Le mystère de la connexion corps-esprit enfin résolu ? Découverte d’un réseau inédit dans le cortex moteur

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Un réseau récemment découvert dans le cortex moteur serait le siège de la connexion corps-esprit, bouleversant notre compréhension de la structure fonctionnelle de cette région cérébrale. Ce réseau serait à la fois impliqué dans la réflexion et la planification, ainsi que dans le contrôle des fonctions corporelles involontaires.

Pendant des décennies, les neuroscientifiques ont admis que le cortex moteur forme une structure somatotopique continue (la position dans le système nerveux des structures correspondant à différentes parties du corps). Cette compréhension se base sur les travaux de Wilder Penfield, un célèbre neurochirurgien ayant cartographié les régions motrices du cerveau dans les années 1930. Pour cartographier ces zones, de légères stimulations électriques ont été appliquées dans le cerveau de patients subissant une chirurgie. En analysant les réponses de chaque zone, il a été constaté que la stimulation d’une étroite bande de tissu, comprimée entre le cerveau gauche et droit, induisait des contractions au niveau de certaines parties du corps.

Ces zones de contrôle moteur sont disposées exactement dans le même ordre que les régions du corps qu’elles commandent. Les régions contrôlant les orteils se trouvent notamment à une extrémité de la bande de tissu, tandis que celles contrôlant le visage se trouvent à l’extrémité opposée. Cette découverte a permis au neurochirurgien d’établir une carte représentée comme un homoncule, devenue incontournable dans tous les manuels de neuroscience.

Cependant, certaines fonctions contrôlées par le cerveau déconcertent les neuroscientifiques. Par exemple, le mécanisme expliquant pourquoi l’anxiété incite certaines personnes à faire les cent pas ou à effectuer d’autres mouvements de nervosité, demeure un mystère. De nombreuses autres questions restent également sans réponse, telles que : pourquoi la stimulation du nerf vague – régulant les fonctions autonomes des organes internes – peut-elle atténuer la dépression ? Pourquoi les personnes pratiquant régulièrement des exercices physiques se sentent-elles plus épanouies en général ?…

Des recherches antérieures ont suggéré l’existence d’une connexion cérébrale corps-esprit et remettaient en question les travaux de Penfield. Rappelons que la mémoire, l’attention, la logique, l’intuition, la résolution de problèmes, la capacité à communiquer, l’émotion (en théorie) et même l’inconscience sont les principales caractéristiques de l’esprit. Toutefois, le manque d’éléments de preuve et la notoriété de la carte de Penfield ont fait que ces recherches ont été laissées de côté. « Une fois que nous avons commencé à chercher, nous avons trouvé de nombreuses données publiées qui ne correspondaient pas tout à fait à ses idées, et des interprétations alternatives qui avaient été ignorées », explique le coauteur principal de la nouvelle étude, Nico Dosenbach, professeur agrégé de neurosciences à l’école de médecine de l’Université de Washington.

La nouvelle étude, décrite dans la revue Nature, propose à la fois une rétrospective de synthèse sur ces études et de nouvelles preuves tangibles sur le lien corps-esprit. Les résultats ont mis en lumière de nouvelles parties du cortex moteur cérébral, impliquées dans la réflexion et la planification, ainsi que dans le contrôle des fonctions physiologiques autonomes (telles que la régulation de la pression artérielle et du rythme cardiaque). Contrairement aux hypothèses antérieures, le cortex moteur formerait ainsi une structure somatotopique discontinue.

La région de la réflexion et de la planification

Dans le cadre de leur recherche, Dosenbach et ses collègues ont reproduit les travaux de Penfield en s’appuyant sur l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) de sept adultes en bonne santé. Ils ont ensuite conçu des cartes cérébrales individuelles pour chaque participant et comparé les résultats avec un ensemble de données de scintigraphies cérébrales d’environ 50 000 personnes.

Les chercheurs ont été surpris de découvrir que la cartographie de Penfield ne correspondait pas tout à fait aux résultats. Les zones contrôlant les pieds, les mains et le visage correspondaient à celles de la carte. En revanche, trois autres petites régions se trouvaient entre ces trois zones et semblaient seulement indirectement impliquées dans le contrôle des mouvements, malgré leur présence dans le cortex moteur.

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Les trois points colorés sur chaque hémisphère cérébral indiquent des zones spécifiques connectées aux zones impliquées dans la pensée, la planification et le contrôle des fonctions corporelles de base. Plus la couleur est chaude (rouge), plus les connexions sont denses. © Université de Washington

Ces trois nouvelles zones seraient différentes de celles contrôlant le mouvement, étant notamment plus fines et fortement connectées les unes aux autres, ainsi qu’à des zones cérébrales impliquées dans la pensée, la planification, l’excitation mentale, la douleur et le contrôle des organes internes et des fonctions physiologiques. De plus, les IRMf ont montré que ces zones s’activent lorsque la personne pense à effectuer un mouvement et se mettent en repos lorsque le mouvement est exécuté.

Les chercheurs estiment que ces régions seraient les zones où l’esprit est actif et se met à s’orienter vers des objectifs. « L’esprit sert à se comporter avec succès dans l’environnement afin que vous puissiez atteindre vos objectifs sans vous blesser ou vous tuer », indique Dosenbach. Il est ainsi logique que les zones motrices soient connectées aux processus exécutifs et physiologiques tels que la fréquence cardiaque et la nociception. « Si vous en calmez une, cela devrait avoir des effets de rétroaction sur l’autre », explique Evan M. Gordon, l’auteur principal de l’étude, professeur adjoint de radiologie à l’Université de Washington.

Les chercheurs ont appelé ces nouvelles connexions : « réseau d’action somato-cognitif (corps-esprit) », ou SCAN. D’autres expériences ont par ailleurs montré que ce réseau n’est détectable chez l’enfant qu’à partir de 1 an et devient aussi visible que chez l’adulte à partir de 9 ans. En effectuant les observations chez d’autres mammifères, il a été constaté que le réseau était moins étendu et plus rudimentaire chez les singes. Les auteurs de l’étude suggèrent que le réseau SCAN se développe à mesure qu’un organisme effectue des planifications et des réflexions complexes.

Source : Nature

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