L’une des collisions de trous noirs les plus extrêmes de l’univers valide la théorie d’Einstein

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Vue d’artiste de trous noirs binaires sur le point de se heurter. | Mark Myers, ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery (OzGrav)
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La théorie de la relativité générale d’Einstein avait prédit le comportement de deux trous noirs se mettant en rotation l’un atour de l’autre et adoptant le phénomène de précession (comme une toupie qui oscille), du fait des ondes gravitationnelles émises. Récemment, des chercheurs en ont apporté pour la première fois la preuve physique en observant un mouvement de torsion particulier dans les orbites de deux trous noirs en collision, un phénomène extrêmement rare.

La précession est le phénomène selon lequel un corps en orbite — périastre — autour d’un autre (ici ce sont deux trous noirs) voit l’ellipse décrivant sa trajectoire tourner lentement dans le plan orbital de l’objet. Cela se traduit par le fait qu’au cours des révolutions successives de l’objet, la direction décrite par la droite — l’abside — passant par le corps central et le corps en orbite au moment où ils sont les plus proches, n’est pas fixe, mais varie lentement.

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Illustration du phénomène de précession du périastre : le périastre (en bleu) et la ligne des absides tournent dans le plan de l’orbite au cours du temps. © Wikipédia

Un exemple concret est l’oscillation d’une toupie — ou précession — une fois toutes les quelques secondes. En revanche, la précession en relativité générale est généralement un effet si faible qu’elle est imperceptible, comme le prédisait Albert Einstein en 1916. En effet, dans l’exemple le plus rapide connu, celui d’étoiles à neutrons en orbite, appelées pulsars binaires, il a fallu plus de 75 ans pour que l’orbite montre une précession.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Récemment, des chercheurs de l’Université de Cardiff rapportent pour la première fois l’observation de cet effet dans des trous noirs — le système binaire GW200129, où la torsion est dix milliards de fois plus rapide que dans les observations précédentes. Leur étude est publiée dans la revue Nature.

Une collision gigantesque de deux trous noirs

Le système binaire GW200129 a été découvert, à l’occasion de leur collision, par trois détecteurs d’ondes gravitationnelles situés en Italie, aux États-Unis et au Japon (Advanced LIGO et Virgo) au début de l’année 2020. C’est sur ces données que l’équipe s’est appuyée pour démonter le phénomène de précession, qui apparaissait au début comme un bruit indésirable dans les analyses.

Il faut savoir que selon la théorie de la relativité générale, un couple de trous noirs en orbite l’un autour de l’autre perd de l’énergie en produisant des ondes gravitationnelles et finit par fusionner. Prédiction clé dans la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, les ondes gravitationnelles sont de légères perturbations subies par la trame de l’espace-temps sous l’effet du déplacement à très grande vitesse d’objets de grande masse. Elles se propagent à la vitesse de la lumière et voyagent pendant des milliards d’années sans que rien ne les altère. Lors de ces collisions, le trou noir produit peut se retrouver propulsé par ces ondes comme le serait une fusée émettant des gaz.

De ce fait, l’un des trous noirs de GW200129 est probablement le trou noir à la rotation la plus rapide jamais observée, grâce aux ondes gravitationnelles. Et contrairement aux observations précédentes, ce trou noir en rotation rapide a tellement déformé l’espace-temps que l’orbite entière du système binaire a oscillé d’avant en arrière. Le professeur Mark Hannam du Gravity Exploration Institute de l’Université de Cardiff déclare dans un communiqué : « Nous avons toujours pensé que les trous noirs binaires pouvaient faire cela. Nous espérions en repérer un exemple depuis les premières détections d’ondes gravitationnelles. Nous avons dû attendre cinq ans et plus de 80 détections distinctes, mais finalement nous en avons une ».

Comme mentionné précédemment, les ondes gravitationnelles ont été prédites par Einstein en 1916. Elles ont été détectées pour la première fois directement à partir de la fusion de deux trous noirs par les instruments Advanced LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) en 2015, une découverte révolutionnaire qui a conduit au prix Nobel 2017.

Le Dr Jonathan Thompson, également de l’Université de Cardiff, explique : « C’est un effet très délicat à identifier. Les ondes gravitationnelles sont extrêmement faibles et leur détection nécessite l’appareil de mesure le plus sensible de l’histoire. La précession est un effet encore plus faible enfoui dans le signal, déjà faible. Nous avons donc dû faire une analyse minutieuse pour le découvrir ».

Un évènement rare imposant une mise à niveau des modèles

Depuis la découverte en 2020, plusieurs autres scientifiques étudient les données initiales d’ondes gravitationnelles. D’ailleurs, en mai 2022, une étude a mis en équation cette collision des deux trous noirs. Elle a rapporté que la fusion était à la fois massive et déséquilibrée, car des ondes gravitationnelles sont sorties de la collision dans une direction alors que le nouveau trou noir issu de cette fusion a probablement été « expulsé » de sa galaxie d’origine à plus de 4,8 millions de km/h, dans la direction opposée.

La collision extrême et la fusion des deux trous noirs sont un événement inédit et assez significatif pour prouver que la théorie d’Einstein est correcte. Néanmoins, comme l’explique le co-auteur, le Dr Charlie Hoy : « Jusqu’à présent, la plupart des trous noirs que nous avons trouvés avec des ondes gravitationnelles tournaient assez lentement. Le plus grand trou noir de ce binaire, qui était environ 40 fois plus massif que le Soleil, tournait presque aussi vite que physiquement possible. Nos modèles actuels de formation des binaires suggèrent que celui-ci était extrêmement rare, peut-être un cas sur mille. Ou cela pourrait être un signe que nos modèles doivent changer ».

Certes, cette découverte démontre la véracité de la théorie d’Einstein, mais elle soulève également la question de savoir si ce type de fusion de trous noirs instables fait figure d’exception ou non. C’est pourquoi le réseau international de détecteurs d’ondes gravitationnelles est en cours de mise à niveau et commencera sa prochaine campagne de recherche en 2023. Ces prochaines études permettront de déterminer si GW200129 est vraiment un phénomène rare ou s’il est plus courant que les scientifiques ne le pensent.

Source : Nature

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