Des siècles avant Einstein et Newton, Léonard de Vinci a noté le lien entre la gravité et l’accélération

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Diagrammes montrant les expériences et réflexions de Léonard sur la gravité. | Gharib et al., 2022
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Malgré des outils limités, Léonard de Vinci a fait preuve d’ingéniosité dans la résolution de problèmes. Outre le fait de peindre des chefs-d’œuvre époustouflants, comme la Cène et la Joconde, il menait également ses propres expériences scientifiques pour tenter de comprendre le fonctionnement du monde qui l’entourait. Récemment, des chercheurs ont découvert dans ses cahiers des expériences — qu’ils ont reproduit — visant à démontrer que la gravité est une forme d’accélération, bien avant Newton. Il a ensuite modélisé la constante gravitationnelle avec une précision de 97% !

Alors que Léonard de Vinci est surtout connu en tant qu’artiste, son travail de scientifique et d’inventeur fait de lui un véritable homme de la Renaissance. Il applique la méthode scientifique à tous les aspects de la vie, y compris l’art et la musique, menant des dizaines d’expériences soigneusement pensées et créant des inventions futuristes révolutionnaires pour l’époque.

Sa capacité d’observation et son esprit vif l’ont amené à faire d’importantes découvertes scientifiques, mais il n’a jamais publié ses idées. Sa curiosité et sa soif insatiable de connaissances ne l’ont jamais quitté. Il observait, expérimentait et inventait constamment, et le dessin était alors pour lui un outil d’enregistrement de son enquête sur la nature. Bien que les œuvres achevées de Léonard de Vinci soient peu nombreuses, il a laissé un grand nombre de dessins (près de 2500), véritables témoignages de ses idées, la plupart encore rassemblés dans des cahiers.

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Récemment, des chercheurs de Caltech, en parcourant des pages de ces cahiers numérisés, ont découvert ce qui semblait être une expérience faisant étrangement écho à des phénomènes connus et ressentis par tous, la gravité et l’accélération. Il s’avère que la compréhension de la gravité de Léonard de Vinci, bien qu’elle ne soit pas tout à fait exacte, avait des siècles d’avance sur son temps. Leur découverte est publiée dans la revue Leonardo.

Un nouveau regard sur les cahiers de de Vinci

Les expériences de de Vinci ont été repérées pour la première fois par Mory Gharib, professeur d’aéronautique et de génie médical à Caltech, dans le Codex Arundel, une collection d’articles écrits par de Vinci qui couvrent la science, l’art et des sujets personnels.

Au début de 2017, Gharib explorait les techniques de visualisation de flux de Léonard de Vinci qu’il enseignait dans un cours d’études supérieures, pour en discuter avec ses étudiants, lorsqu’il a remarqué une série de croquis montrant des triangles générés par des particules ressemblant à du sable se déversant d’un bocal.

Gharib, auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Ce qui a attiré mon attention, c’est quand il a écrit ‘Equatione di Moti’ sur l’hypoténuse de l’un de ses triangles esquissés, celui qui était un triangle rectangle isocèle ». Il ajoute : « J’étais curieux de voir ce que Leonardo voulait dire par cette phrase ».

Pour analyser les notes et décoder les diagrammes du manuscrit, Gharib a travaillé avec ses collègues Chris Roh, à l’époque chercheur postdoctoral à Caltech, et Flavio Noca de l’Université des sciences appliquées et des arts de Suisse occidentale à Genève, qui fournit des traductions des notes italiennes de de Vinci (écrites dans sa célèbre écriture miroir pour gaucher qui se lit de droite à gauche, mais aussi dans un souci du secret).

Une expérience avec de l’eau mise au jour

De Vinci était bien en avance sur son temps dans l’exploration des concepts de gravité et d’accélération. Ce n’est qu’en 1604 que Galileo Galilei a théorisé que la distance parcourue par un objet tombant était proportionnelle au carré du temps écoulé et ce n’est qu’à la fin du 17e siècle que Sir Isaac Newton a développé une loi de la gravitation universelle, décrivant comment les objets sont attirés les uns vers les autres. Le principal obstacle de de Vinci était d’être limité par les outils à sa disposition. Par exemple, il lui manquait un moyen de mesurer précisément le temps lorsque des objets tombaient.

Néanmoins, dans ses articles, de Vinci décrit une expérience dans laquelle un pichet d’eau serait déplacé le long d’un chemin droit parallèle au sol, déversant de l’eau ou du sable en cours de route. Ses notes montrent clairement qu’il était conscient que l’eau ou le sable ne tomberait pas à une vitesse constante mais accélérerait plutôt — également que le matériau cesse d’accélérer horizontalement, car il n’est plus influencé par le lanceur, et que son accélération est purement vers le bas en raison de la gravité.

Si le lanceur se déplace à vitesse constante, la ligne créée par la chute de matière est verticale, donc aucun triangle ne se forme. Si le lanceur accélère à un rythme constant, la ligne créée par la collecte de matière tombante forme une ligne droite mais inclinée, qui dessine alors un triangle. Et, comme de Vinci l’a souligné dans son schéma, si le mouvement du lanceur est accéléré au même rythme que la gravité accélère le matériau qui tombe, cela crée un triangle équilatéral. De Vinci l’a mis en évidence avec la note « Equatione di Moti », pour « égalisation (équivalence) des mouvements ».

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Les chercheurs de Caltech ont recréé une expérience sur la gravité et l’accélération que Léonard de Vinci a esquissée dans ses cahiers. © Caltech

De Vinci a cherché à décrire mathématiquement cette accélération. Selon les auteurs de l’étude, il n’a pas tout à fait atteint le but. C’est pourquoi les auteurs présentent une solution analytique utilisant la mécanique newtonienne pour confirmer son « principe d’équivalence ». Concrètement, l’équipe a utilisé la modélisation informatique pour exécuter son expérience de vase d’eau. Cela les a conduits à l’erreur de de Vinci.

Ainsi, de Vinci a modélisé la distance de l’objet tombant comme étant proportionnelle à 2 à la puissance t, où t représente le temps qu’il faut pour que quelque chose tombe. Les auteurs voulaient voir si les chiffres correspondaient, bien que les modèles théoriques de Léonard ne suivent pas les proportions établies par Galilée : la distance de l’objet tombant est proportionnelle au carré de t.

Roh déclare : « C’est faux, mais nous avons découvert plus tard qu’il avait utilisé ce genre de mauvaise équation de la bonne manière ». En effet, bien qu’il y ait eu des erreurs dans ses calculs, les expériences de Léonard, réalisées en laboratoire, ont révélé que son algorithme calculait la constante gravitationnelle (g) avec une précision de 97%, par rapport aux méthodes et équations modernes.

Gharib conclut : « Nous ne savons pas si de Vinci a fait d’autres expériences ou a approfondi cette question. Mais le fait qu’il s’attaquait à ce problème de cette manière — au début des années 1500 — montre à quel point sa pensée était en avance ».

Source : Leonardo

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