Maladies auto-immunes : découverte « d’empreintes » immunitaires spécifiques pour des traitements personnalisés

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Le système immunitaire, notre arsenal de défenses naturelles, est susceptible de se dérégler sous l’influence de divers facteurs. Il peut soit réagir excessivement à certains composés exogènes (dans le cas d’une allergie), soit développer « une intolérance du soi » et attaquer les cellules saines (maladies auto-immunes). Si la plupart sont relativement faciles à diagnostiquer, les maladies auto-immunes sont cependant très difficiles à traiter, car les réponses immunitaires varient d’un individu à l’autre. Dans l’espoir de découler sur de potentiels meilleurs traitements, une nouvelle étude à grande échelle a permis de découvrir que nos cellules immunitaires possèdent des empreintes génétiques uniques, impliquées dans le risque de développer des maladies auto-immunes. Ces marqueurs uniques pourraient permettre de développer des traitements sur mesure, qui seraient ainsi plus efficaces.

Normalement, un certain degré d’auto-immunité existe chez chacun de nous, notamment afin de permettre aux lymphocytes de cibler nos cellules ainsi que les molécules qu’elles sécrètent et contiennent. Toutefois, pour que l’organisme ne rejette pas ses propres composants (tolérance du soi), il développe deux mécanismes de contrôle qui « éduquent » le système immunitaire. Le premier est central et permet l’élimination des lymphocytes T et B qui représenteraient un risque trop élevé d’autoréactivité. Le deuxième mécanisme est périphérique et élimine les lymphocytes T autoréactifs qui auraient pu échapper au régulateur central.

Cependant, il arrive que ce processus de contrôle et de régulation de l’auto-immunité présente des failles ou soit tout simplement absent chez certaines personnes. L’autoréactivité devient alors incontrôlable et engendre des maladies auto-immunes. Dans ces cas précis, les macrophages et les cellules dendritiques peuvent également exprimer des auto-antigènes, s’attaquant aux tissus sains.

Il est également important de noter que les réponses du système immunitaire peuvent varier d’un individu à l’autre. Chez les patients atteints de maladies auto-immunes (sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, diabète de type 1, maladie de Crohn, …), il arrive alors que l’efficacité d’un traitement diffère fortement entre individus. « En raison de la complexité de notre système immunitaire et de sa grande variabilité d’un individu à l’autre, nous ne comprenons pas actuellement pourquoi un traitement fonctionne bien chez certaines personnes mais pas chez d’autres », explique dans un communiqué Joseph Powell, auteur principal de l’étude et directeur des sciences cellulaires à l’Institut de recherches médicales Garvan et directeur adjoint de l’Université de la Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney.

Parfois héréditaires et touchant environ 5 à 8% de la population mondiale, les maladies auto-immunes sont aujourd’hui encore incurables et nécessitent des traitements majoritairement symptomatiques. La nouvelle étude, publiée dans la revue Science, démontre comment la génétique est impliquée au niveau cellulaire dans le risque de maladie immunitaire. Les marqueurs découverts dans les cellules immunitaires devraient alors probablement découler sur des traitements personnalisés et adaptés à chaque patient. Cela améliorera également la compréhension de la variabilité des réponses aux traitements des maladies auto-immunes.

Une prouesse rendue possible par le séquençage unicellulaire

L’étude, menée à l’Institut de recherches médicales Garvan et l’Université de la Nouvelle-Galles du Sud, avait pour objectif d’identifier et de hiérarchiser de nouvelles cibles thérapeutiques (les empreintes) exprimées par des types de cellules immunitaires spécifiques chez chaque patient. Il s’agit notamment de la plus grande étude mettant en lumière le lien entre les gènes pathogènes et des types spécifiques de cellules immunitaires.

Pour découvrir les fameuses empreintes, les chercheurs australiens ont isolé et analysé individuellement les gènes de plus d’un million de cellules immunitaires de 14 types différents, issues de près de 1000 sujets sains. Cette prouesse a été rendue possible grâce à une nouvelle technologie de séquençage unicellulaire, permettant de retracer les changements subtils qui se produisent au niveau de chaque cellule. Contrairement au séquençage d’ARN « en vrac » dans un échantillon, le séquençage génomique de cellules individuelles permet d’analyser et d’identifier les variations fonctionnelles de chaque type de cellules immunitaires.

De plus, « la plupart des maladies génétiques rares sont comparables à un accident de voiture majeur dans le corps – il est généralement facile de localiser où elles se produisent dans le génome », indique Alex Hewitt, co-auteur principal de l’étude et clinicien-chercheur au Menzies Institute for Medical Research de l’Université de Tasmanie. « Mais les maladies immunitaires ressemblent plutôt davantage à des embouteillages, où les changements génétiques qui entravent le trafic sont plus difficiles à identifier spécifiquement. Cette étude nous a donc aidés à identifier l’origine de ces blocages ».

Les scientifiques ont ainsi découvert que des gènes spécifiques étaient liés à des cellules immunitaires et des pathologies auto-immunes. On peut alors en déduire que le profil génétique d’un individu peut être utilisé pour concevoir des traitements adaptés à son système immunitaire.

Application clinique

Avant de trouver le traitement qui leur convient le mieux, les patients atteints de maladies auto-immunes doivent généralement essayer de nombreux traitements différents. D’après les auteurs de l’étude australienne, certains de ces médicaments ne sont efficaces que chez 15% des malades. « Nous avons maintenant un moyen de relier la réponse au traitement à la génétique immunitaire d’un individu – et de dépister potentiellement ces 15% de patients avant même qu’un clinicien n’administre un traitement », déclare Seyhan Yazar, co-auteur principal de l’étude et chercheur principal à Garvan. Comprendre quels types de cellules sont liées à quelle maladie permettra également de développer plus rapidement de meilleurs traitements.

Afin d’appliquer les résultats de leurs recherches, les scientifiques effectuent actuellement un essai chez des patients atteints de la maladie de Crohn, afin d’identifier quels traitements fonctionnent pour quelles personnes et faire le lien avec d’éventuelles empreintes immunitaires identifiées. Ils envisagent également d’étendre les essais à d’autres maladies auto-immunes.

Source : Science

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