Les femmes dirigeantes ont mieux géré la pandémie que leurs homologues masculins, chiffres à l’appui

Jacinda Arderne femmes gestion pandémie
| Governor-General of New Zealand
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Dès l’arrivée des premiers cas, chaque pays a pris les décisions qui lui paraissaient les plus raisonnables. Mesures de confinement, fermetures des écoles, arrêt de certaines activités, prévention et mise en place des gestes barrières, etc. C’est un exercice auquel aucun dirigeant n’était vraiment préparé. À présent, c’est l’heure du bilan, et les pays dirigés par la gent féminine semblent avoir particulièrement brillé.

Très vite, les pays dirigés par des femmes sont apparus comme des modèles à suivre. La Nouvelle-Zélande (Jacinda Ardern), l’Allemagne (Angela Merkel) et Taiwan (Tsai Ing-wen) parmi d’autres ont ainsi été exemplaires dans leur façon de gérer la crise. Des spécialistes en économie se sont penchés sur la question et ont mené une étude pour déterminer si le genre du chef d’État avait vraiment eu une influence sur la manière de faire face à la pandémie.

Beaucoup moins de contaminations et de décès

Ces chercheurs britanniques ont ainsi tenu à vérifier s’il existait un lien significatif entre le sexe du leader national et le nombre de cas de COVID-19 et de décès comptabilisés au cours du premier trimestre de la pandémie. Pour cela, ils ont étudié les données de 194 pays. Les résultats montrent que les chiffres de la maladie sont « systématiquement et significativement meilleurs » dans les pays dirigés par des femmes.

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Comparaison du nombre de cas de COVID-19 recensés jusqu’au 19 mai, par million d’habitants, dans plusieurs villes similaires dirigées respectivement par une femme ou un homme. Crédits : Garikipati et al.

Aujourd’hui, on compte très peu de pays dans le monde dirigés par des femmes : seulement 10% des 194 pays étudiés ont une femme à leur tête ! Par conséquent, pour une comparaison la plus juste possible, les chercheurs ont fait correspondre ces quelques pays avec d’autres nations jugées « similaires », dirigées par des hommes. Pour cela, ils se sont intéressés aux caractéristiques socio-démographiques et économiques de chaque pays, notamment des caractéristiques qui ont été considérées comme importantes dans la transmission du virus.

Dans un premier temps, ils ont comparé des pays ayant un PIB par habitant, une densité de population et une proportion d’habitants de plus de 65 ans similaires. Ensuite, ils ont ajouté de nouvelles variables d’appariement : les dépenses annuelles de santé par habitant, le nombre de touristes entrant dans le pays et l’égalité des sexes. Ces quelques paramètres ont permis de mettre en évidence des différences flagrantes entre les pays dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes.

À titre d’exemple, Hong Kong, dirigée par Carrie Lam, a enregistré 1056 cas et 4 décès au cours du premier trimestre de la pandémie, tandis que la République de Singapour — à l’économie et aux caractéristiques démographiques comparables — dirigée par un homme, Lee Hsien Loong, a enregistré 28’794 cas et 22 décès au cours de la même période. De même, Taiwan a enregistré 440 cas et 7 décès, tandis que la Corée du Sud a enregistré 11’078 cas et 263 décès. Le Bangladesh, avec Sheikh Hasina comme Première ministre, s’en est mieux sorti que les Philippines et le Pakistan en termes de décès.

Même constat en Europe. La Norvège, une monarchie dont Erna Solberg est la Première ministre depuis 2013, a enregistré 8257 cas et 233 décès, tandis que l’Irlande, dirigée par un homme, a enregistré 24’200 cas et 1547 décès. La Finlande a montré de meilleurs résultats que la Suède, l’Autriche et la France, tant en termes de cas et que de décès. L’Allemagne s’est elle aussi illustrée dans cette lutte contre le coronavirus, bien mieux que la France et le Royaume-Uni.

