Des chercheurs de la NASA, du MIT et de la DARPA se réunissent pour discuter de technologies « antigravité »

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Une voiture antigravitationnelle imaginée par le concepteur néofuturiste Sydney Jay Mead en 1979. | S. Mead
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L’antigravité est l’idée d’une technologie, appliquée à un objet ou à un espace, permettant « d’annuler » la gravité — et non de la compenser comme cela est le cas pour un avion par exemple. Depuis novembre 2020, un certain nombre de scientifiques de la NASA, de la DARPA, du MIT et de l’armée de l’air se réunissent régulièrement sur Zoom pour discuter des technologies de propulsion du futur, dont l’hypothétique « antigravité ». Un événement étonnant étant donné que pour le moment, cette technologie reste uniquement dans l’univers de la science-fiction ou dans l’esprit de quelques théoriciens rêveurs.

L’événement, baptisé Conférence sur l’ingénierie de propulsion alternative (APEC), a été créé pour donner aux scientifiques l’occasion de discuter d’idées taboues (voire farfelues) qui sortent des limites de la science moderne actuelle.

Selon les informations recueillies par The Debrief, 22 réunions ont eu lieu depuis lors, au cours desquelles les scientifiques ont abordé des sujets allant de la propulsion non newtonienne (Em Drive) à l’observation de phénomènes aériens non identifiés (PANs). En d’autres termes, pour reprendre les mots de Ron Kita, fondateur de Chiralex — une entreprise qui développe des matériaux de « blindage gravitationnel », c’est le « Woodstock de la recherche sur la manipulation de la gravité ».

Cours de récréation pour ingénieurs ou conférence scientifique sérieuse ?

« La communauté de la propulsion alternative est hautement intersectorielle, et nous sommes pris en sandwich entre les cultures de l’aérospatiale, de la défense, de l’ingénierie électrique, de la physique, des OVNI et des sciences de pointe », a déclaré Tim Ventura, modérateur et organisateur de la conférence, à The Debrief.

« Des gens de toutes ces cultures viennent à la conférence et font des présentations, et ce malgré le fait que ces différentes communautés ne sont pas toujours d’accord sur certains sujets. Nous avons réussi à éviter les conflits », a-t-il ajouté. À en lire ces mots, on peut comprendre que la conférence sert avant tout de lieu d’échange d’idées ou de travaux personnels sur l’une ou l’autre des technologies abordées.

Mais il faut tout de même noter que 16 des 71 participants à l’événement de novembre étaient des scientifiques et des ingénieurs actuels ou anciens de la NASA, selon The Debrief, et 14 autres étaient affiliés à des institutions réputées, notamment le MIT et l’Université Harvard. Parmi ces théoriciens marginaux, il est donc fort probable que l’on puisse y trouver des idées brillantes et réalistes.

Le rêve de défier la gravité

Comme on pouvait s’y attendre, cet environnement a créé une sorte de « club virtuel » où des physiciens et des ingénieurs hautement qualifiés peuvent discuter de leurs théories et de leurs expériences en matière d’antigravité sans risquer de s’exposer au scepticisme du public. « À l’origine, elle devait s’appeler la ‘Conférence sur l’antigravité’ », déclare Mark Sokol, fondateur de l’APEC, au sujet du nom de la conférence, « mais nous avons pensé que l’antigravité avait une connotation trop négative ».

La possibilité de créer une technologie d’antigravité dépend de la compréhension et de la description complètes de la gravité, ainsi que de ses interactions avec d’autres théories physiques, telles que la relativité générale et la mécanique quantique. En 2021, les physiciens n’ont pas encore su élaborer une théorie quantique de la gravité. Les physiciens quantiques théoriques ont postulé l’existence d’une particule de gravité quantique, le graviton. Diverses explications théoriques de la gravité quantique ont été créées, parmi lesquelles la théorie des supercordes, la gravité quantique à boucles, la théorie E8 et la théorie de la sécurité asymptotique, entre autres.

