Décarboner 85 % de l’industrie avec les technologies actuelles est possible, selon une étude

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Une récente étude suggère qu’il est possible de réduire de 85 % les émissions de carbone d’une grande partie des industries en utilisant au mieux les technologies de décarbonation actuelles. Ce potentiel est notamment obtenu avec les technologies dont le niveau actuel de développement est considéré comme moyen ou élevé. Bien que leur application ferait face à de nombreux défis en matière d’investissement, la nouvelle analyse fournit de précieuses informations pour la planification des stratégies les plus viables.

Le secteur industriel est responsable de 38 % de la consommation énergétique et de 25 % des émissions de CO2 au niveau mondial, soit 9,3 milliards de tonnes métriques par an. En vue de ces émissions, la décarbonation totale des industries d’ici 2050 (« objectif zéro émission nette ») figure parmi les principaux objectifs de l’Accord de Paris. Cependant, cet objectif est confronté à des défis majeurs en raison de l’hétérogénéité des processus et des produits industriels. Cela implique en effet que les techniques de décarbonation soient spécifiques à chaque secteur et à chaque procédé.

Afin de tenter de réduire les émissions de carbone industrielles, les technologies de décarbonation sont orientées sur les industries les plus énergivores (telles que l’industrie du fer, de l’acier et du ciment). Certains pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis ont déjà élaboré des feuilles de route dans ce sens. Cependant, se concentrer uniquement sur quelques secteurs ne suffira pas pour atteindre l’objectif zéro émission nette. En effet, au Royaume-Uni par exemple, seule la moitié des émissions industrielles totales est générée par ces secteurs.

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Selon Ahmed Gailani, chercheur en décarbonation industrielle à l’Université de Leeds (en Angleterre), « la décarbonisation est une priorité mondiale pour les gouvernements, les entreprises et la société dans son ensemble, car elle joue un rôle essentiel pour limiter le réchauffement climatique ». Afin d’atteindre un objectif de décarbonation total, il est ainsi essentiel d’évaluer les émissions potentielles et les économies d’énergie des options de réduction les plus prometteuses, pour un large éventail de secteurs industriels.

La nouvelle étude, menée par Gailani et ses collègues (de l’Université de Bath et de l’Imperial College de Londres), effectuée dans ce sens, fournit de précieuses informations pour les feuilles de route visant à décarboner un grand nombre de secteurs industriels. « Nos résultats représentent une avancée majeure dans la conception de stratégies industrielles de décarbonation et c’est une perspective vraiment encourageante en ce qui concerne la santé future de la planète », affirme Gailani.

Des techniques nécessitant un coût énergétique supplémentaire

La nouvelle étude, récemment parue dans la revue Joule, a examiné les différentes options de décarbonation industrielle disponibles, en catégorisant leur potentiel de réduction des émissions et leur niveau de maturité technologique (c’est-à-dire à quel point elles sont prêtes à une application massive ou non). Ces options incluent les technologies de captage et de stockage de carbone (CSC), l’électrification et l’utilisation de l’hydrogène vert ou de la biomasse. Un large éventail de secteurs industriels ont été analysés : les produits chimiques, le ciment et la chaux, la nourriture et les boissons, les pâtes et le papier, le verre, l’aluminium, le raffinage et les céramiques.

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Les industries analysées dans le cadre de l’étude. Les alternatives de réduction des émissions carbone sont affichées en violet foncé si elles sont déjà disponibles et en gris si elles sont en début de développement. © Université de Leeds

Il a été constaté qu’en moyenne les technologies à maturité moyenne et élevée permettraient de réduire de 85 % les émissions de CO2, dans la plupart des secteurs industriels. Par exemple, les vapocraqueurs électriques — à maturité technologique moyenne — pourraient décarboner de 40 à 100 % les industries prétrochimiques. En utilisant uniquement les techniques de CSC, le secteur pourrait être décarboné à 90 %, mais cela nécessiterait 25 % de consommation énergétique supplémentaire.

L’électrification pourrait aussi bénéficier à l’industrie métallurgique. Les processus de fabrication du fer et de l’acier utilisent généralement des fourneaux à combustibles fossiles pour générer les températures de fusion nécessaires ainsi que du charbon pour la réduction des minerais contenant les métaux. Selon les chercheurs, il est possible remplacer le charbon par de l’hydrogène vert, qui à son tour pourrait aussi alimenter un four à arc électrique. De leur côté, les technologies CSC pourraient séquestrer 86 % des émissions générées par la production de l’acier, mais nécessiteraient une consommation énergétique supplémentaire de 17 %.

Du côté de l’industrie du ciment et de la chaux, les fours fonctionnant à l’hydrogène vert, à la biomasse ou à l’électricité pourraient réduire les émissions carbone de 40 % — et ce sans besoin d’apport d’énergie supplémentaire. En revanche, les CSC nécessiteraient un supplément d’énergie considérable allant de 62 à 166 %. Quant à la production du verre, les fours électriques ou à biocarburant pourraient réduire les émissions de 80 %, avec une augmentation de 15 à 25 % de l’apport énergétique.

Des coûts d’investissement non négligeables

Dans l’ensemble, les résultats de l’étude suggèrent que les technologies actuelles possèdent un grand potentiel de décarbonation. Cependant, leur adoption nécessiterait des coûts d’investissement et d’exploitation non négligeables. La plupart des dispositifs d’électrification ont par exemple des coûts opérationnels deux à trois fois plus élevés que les technologies alimentées aux combustibles fossiles. Cela est dû au coût plus élevé de l’électricité sur de nombreux marchés. Les technologies CSC quant à elles, pourraient nécessiter entre 10 et 250 dollars supplémentaires pour chaque tonne de carbone traitée.

Ces investissements signifient également l’ajout d’importants coûts de production. Selon les experts, les coûts de production de l’acier par exemple pourraient augmenter de 15 %. Ceux des oléfines, des produits aromatiques et du béton, augmenteraient quant à eux respectivement de 50, 220 et 30 %. Ces dépenses supplémentaires se répercuteraient sur les prix de vente des produits.

Par ailleurs, bien que l’étude n’ait pas tenu compte d’autres obstacles (tels que les défis socioéconomiques ou d’infrastructure), « la décarbonation industrielle est un défi par rapport à d’autres secteurs, mais elle peut être réalisée si des données factuelles sont fournies », estime Peter Taylor, également coauteur de l’étude. Selon l’expert, des stratégies gouvernementales pourraient d’ailleurs être mises au point pour faciliter leur application et encourager les investissements.

Source : Joule

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