tendance démocratique, tandis que 1564 se sont proclamés républicains. Le partage motivé a été évalué selon le niveau de croyance en une théorie complotiste spécifique et la volonté de la partager. La manière dont cette volonté était liée à la cohérence de la théorie a également été analysée. D’autre part, d’autres variables pouvant influencer la motivation de partage ont été considérées, notamment : la force d’identité partisane, l’autoritarisme, la proportion à accorder la confiance, la religiosité, l’éducation, le revenu, le sexe, l’âge et l’origine ethnique ou la race.

Au total, six théories complotistes ont été exposées aux participants. Celle soumise aux démocrates était par exemple citée comme suit : « Certaines personnes pensent que Donald Trump complote avec des sociétés secrètes de suprémacistes blancs, comme le Ku Klux Klan, pour prendre le contrôle des États-Unis. D’autres ne le croient pas. Qu’en pensez-vous ? ». Celle exposée aux républicains était exposée ainsi : « Certaines personnes pensent que l’enquête Mueller n’est pas véridique (une enquête sur la collusion de la campagne Trump avec le gouvernement russe). Au lieu de cela, elles pensent qu’il s’agit d’une enquête sur des activités néfastes, notamment la pédophilie et divers autres crimes, perpétrés par les Clinton, Barack Obama et d’autres personnes non élues qui travaillent actuellement dans les coulisses pour diriger le gouvernement. D’autres ne le croient pas. Qu’en pensez-vous ? ».

Afin d’évaluer la motivation de tirer la sonnette d’alarme, les participants ont été questionnés sur leurs pronostics par rapport aux taux de victoire ou de défaite de leurs partis politiques, concernant des sujets comptant personnellement à leurs yeux. Les mesures ont été effectuées sur la manière dont le sentiment d’être du côté des perdants influence la volonté de partager des théories complotistes.

Une échelle à huit variables appelée « Need for chaos » a été utilisée pour mesurer la manière dont les personnes veulent perturber de façon extrême le système établi. Elle vise à évaluer si celles ayant un plus grand besoin de chaos étaient plus susceptibles de propager des théories du complot, quel que soit leur cohérence ou leur parti politique. Les participants correspondant à ce profil étaient d’accord avec des idées telles que : « nous ne pouvons pas résoudre les problèmes de nos institutions sociales, nous devons les démolir et recommencer » et « j’ai besoin de chaos autour de moi — c’est trop ennuyeux si rien ne se passe ».

Après analyse, les chercheurs ont effectivement constaté que le besoin de chaos était fortement lié à la volonté de propager des théories du complot. Les volontaires ayant un besoin de chaos élevé étaient plus susceptibles d’exprimer leur volonté et de partager au moins une des six théories incluses dans l’étude. Le niveau de croyance envers la théorie était également un puissant indicateur du désir de la partager. D’après les experts, il s’agirait du meilleur indicateur de la volonté de propagation.

De manière étonnante, le désir de tirer la sonnette d’alarme n’a pas été significativement associé à la propagation de théories du complot. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le sentiment d’être dans le parti perdant influence négativement la motivation de partager les théories, tandis que ceux du parti gagnant étaient davantage motivés à les propager. De plus, la partisanerie et l’idéologie ne prédisent pas non plus de manière suffisamment fiable cette volonté de partage. Bien que l’analyse soit observationnelle, elle contribue à améliorer notre compréhension de la psychologie des théories du complot.

Source : Sage Journals

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