La bioluminescence serait apparue pour la première chez les coraux il y a 540 millions d’années

Son origine remonterait donc à 300 millions d’années plus tôt que précédemment estimé.

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Un Chrysogorgiidae, un corail appartenant à la sous-classe des Octocorallias, chez lesquelles la bioluminescence aurait émergée pour la première fois il y a 540 millions d'années. | Schmidt Ocean Institute
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Une récente étude révèle que la bioluminescence est apparue pour la première fois chez une sous-classe de coraux appelée Octocorallia il y a 540 millions d’années, soit près de 300 millions d’années plus tôt que précédemment estimé. Cette capacité aurait conféré d’importants avantages évolutifs et pourrait constituer l’une des premières formes de communication interespèce. Elle aurait en outre été un moteur de diversification majeur, contribuant probablement à « l’explosion cambrienne ».

Provoquée par une réaction chimique entre un substrat (la luciférine) et une enzyme (la luciférase), la bioluminescence figure parmi les phénomènes les plus fascinants de la nature. Elle est répandue chez de nombreux organismes à la fois terrestres et marins, tels que les lucioles, les méduses, les poissons, le plancton, les coraux, etc. Les chercheurs estiment d’ailleurs qu’elle constitue un trait écologique prédominant dans les environnements marins, 75 % des animaux qui y résident étant bioluminescents au moins à un certain degré.

Une étude a récemment suggéré que la bioluminescence a évolué plus de 100 fois de manière indépendante (c’est-à-dire qu’elle possède plus de 100 origines) à travers « l’arbre de vie ». Cependant, la compréhension de son origine évolutive est considérablement limitée, car seuls quelques groupes d’animaux bioluminescents disposent de données phylogénétiques (les liens de parenté entre les lignées existantes et éteintes) fiables.

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L’origine la plus ancienne de la bioluminescence connue à ce jour chez les animaux date d’il y a 267 millions d’années et concerne les Ostracodes (des crustacés microscopiques). La nouvelle étude, codirigée par le Musée national d’histoire naturelle du Smithsonian, repousse beaucoup plus loin cette origine, en suggérant notamment qu’elle est apparue chez les octocoraux il y a 540 millions d’années. Les résultats sont publiés sur la plateforme Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences.

L’une des premières formes de communication interespèce ?

Les chercheurs se sont concentrés sur les Anthazoaires (ou Coralliaires), car ils sont à la fois incroyablement diversifiés et figurent parmi les clades d’animaux les plus anciens de la planète. D’un autre côté, bien que plusieurs groupes aient été répertoriés comme bioluminescents, on sait très peu de choses sur les rôles écologiques, les mécanismes moléculaires et les origines évolutives de leur bioluminescence.

Parmi les principaux Anthazoaires bioluminescents figurent les octocoraux (coraux mous, gorgones, plumes de mer). Tirant leur nom de la symétrie octogonale de leurs branches, ils sont constitués de polypes se regroupant en colonies, à l’instar de tous les coraux, mais ne font pas partie des groupes formant les récifs, car leur squelette n’est pas rigide. Étant donné que les taxons composant ce clade semblent partager des substrats et des enzymes bioluminescents structurellement identiques, les experts ont émis l’hypothèse qu’une origine unique de la bioluminescence pourrait concerner le groupe.

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Phylogénie des Anthozoaires avec états bioluminescents et plages de profondeur. © Danielle M. DeLeo et al.

Afin d’étayer leur hypothèse, les chercheurs se sont appuyés sur une technique appelée « reconstruction de l’état ancestral ». La première étape consistait à identifier les taxons existants possédant une capacité de bioluminescence. Pour ce faire, plusieurs spécimens ont été placés dans l’obscurité puis stimulés mécaniquement afin d’observer leur luminosité. En effet, ces animaux n’activent leur bioluminescence qu’en état de stress.

Les chercheurs ont constaté qu’il y avait beaucoup plus de coraux bioluminescents que ce à quoi ils s’attendaient. Ils appartiennent principalement aux groupes des Octocorallias et des Hexacorallias et leurs habitats naturels s’étendent à un large éventail de profondeurs océaniques.

La seconde étape de la recherche consistait à transposer ces données à leurs branches ancestrales. Un diagramme phylogénétique (ou arbre phylogénétique) incluant 185 taxons a été utilisé pour déterminer quand le trait aurait pu apparaître pour la première fois. Contrairement à l’arbre généalogique, qui montre uniquement les liens de parenté, l’arbre phylogénétique retrace les liens évolutifs entre les différentes espèces. Si la bioluminescence est partagée entre des espèces de coraux lointainement apparentées, elle a probablement été héritée d’un ancêtre commun beaucoup plus lointain.

Les experts ont retracé l’origine de la bioluminescence jusqu’à la période cambrienne, il y a 540 millions d’années, notamment chez un ancêtre commun des Octocorallias. Si ce trait a persisté jusqu’à aujourd’hui et s’est propagé à travers la plupart des organismes marins, c’est qu’il a probablement conféré un avantage évolutif majeur.

Selon Andrea M. Quattrini du Musée d’histoire naturelle du Smithsonian, coauteur principal de l’étude, « le point clé est qu’elle est apparue il y a 540 millions d’années et qu’elle a été conservée pendant tout ce temps [ainsi]. Cela a dû être important pour la condition physique de ces organismes ». Elle pourrait par exemple avoir un effet dissuasif sur les prédateurs et constituerait ainsi l’une des premières formes de communication interespèce.

D’un autre côté, « il existe différentes hypothèses sur la raison pour laquelle la bioluminescence a évolué en premier lieu, et ce n’était probablement pas pour la communication au départ, précise Quattrini. L’une de ces hypothèses suggère que la réaction chimique qui la sous-tend aurait protégé les cellules de l’excès d’oxygène de l’atmosphère cambrienne, ce qui aurait permis aux octocoraux de survivre à l’extinction de masse.

octocoraux
Abondance des octocoraux selon la profondeur. Répartitions selon la profondeur des octocoraux observées lors des plongées au large de la baie de Monterey, en Californie. Les espèces ont été classées en fonction du tableau des caractères comme étant susceptibles d’être bioluminescentes (observation au niveau de l’espèce ou du genre) ou indéfinies (aucun enregistrement). Les distributions sont tracées sous forme de barres empilées. © Danielle M. DeLeo et al.

Un facteur de diversification majeur

Par ailleurs, il est intéressant de noter que les familles de coraux bioluminescents sont parmi les plus diversifiées de la planète, ce qui suggère que ce trait aurait pu être un moteur de diversification leur ayant permis de coloniser de nouveaux habitats. En outre, sa date d’apparition chez les octocoraux coïncide avec « l’explosion cambrienne », une période clé de l’évolution au cours de laquelle la vie s’est soudainement et rapidement diversifiée.

Les chercheurs prévoient maintenant d’explorer plus avant cette dernière hypothèse ainsi que la raison pour laquelle certains coraux ont perdu leur capacité de bioluminescence. Ils espèrent également pouvoir prédire la présence du trait par le biais du séquençage d’ADN, afin d’éviter de retirer les coraux de leurs habitats naturels et de les stresser.

Vidéo de présentation de l’étude :

Source : Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences

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