Mark Sokol est aussi le fondateur de Falcon Space, basée dans le New Jersey (États-Unis). Il s’était notamment lancé, avec son entreprise, dans la mise au point d’un « détecteur de distorsion gravitationnelle » (le « Warp Drive Detector ») et du premier « avion antigravité au monde ». « Le Warp Drive Detector a été imaginé par Jeremiah Popp [également actif au sein de Falcon Space] et moi-même », a déclaré Sokol. « L’idée est de déterminer si un champ de distorsion est créé, pour voir si quelque chose modifie la vitesse de la lumière à proximité d’une expérience ». Le dispositif théorique servirait donc à aider l’équipe de Falcon Space dans ses expériences sur la gravité.

warp drive alcubierre
Le Warp Drive est un moyen de propulsion supraluminique utilisant la distorsion de l’espace-temps. Il fonctionne sur le modèle de la métrique d’Alcubierre. © ElixirOfKnowledge

L’analyse laborieuse de la littérature scientifique de Sokol et son collègue Jeremiah Popp les a guidés vers une série d’expériences d’antigravité publiées antérieurement par Frederick Alzofon, l’homme qui en a théorisé l’idée en 1981, alors qu’il travaillait pour Boeing, puis qui a prétendument effectué des tests dans les années 1990.

Sokol est convaincu qu’Alzofon était sur une piste intéressante, du moins sur quelque chose qu’il pourrait essayer de vérifier dans son laboratoire. Avec Popp, ils ont alors testé leurs propres versions préliminaires de l’expérience d’antigravité d’Alzofon. Dans une vidéo publiée sur YouTube, ils affirment avoir obtenu des résultats prometteurs. « Une expérience a montré une perte de poids de 17,8%, mais cela restait dans la marge d’erreur pour ce type d’expérience, due au ‘bruit de fond’ ».

Dans l’espoir d’améliorer ce premier essai douteux mais néanmoins encourageant, Sokol a déclaré qu’il prévoyait d’améliorer l’équipement, y compris un générateur de résonance magnétique récemment acheté qui, selon lui, « ressemble à une machine IRM » et dont le prix de détail peut atteindre 60 000 dollars. Grâce à ce générateur plus récent et plus puissant, il espère pouvoir répéter ses expériences avec des résultats « deux à trois fois » supérieurs au bruit de fond.

Lors d’une expérience menée par Alzofon, un échantillon aurait perdu 80% de son poids en une seconde, selon Sokol. Cependant, ces expériences n’ont pas convaincu d’autres scientifiques, et un ingénieur en particulier, David Prutchi, a souligné que ces dernières étaient faussées et que les résultats d’Alzofon étaient « invalides ». « N’importe quel physicien ou ingénieur aurait immédiatement compris que les données expérimentales ne montrent absolument aucun effet sur la force gravitationnelle subie par l’échantillon », déclarait Prutchi dans le document. « Je félicite David Alzofon (le fils de Frederick Alzofon) pour son honnêteté en incluant le graphique AF2004, car non seulement il invalide la prétendue démonstration expérimentale de l’effet, mais il fournit en fait des preuves négatives à son encontre », ajoutait-il.

Plus récemment, l’Institut de Recherche sur la Gravité de la Göde Scientific Foundation a tenté de reproduire des expériences supposées générer un effet antigravité. Toutes les tentatives pour observer des effets antigravitaires se sont cependant révélées infructueuses. La fondation offrait une récompense d’un million d’euros pour une expérience antigravitaire reproductible. En 1989, l’équipe du professeur Hayakawa de l’université technologique de Tohoku au Japon, a identifié une réduction anormale du poids d’une masse en rotation gyroscopique à droite par rapport à l’axe vertical de la Terre. Cette découverte avait fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters. Cependant, « les rotations à gauche ne provoquent aucun changement de poids », ont conclu les chercheurs.

Pour résumer, malgré des efforts évidents au sein de la communauté scientifique, la gravité reste pour le moment invaincue. Mais qui sait, cela pourrait peut-être changer un jour, lorsque nous comprendrons davantage ce qu’est exactement la gravité et ce qu’elle implique. Des réponses seront sans doute apportées par de nouvelles théories et expériences en physique quantique. Et pour cela, le fait que des chercheurs qualifiés issus d’horizons différents en discutent ouvertement et régulièrement, est une bonne chose.

OVNIs : un sujet récurrent

Le sujet des OVNIs (ou PANs) a apparemment fait grand bruit lors de la conférence de novembre. Le sujet a fait une résurgence significative de la pop culture cette année, avec des pilotes militaires parlant ouvertement de rencontres inexpliquées et le Pentagone teasant un rapport longtemps attendu sur la question, qui a finalement été publié en juin.

« Dans le passé, tout le monde avait conscience des OVNIs, mais ils n’étaient pas très pertinents parce qu’ils n’étaient pas bien compris », a déclaré Ventura à The Debrief, ajoutant que la communauté scientifique explore le sujet plus sérieusement que jamais.

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