Des chercheurs découvrent une nouvelle couche musculaire au niveau de la mâchoire

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Musculus masseter pars coronidea, ou « section coronoïde du masséter », c’est le nom donné à cette nouvelle composante de l’anatomie humaine. Le muscle masséter est un puissant muscle de la mâchoire, que l’on pensait jusqu’à présent composé uniquement de deux couches. Certaines études mentionnaient toutefois l’existence probable d’une troisième couche musculaire, bien qu’elle n’ait jamais été clairement localisée par les anatomistes. Une équipe de l’Université de Bâle apporte aujourd’hui la preuve de son existence et présente les propriétés et le rôle de ce faisceau musculaire.

Le muscle masséter était jusqu’à présent constitué d’une couche superficielle et d’une couche profonde. Il s’agit d’un muscle essentiel, sans lequel on ne pourrait mâcher les aliments : il permet d’ouvrir et fermer la mâchoire inférieure, mais permet aussi un mouvement latéral et d’avant en arrière de celle-ci — bien que de plus faible amplitude, ces deux derniers mouvements sont indispensables à la mastication. On peut facilement « sentir » le muscle masséter, en posant les mains à l’arrière des joues et en serrant les dents (le muscle se contracte).

La couche musculaire nouvellement découverte, encore plus profonde, s’étend de l’arrière de la pommette au processus musculaire (ou « coronoïde ») de la mâchoire inférieure. Pour identifier ce faisceau musculaire distinct, l’équipe du Dr Szilvia Mezey et du professeur Jens Christoph Türp, de l’Université de Bâle, a réalisé un examen détaillé de la musculature de la mâchoire, à partir de têtes humaines conservées dans du formol, de divers tomodensitogrammes et de l’IRM d’une personne vivante. La découverte fait l’objet d’un article dans la revue Annals of Anatomy.

Une étude approfondie qui lève enfin le doute

Des études antérieures avaient déjà suggéré que le muscle masséter puisse être composé de trois faisceaux de fibres. Un article publié en 2000 dédié à l’étude de ce muscle proposait ainsi trois parties bien différenciées : le muscle masséter superficiel (composé de deux couches musculo-aponévrotiques), intermédiaire (composé d’une seule couche) et profond (composé de trois couches), chacun ayant une orientation différente par rapport au plan d’occlusion. Une édition de 1995 de l’ouvrage Gray’s Anatomy — grand classique de l’anatomie humaine, écrit en 1858 par le chirurgien britannique Henry Gray — fait également état d’un muscle masséter composé de trois couches ; mais cette affirmation reposait sur des études jugées peu concluantes, voire contradictoires.

C’est pourquoi Szilvia Mezey et Jens Christoph Türp ont entrepris de nouvelles analyses pour clarifier une fois pour toutes cette incertitude anatomique. « Au vu de ces descriptions contradictoires, nous avons voulu réexaminer la structure du muscle masséter de manière exhaustive », explique Türp dans un communiqué, ajoutant que cette découverte « est un peu comme celle des zoologistes qui découvrent une nouvelle espèce de vertébré ».

localisation muscle coronoïde masséter mâchoire
La couche musculaire nouvellement découverte (ici en magenta) s’étend de l’arrière de la pommette au processus musculaire antérieur de la mâchoire inférieure. Le muscle masséter se compose donc d’une partie superficielle (S), d’une partie profonde (D) et d’une couche plus profonde (C) ; T = muscle temporal ; Z = arcade zygomatique ; la tête de flèche indique le processus coronoïde de la mandibule. © S. Mezey et al.

L’équipe s’est donc livrée à la dissection anatomique de têtes humaines (12 têtes ; 7 hommes, 5 femmes, qui avaient fait don de leur corps à la science). Après ablation de la peau, de la graisse sous-cutanée et du fascia massétérique, le masséter superficiel sus-jacent a été séparé de la partie profonde ; les chercheurs ont sectionné les fibres qui le composent, de manière à ce qu’il se rétracte et expose le masséter profond. Ce dernier, en forme d’éventail, a été identifié par ses fibres longitudinales prenant naissance le long de l’arcade zygomatique et convergeant vers la branche de la mandibule. Il a alors été « découpé » de la même façon que la partie superficielle, révélant finalement la présence d’une couche plus profonde.

Une couche musculaire qui stabilise la mandibule

« La partie coronoïde du masséter a été identifiée par ses fibres diagonales, qui se trouvent sous le masséter profond, prennent naissance en arrière du côté temporal de l’arcade zygomatique et se dirigent en diagonale-antérieure vers le processus coronoïde de la mandibule », précisent les auteurs de l’étude, d’où son nom de « section coronoïde du masséter ». Cette partie coronoïde a été identifiée sur chaque sujet étudié, ce qui confirme qu’il s’agit bel et bien d’une composante constante du muscle masséter.

Cette partie du muscle a une forme rectangulaire étroite et allongée, avec une longueur antérieure moyenne de 22,8 mm, une longueur postérieure moyenne de 20,7 mm, une largeur antérieure moyenne de 9,2 mm, une largeur postérieure moyenne de 12,7 mm et une épaisseur moyenne de 2 mm, décrivent les chercheurs. Cette section se distingue nettement des deux couches précédemment décrites du muscle masséter, « tant en matière de parcours que de fonction », explique Mezey. L’origine des fibres de la partie coronoïde est différente de celle de la partie profonde du masséter ; elles s’étendent parallèlement et en diagonale et sont orientées perpendiculairement aux fibres de la partie superficielle.

La disposition de ces fibres musculaires suggère que cette partie est impliquée dans la stabilisation de la mandibule en élevant et en rétractant le processus coronoïde. Il semble également que ce soit la seule partie du masséter qui soit capable de tirer la mâchoire inférieure vers l’arrière, c’est-à-dire vers l’oreille (même s’il faut bien reconnaître que c’est un mouvement que l’on n’effectue pas très souvent…). L’équipe prévoit à présent d’étudier plus en détail cette nouvelle structure anatomique afin de mieux cerner sa fonction. Une connaissance précise de l’architecture du muscle masséter peut en effet être importante dans un contexte clinique, pour traiter les troubles temporo-mandibulaires ou pour toute intervention chirurgicale réalisée dans cette zone.

Source : Annals of Anatomy, S. Mezey et al.

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