Une expérience visant à rendre les atomes invisibles pourrait permettre de vérifier une célèbre prédiction de Stephen Hawking

expérience observation effet unruh
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Cette prédiction est le rayonnement de Hawking, qui pourrait être vérifié indirectement par l’effet Unruh, proposé pour la première fois dans les années 1970, mais n’a encore jamais été prouvé expérimentalement. Et pour cause : la probabilité du phénomène est tellement faible que l’observer nécessite soit une incroyable accélération (impossible à produire avec les technologies actuelles), soit un temps d’observation extrêmement long (de l’ordre de quelques milliards d’années !). Des chercheurs du MIT et de l’Université de Waterloo proposent aujourd’hui une nouvelle approche permettant d’augmenter significativement la probabilité d’observer l’effet Unruh.

L’effet Unruh — aussi appelé effet Fulling-Davies-Unruh, du nom des trois physiciens qui l’ont décrit pour la première fois — résulte des interactions quantiques entre la matière accélérée et les fluctuations quantiques dans le vide de l’espace. Cet effet prédit qu’un objet en accélération dans l’espace, tel qu’un vaisseau spatial voyageant à une vitesse proche de la vitesse de la lumière, devrait ressentir la présence d’une lueur chaude et remplie de particules tout autour de lui, uniquement de par son accélération.

Pour pouvoir observer l’effet Unruh, Vivishek Sudhir, professeur adjoint de génie mécanique au MIT, et deux collaborateurs de l’Université de Waterloo, proposent de « stimuler » le phénomène : il s’agit en quelque sorte de supprimer, ou du moins, rendre invisibles d’autres phénomènes concurrents pour augmenter la probabilité de l’effet Unruh. « C’est une expérience difficile, et il n’y a aucune garantie que nous serions capables de le faire, mais cette idée est notre espoir le plus proche », a déclaré Sudhir dans un communiqué.

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Un « vide » pas réellement vide

L’effet Unruh devrait se produire spontanément dans le vide. Selon la théorie quantique des champs, le vide n’est pas un espace vide, mais plutôt un champ de fluctuations quantiques, dont chaque bande de fréquence a la taille d’un demi-photon. Ainsi, William Unruh a prédit qu’un corps accélérant dans le vide devrait amplifier ces fluctuations, de manière à produire une lueur chaude pleine de particules.

Pour produire une lueur suffisamment chaude pour être mesurée par les détecteurs, un corps tel qu’un atome devrait atteindre la vitesse de la lumière en moins d’un millionième de seconde. Une telle accélération serait équivalente à une accélération d’un quadrillion (1024) de mètres par seconde au carré !

Pour stimuler l’effet Unruh et ainsi augmenter la probabilité de sa réalisation, les chercheurs proposent « d’ajouter de la lumière » pour créer des fluctuations quantiques supplémentaires : « Lorsque vous ajoutez des photons dans le champ, vous ajoutez « n » fois plus de ces fluctuations que ce demi-photon qui se trouve dans le vide », explique Sudhir. À partir de là, toute accélération effectuée à travers ce nouvel état du champ devrait générer des effets n fois augmentés par rapport à ce que l’on observerait dans le vide.

L’inconvénient de cette approche — qui a déjà été envisagée par le passé — est que l’ajout de photons supplémentaires amplifie par la même occasion d’autres effets conventionnels, qui « éclipsent » en quelque sorte l’effet Unruh ; un atome pourrait par exemple interagir avec ces photons pour augmenter son niveau d’énergie, et produire de la chaleur qui masquerait celle générée par l’effet Unruh. Sudhir et ses collègues ont cependant trouver le moyen de contourner le problème en exploitant ce qu’ils appellent la « transparence induite par l’accélération », une stratégie qu’ils décrivent dans la revue Physical Review Letters.

Un effet étroitement lié au rayonnement des trous noirs

Ils expliquent que si un corps tel qu’un atome pouvait être accéléré selon une trajectoire bien spécifique à travers un champ de photons, il interagirait avec ce champ de telle sorte que les photons d’une certaine fréquence lui paraîtraient invisibles — ce qui permettrait de s’affranchir des effets secondaires non souhaités. En d’autres termes, il s’agit de rendre tous les autres effets transparents (jusqu’à l’atome accéléré lui-même) pour augmenter les chances de pouvoir mesurer le rayonnement provenant de l’effet Unruh.

Pour ce faire, les chercheurs proposent de construire un accélérateur de particules de la taille d’un laboratoire, capable d’accélérer un électron à une vitesse proche de celle de la lumière. Ce dernier serait stimulé via un faisceau laser à des longueurs d’onde de la gamme des micro-ondes. Ils cherchent à présent des moyens de modifier la trajectoire de l’électron pour supprimer les effets classiques, tout en amplifiant l’effet Unruh. « Nous avons maintenant ce mécanisme qui semble amplifier statistiquement cet effet par la stimulation. […] Nous avons maintenant, en théorie, résolu le plus grand goulot d’étranglement », souligne Sudhir.

Pourquoi chercher à observer absolument ce phénomène ? L’observation de l’effet Unruh serait tout d’abord une validation inédite des interactions quantiques fondamentales entre la matière et la lumière. Mais les chercheurs soulignent également le fait que la détection de cet effet pourrait être une preuve indirecte du rayonnement de Hawking. « Il existe un lien étroit entre l’effet Hawking et l’effet Unruh – ils sont exactement l’effet complémentaire l’un de l’autre », a déclaré Sudhir.

Prédit par Stephen Hawking en 1975, ce rayonnement résulte des interactions entre la lumière et la matière dans un champ gravitationnel extrême, comme la zone proche de l’horizon des événements d’un trou noir. « On pense que les trous noirs ne sont pas entièrement noirs, […] les trous noirs devraient émettre un rayonnement. Cela s’explique par le fait que, si rien d’autre ne peut s’échapper d’un trou noir, les fluctuations quantiques du rayonnement le peuvent », explique Barbara Šoda, étudiante en doctorat de physique à l’Université de Waterloo et co-auteure de l’étude.

Selon les auteurs de l’étude, cette transparence induite par l’accélération pourrait offrir de nouvelles opportunités d’expérimentations pour unir la théorie de la relativité générale d’Einstein avec la mécanique quantique, ce que tentent de faire les physiciens depuis des décennies.

Source : B. Šoda et al., Phys. Rev. Lett.

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