À l’ère de la convergence technologique, la frontière entre le vivant et la machine s’efface progressivement. Dans les laboratoires de l’Université technologique de Nanyang, en Chine, des chercheurs repoussent une nouvelle fois les limites de l’innovation, transformant des cafards en véritables agents robotiques capables d’explorer les territoires les plus impénétrables. Le monde étant promis à un avenir de plus en plus robotisé, les chercheurs associent souvent nature et technologie pour développer des solutions répondant à des besoins spécifiques.
Entre les murs de l’Université technologique de Nanyang, ce sont exactement des blattes sifflantes de Madagascar qui sont transformées en de véritables cyborgs miniatures de façon autonome : un bras robotique les équipe de dispositifs électroniques de contrôle d’une grande précision. Grâce à leur petite taille et leur résilience extraordinaire, ces insectes peuvent naviguer avec une agilité déconcertante dans les environnements les plus complexes et hostiles. De surcroît, transformés en cyborgs, ces cafards avancent sans nécessiter de source d’énergie externe.
Dans une expérience réalisée il y a quelques mois, 20 de ces blattes de Madagascar transformées en cyborgs ont été testées dans un environnement contrôlé simulant un terrain particulièrement difficile. L’objectif était d’évaluer l’algorithme de navigation coordonnant les mouvements de cette petite armée cybernétique. Plus récemment, certains membres de l’équipe ont réalisé une nouvelle étude visant à tester un processus robotisé permettant de transformer à la chaîne les cafards en robots hybrides. En attente d’évaluation par les pairs, l’étude est disponible sur le serveur arXiv.
Ingénierie du vivant : quand la biomécanique repousse ses limites
Le système d’assemblage intègre un bras robotique servant à implanter des électrodes bipolaires sur le corps des cafards avec une précision chirurgicale. Il est doté d’une technologie de vision optimisée par apprentissage profond (ou deep learning). Ce système boosté à l’IA localise avec une grande précision la zone d’implantation des électrodes, en tenant compte de la variabilité morphologique de chaque insecte. Il est également muni d’une structure permettant de maintenir l’insecte de manière délicate pendant que le bras robotique opère. Grâce à ces technologies de pointe, l’ensemble du processus ne dure que 68 secondes !
Les électrodes bipolaires implantées permettent de transmettre des signaux électriques à l’insecte, permettant ainsi de contrôler leurs mouvements. En d’autres termes, elles servent à influencer et guider les déplacements des blattes. Par ailleurs, dans le cadre de cette expérience, les scientifiques ont également mis au point un nouveau protocole de stimulation. Pour contrôler avec précision les mouvements de l’insecte, les électrodes, parfaitement positionnées, envoient les signaux vers une membrane intersegmentaire située entre le pronotum (partie supérieure du thorax, juste derrière la tête) et le mésothorax (la section médiane du thorax).
Une fusion technologique au service de l’humain ?
Les tests ont montré que les cafards cyborgs réagissaient très bien aux stimuli. Les chercheurs ont pu modifier leur direction de plus de 70 degrés après seulement 0,4 seconde de stimulation électrique et pouvaient également réduire leur vitesse de 68,2 % avec la même durée de stimulation. En outre, ils ont constaté que les performances des robots assemblés automatiquement étaient comparables – voire supérieures – à celles des robots assemblés manuellement. Ces résultats permettent donc de valider définitivement l’efficacité de leur technologie d’assemblage automatique.
Par suite, les scientifiques ont testé la capacité de quatre cafards hybrides conçus par le robot à naviguer dans un environnement parsemé de débris et de tunnels étroits. La petite armée est parvenue à couvrir 80,25 % du terrain en seulement dix minutes. Les performances de ces mini cyborgs valident la faisabilité d’une production à grande échelle par l’utilisation du bras robotique ainsi que leur potentiel pour des applications pratiques, dont la recherche de personnes disparues suite à des catastrophes naturelles.