Les CDC se penchent sur le lien entre vaccination et troubles du cycle menstruel

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Plusieurs femmes ont rapporté des troubles de leur cycle menstruel après avoir reçu une dose de vaccin anti-COVID. Des règles plus abondantes, plus douloureuses, ou au contraire quasi inexistantes, des cycles raccourcis ou allongés, des saignements intermenstruels, etc. Les autorités sanitaires n’ont pas vraiment pris en compte ces signalements et à ce jour, les troubles menstruels ne font pas partie des effets secondaires probables des vaccins. Il n’est en réalité pas si évident d’établir un lien de cause à effet…

Douleur au point d’injection, maux de tête, fatigue, fièvre légère, voilà les principaux symptômes que l’on peut présenter après s’être fait vacciner. Des effets secondaires typiques, qui montrent que l’organisme développe ses défenses immunitaires contre le virus. Aux États-Unis, comme dans d’autres pays, des milliers de femmes ont également remarqué un changement au niveau de leur cycle menstruel suite à leur vaccination ; les données sont toutefois insuffisantes à ce jour pour établir un lien quelconque.

Deux chercheuses ont décidé de se pencher sur la question : le Dr Kathryn Clancy, écologiste de la reproduction humaine et professeure agrégée d’anthropologie, et Katharine Lee, anthropologue biologique, toutes deux étant spécialistes en santé des femmes. Clancy a d’abord été motivée par sa propre expérience : « Mes règles après la première dose ont été parmi les plus abondantes dont je me souvienne de ma vie », confie-t-elle sur les réseaux sociaux. De même, après sa première injection, Lee a constaté des saignements légers et a souffert de crampes utérines : « Je porte un stérilet Mirena donc je n’ai normalement pas de règles », souligne-t-elle.

Un processus naturel complexe, influencé par de nombreux facteurs

Pendant les semaines qui ont suivi, plusieurs témoignages similaires ont suivi le message de Clancy ; le sujet méritait donc une investigation. Les deux chercheuses ont ainsi collecté plus de 140 000 témoignages de femmes ayant noté un changement dans leur cycle après la vaccination. Forcément, le sujet alimente largement les théories complotistes selon lesquelles les vaccins auraient été conçus pour rendre tout le monde stérile. Et ce potentiel effet secondaire va sans doute ébranler davantage la confiance des personnes déjà réfractaires à la vaccination… « Cela donne aux gens l’impression que leur corps n’a pas été pris en compte dans le cadre de l’essai [clinique] », explique Lee.

L’American College of Obstetricians and Gynecologists déclare que ces troubles menstruels sont connus, mais que la vaccination demeure fortement recommandée et qu’il n’y a aucune raison de prendre ses rendez-vous de vaccination en fonction de ses dates de cycle. De leur côté, la Food and Drug Administration, de même que les trois fabricants de vaccins COVID-19 autorisés pour une utilisation d’urgence aux États-Unis (Pfizer, Moderna et Janssen) ont déclaré qu’ils n’avaient vu aucune preuve, lors des essais cliniques, que leur vaccin provoquait des irrégularités menstruelles.

Même si les témoignages sont relativement nombreux, ils ne représentent qu’une petite partie des dizaines de millions d’Américains vaccinés. En outre, il ne faut pas oublier que les menstruations reposent sur un processus hormonal complexe, qui peut varier considérablement d’une femme à l’autre, mais aussi d’un mois sur l’autre. « Le cycle menstruel lui-même est incroyablement difficile à étudier, car il y a tellement d’autres choses qui peuvent l’influencer », explique la Dr Laura Riley, chef du département d’obstétrique et de gynécologie au Weill Cornell Medical Center de New York. En effet, de nombreux facteurs peuvent affecter le cycle d’une femme, même ponctuellement : un choc émotionnel, le stress, la prise de certains médicaments, un changement de contraception et même certains compléments alimentaires à base de plantes. Même les femmes « réglées comme une horloge » depuis des années peuvent soudainement observer un changement de durée de leur cycle à un moment ou un autre de leur vie.

Les deux chercheuses notent d’ailleurs que la plupart des femmes ont rapporté des changements transitoires : « D’après ce que nous avons vu jusqu’à présent, les changements du cycle menstruel semblent être de courte durée, quelques cycles seulement », a déclaré Lee. Plus surprenant : quelques femmes ménopausées ont elles aussi rapporté de légers saignements alors que leurs dernières règles remontent à des années ! Face à ce genre de témoignage, il est légitime de s’interroger.

Une modification de l’état immunologique ?

Compte tenu des conditions inédites dans lesquelles les vaccins COVID ont été développés, le sujet suscite une vague d’inquiétude parmi la population féminine, qui n’est pas toujours considérée par le corps médical. « C’est le genre de mépris qui peut semer la méfiance », notent Lee et Clancy. « Cela sème la méfiance, car ce n’était pas prévu », ajoute Lee. Pour Alice Lu-Culligan, spécialiste de la santé reproductive à l’Université de Yale, les personnes qui se font vacciner ont le droit de savoir que cela pourrait modifier temporairement leur cycle menstruel, même si ces changements sont mineurs et ponctuels. « Mais pour le moment, nous ne comprenons vraiment pas ces changements », reconnaît-elle.

Quelle pourrait être la cause de ces perturbations ? Lu-Culligan évoque des études récentes montrant qu’au cours d’un cycle, les cellules immunitaires jouent un rôle à la fois dans la formation et la dégradation de la muqueuse utérine. « Lorsque vous modifiez votre état immunologique avec un vaccin, il est certainement possible que vous modifiiez un peu la dynamique normale du processus », explique-t-elle. Les Centers for Disease Control and Prevention ont décidé de prendre les signalements plus au sérieux et de vérifier s’il existe ou non un lien avéré entre la vaccination et les menstruations, en examinant l’une de ses bases de données — le Vaccine Safety Datalink (VSD), dédiée à la surveillance de l’innocuité des vaccins et à l’étude des effets indésirables.

Pour mener à bien sa mission de surveillance, le VSD croise de nombreuses données, en collaboration avec neuf organisations de soins de santé : des données concernant les vaccins (type, dates), des données sur les maladies diagnostiquées par les cabinets médicaux, les visites aux urgences, les séjours à l’hôpital, etc. Très logiquement, si le taux d’événements indésirables chez les personnes vaccinées est plus élevé que dans le groupe de comparaison (non vacciné), le vaccin peut être associé à un événement indésirable.

Mais selon le Dr Kathryn Edwards, qui fait partie d’un comité indépendant de surveillance des données pour le vaccin Pfizer, des changements relativement mineurs ou inhabituellement rares de la menstruation pourraient ne pas avoir été détectés lors des essais cliniques. Ces données (régularité du cycle, abondance des règles) ne sont tout simplement pas collectées avant les injections ; ainsi, les participantes devaient signaler un éventuel changement de cycle comme « événement indésirable ». Mais, comme le note Lee, encore faut-il considérer un léger saignement intermenstruel comme un « événement indésirable ».

Source : NPR

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