Détection de la plus grande éruption volcanique sous-marine de l’histoire

| Mayobs Team (CNRS/Université de Paris/IFREMER/BRGM)
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À la grande surprise d’une équipe de chercheurs en géophysique, suite à l’étude de cartes du fond marin d’une récente mission, un gigantesque édifice sous-marin de 800 mètres de haut et de 5 kilomètres de diamètre a été découvert dans le fond de l’océan indien, entre l’Afrique et Madagascar. Plus surprenant encore, cet objet volcanique se serait formé en seulement 6 mois.

Le premier a avoir aperçu la nouveauté sur les cartes est Marc Chaussidon, directeur de l’Institut de géophysique de Paris (IPGP). Son équipe et lui, ainsi que des scientifiques du CNRS et d’autres instituts, ont assisté à la naissance d’un mystérieux volcan sous-marin, qui a donné lieu à ce qui n’est autre que le plus grand événement sous-marin jamais observé à ce jour.

« Nous n’avons jamais rien vu de tel », déclare Nathalie Feuillet de l’IPGP, responsable d’une expédition effectuée sur le site par le navire de recherche Marion Dufresne, et qui a publié ses premiers résultats la semaine dernière.

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Les quelques centaines de milliers d’habitants de l’île française de Mayotte (dans l’archipel des Comores) savaient depuis des mois que quelque chose d’inhabituel se produit chez eux. Depuis le milieu de l’année dernière, c’était presque quotidiennement qu’ils ressentaient des séismes. Les gens « avaient besoin d’informations », explique Laure Fallou, sociologue au Centre sismologique euro-méditerranéen de Bruyères-le-Châtel, en France. « Ils devenaient très stressés et avaient de la peine à trouver le sommeil ».

Bien que les autorités de l’île de Mayotte possèdent un sismomètre fonctionnel, la triangulation de la source des grondements (afin de la localiser) nécessitait plusieurs instruments supplémentaires, les plus proches se trouvant à plusieurs centaines de kilomètres, à Madagascar et au Kenya. Une campagne scientifique sérieuse pour la localisation de la source n’a débuté qu’en février, lorsque Feuillet et son équipe ont placé six sismomètres au fond de l’océan, à proximité de l’activité volcanique, à 3.5 km du sol.

Des ondes sonar multifaisceaux réfléchies sur le fond marin près de l’île française de Mayotte, révèlent les contours d’un volcan de 800 mètres de haut (rouge) et un panache ascendant riche en gaz. Crédits : Mayobs Team (CNRS/Université de Paris/IFREMER/BRGM)

L’équipe soupçonne une chambre magmatique profonde d’alimenter le volcan en roche fondue. La contraction de cette dernière provoquerait ensuite la fissuration et le craquement de la croûte environnante. Les mesures GPS à Mayotte suggèrent également une chambre magmatique en contraction : elles montrent que l’île a « coulé » de 13 centimètres et s’est déplacée de 10 centimètres à l’est au cours de la dernière année.

Les données des sismomètres extraites dans le cadre de l’expédition montrent une région étroitement groupée d’activités sismiques, d’une profondeur allant de 20 à 50 km dans la croûte terrestre.

La carte du fond de la mer, réalisée par le sonar multifaisceaux du navire d’expédition, indique que pas moins de 5 kilomètres cubes de magma ont fait irruption sur le fond de la mer. Le sonar a également détecté des panaches d’eau riches en bulles, remontant du centre et des flancs du volcan. Des bancs de poissons morts ont été rapportés par des pêcheurs.

Feuillet et son équipe ont quant à eux pu collecter des échantillons d’eau dans les panaches. La composition chimique de l’eau révélera des indices sur la composition du magma, sur la profondeur d’où il provient et sur le risque d’une éruption explosive.

L’équipage a également dragué des roches sur les flancs du volcan. « Elles étaient en train d’être expulsées lorsque nous les avons embarquées », déclare Feuillet. Cela serait un indice révélant que du gaz à haute pression serait emprisonné dans le matériau volcanique.

Une explication encore hésitante

La plupart des volcans sous-marins se trouvent le long des crêtes médio-océaniques, où les plaques tectoniques de la croûte terrestre se séparent lentement, permettant ainsi au magma des chambres de magma relativement peu profondes de s’écouler. D’autres émettent des panaches profonds dans le manteau terrestre, qui éclatent périodiquement à travers la croûte, formant une chaîne de volcans. Les îles d’Hawaï, des Galápagos et de la Réunion, situées à l’opposé de Madagascar par rapport à Mayotte, se seraient toutes formées de cette manière.

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L’archipel des Comores est composé de quatre îles, dont Mayotte, administrée par la France. Les trois autres sont la Grande Comore, Anjouan, et Mohéli. Et selon les scientifiques, cet archipel est clairement volcanique.

Le mont Karthala par exemple, sur la Grande Comore, à l’extrémité ouest de la chaîne, est entré en éruption en 2007. La Petite Terre, le volcan le plus proche de Mayotte, a explosé pour la dernière fois il y a 7000 ans. Mais il y a des explications contradictoires au volcanisme de ces îles, et la nouvelle éruption dont il est question intensifiera le débat. Pour certains, la profondeur exceptionnelle de la chambre magmatique en train de s’effondrer, à plusieurs dizaines de kilomètres, en offre un indice.

« Une chambre très profonde pourrait être compatible avec la formation d’un panache en profondeur », explique Mike Cassidy, volcanologue à l’Université d’Oxford au Royaume-Uni. Cependant, Cindy Ebinger, géologue à la Tulane University (Nouvelle-Orléans), étudie la tectonique africaine et a constaté une fracture récente, liée à la propagation dans la vallée de l’Est, en Afrique de l’Est, qui sépare lentement la Somalie du reste du continent.

« Les schémas historiques de tremblements de terre suggèrent que l’Afrique se scinde en plusieurs blocs rigides séparés par des fissures et des zones volcaniques », écrit-elle dans un courrier électronique. Les îles Comores, ajoute-t-elle, semblent s’étendre le long de la limite nord de l’un de ces blocs suspectés.

Feuillet et son équipe réservent leur jugement jusqu’à ce qu’ils aient une analyse complète prête à être publiée. En attendant, les angoisses persistent sur Mayotte. La poursuite des activités sismiques, qui se déroulent maintenant beaucoup plus près de l’île, ainsi que la possibilité d’un tsunami provoqué par un glissement de terrain sous-marin depuis le flanc du nouveau volcan, ont alarmé la population.

Cassidy explique cependant que le nouveau volcan est probablement trop profond pour causer un tsunami dangereux pour la côte. Mais il s’inquiète de la migration des petits tremblements de terre vers Mayotte, qui pourraient éventuellement provoquer un effondrement du flanc sous-marin de l’île même. « Ce scénario pourrait certainement donner lieu à un tsunami », déclare-t-il. Feuillet souhaite maintenant prolonger la mission de son équipe de plusieurs mois, afin de surveiller ce volcan mystérieux au fur et à mesure qu’il se développe.

Sources : Science, Tech and Science Post

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