Une étude explore l’impact de l’étiquetage d’une idée en tant que « théorie du complot » sur sa crédibilité

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D’après une étude Ifop relayée par le JDD le 27 mars dernier, 35% des Français déclarent croire aux théories du complot, et plus de la moitié (52%) à au moins l’une des thèses russes sur les origines de la guerre en Ukraine. Qu’est-ce qui justifie l’utilisation du terme « théorie du complot » ? Paradoxalement, l’appellation ne serait pas la cause d’incrédulité à l’égard des déclarations, bien au contraire. Ce serait davantage une conséquence, à savoir que les gens choisissent d’utiliser ce terme lorsqu’ils ne croient pas à la véracité d’une déclaration.

L’utilisation de l’étiquette « théorie du complot » est largement perçue comme un moyen de tourner en ridicule les arguments non fondés, alors considérés comme farfelus. Les sociologues et les politologues s’intéressent de près au mécanisme d’emploi de ce terme, et à son lien avec l’adhésion (ou non) aux idées associées. L’étiquette « théorie du complot » est-elle une cause ou une conséquence de l’incrédulité à ces idées ?

Trouver les théories du complot divertissantes est positivement associé à leur croyance

Des recherches antérieures suggèrent que le fait de qualifier des déclarations de « théories du complot » ne réduit pas la croyance des gens en elles ; que ce n’est pas la cause de l’incrédulité des déclarations liées au complot. Ainsi, dans une première étude, 150 participants ont jugé qu’une liste de théories historiques et spéculatives n’étaient pas moins probables lorsqu’elles étaient étiquetées « théories du complot » que lorsqu’elles étaient étiquetées « idées ».

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Une deuxième étude révèle même que de nombreuses personnes sont attirées par ces théories, car elles susciteraient des émotions intenses. « Les gens trouvent les théories du complot divertissantes – c’est-à-dire des récits perçus comme intéressants, excitants et qui attirent l’attention – et ces évaluations divertissantes sont positivement associées à la croyance en ces théories », rapportent les auteurs.

Les scientifiques de la nouvelle étude psychologique, parue dans the British Journal of Psychology, ont cherché à comprendre quand et pourquoi les gens utilisent le terme « théorie du complot ». Dans quatre études, ils ont testé l’hypothèse alternative selon laquelle cette étiquette est une conséquence plutôt qu’une cause de la (dé)croyance dans les déclarations liées au complot. Autrement dit, que le fait de douter de ces déclarations jugées ridicules entraîne l’utilisation de l’étiquette « théorie du complot », et non l’inverse.

Moins les gens croient aux déclarations liées au complot, plus ils sont favorables à l’utilisation de l’étiquette

En reproduisant les recherches antérieures, une première expérience n’a fourni aucune preuve que cette étiquette affecte la croyance dans les déclarations associées. Dans le détail, les chercheurs ont demandé à 170 adultes américains de lire une série d’affirmations qualifiées soit d’idées, soit de « théories du complot ». Pour chaque affirmation, les participants ont évalué dans quelle mesure ils pensaient que les gens prendraient l’affirmation au sérieux, la rejetteraient, seraient ridiculisés pour l’avoir crue, la trouveraient controversée ou la trouveraient probable. Ils ont aussi eux-mêmes estimé ce qu’ils pensaient de l’affirmation en question.

Lors d’une deuxième expérience, les participants ont lu une série d’affirmations différentes et ont évalué dans quelle mesure ils étaient d’accord avec l’affirmation et dans quelle mesure ils la qualifieraient de « théorie du complot ». Les chercheurs ont découvert que moins les gens croyaient aux déclarations, plus ils étaient favorables à l’emploi de l’étiquette. Dans les deux dernières expériences, la crédibilité relative des déclarations a été manipulée, de telle sorte que les participants préféraient l’étiquette « théorie du complot » pour les déclarations soi-disant moins crédibles, que pour les plus crédibles.

Pour les futures études, les auteurs souhaitent déterminer pourquoi les gens ont tendance à stigmatiser le terme « théorie du complot ». Il est également nécessaire de mener d’autres recherches avec des échantillons plus larges et plus représentatifs, en incluant des personnes qui croient fermement aux théories du complot.

Source : The British Journal of Psychology

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