Les pays dirigés par des femmes ont donc obtenu de bien meilleurs résultats, notamment en termes de décès. Les auteurs précisent que cela est vrai non seulement en comparant avec le pays similaire le plus proche, mais aussi avec le deuxième et jusqu’au cinquième pays le plus similaire dirigé par un homme ! À noter toutefois que la Belgique fait exception à la règle : cette monarchie ayant pour Première ministre Sophie Wilmès depuis octobre 2019 et a montré de mauvais résultats (à ce jour, le pays compte 87’700 cas et 9900 décès). Mais malgré cette valeur aberrante, incluse dans les résultats de l’étude, la conclusion reste la même : les femmes dirigeantes ont été plus efficaces face à la pandémie.

Une question de prise de risque et de communication

La question essentielle est bien évidemment : qu’ont fait ces femmes d’État pour limiter l’impact du coronavirus sur la population ? Pour commencer, les auteurs ont pu constater que les pays dirigés par des femmes ont mis en œuvre des mesures de confinement beaucoup plus tôt que dans les territoires dirigés par des hommes. Par exemple, la Nouvelle-Zélande a connu l’un des confinements les plus stricts et les plus précoces : avec aucun décès et un peu plus de 100 cas à la mi-mars, le pays a tout de même fermé toutes les entreprises non-essentielles, les écoles, et a annulé tous les rassemblements et événements.

Erna Solberg femmes gestion pandémie
Erna Solberg, Première ministre de la Norvège depuis octobre 2013, a mieux géré la crise sanitaire que les pays similaires dirigés par des hommes. Crédits : Trondheim Havn/Wikimedia Commons

Ces décisions signifient-elles que les femmes dirigeantes sont globalement plus prudentes ? De précédentes études sur les comportements face au risque et à l’incertitude (ici et ici) concluaient que d’une manière générale, les femmes, y compris celles occupant un poste de direction, semblent être moins enclines au risque que les hommes.

Et force est de constater qu’au début de la crise sanitaire, nombreux sont les dirigeants qui ont fait mine de « braver » la maladie. Le Président brésilien, Jair Bolsonaro, assimilait la maladie à « un rhume ou une petite grippe » avant qu’il ne soit lui-même contaminé ; Boris Johnson, Premier ministre britannique, continuait quant à lui de serrer la main à tout le monde lors de visites officielles ; Donald Trump refusant qu’on ne le voie masqué, minimisait lui aussi la maladie…

Certes, les femmes se sont avérées plus prudentes vis-à-vis des vies humaines dont elles avaient la responsabilité. En revanche, on peut dire qu’elles ont pris bien plus de risques économiques en verrouillant très tôt les activités de leur pays. En cela, elles ont été plus audacieuses que leurs homologues masculins. Un constat que l’on retrouve dans les diverses études menées au sujet des comportements à risque : les hommes sont plus réticents à prendre des risques lorsqu’une loterie est présentée comme une perte financière potentielle plutôt que comme un gain. Ce qui expliquerait pourquoi les dirigeants ont globalement tardé à verrouiller leur pays.

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En dehors de ce paramètre économique, il semble qu’une autre explication se trouve dans le leadership de chacun. Des études antérieures suggèrent que les hommes sont davantage susceptibles de diriger en étant « axés sur les tâches », alors que les femmes adoptent plutôt un style « axé sur les relations interpersonnelles ». En d’autres termes, les femmes ont tendance à adopter un style plus démocratique et participatif et possèdent de meilleures compétences en communication. Certaines dirigeantes ont en effet adopté un mode de communication original, au plus proche de leurs citoyens : Erna Solberg a ainsi organisé une conférence de presse exclusivement dédiée aux interrogations des enfants autour de la pandémie ; Jacinda Ardern a, quant à elle, misé sur un live Facebook pour s’adresser à la population.

Sommes-nous pour autant perdus si nous sommes dirigés par un homme ? Bien sûr que non. Les auteurs de l’étude soulignent que leurs résultats doivent être interprétés avec prudence. Pour commencer, les données fiables disponibles sont limitées : la façon dont sont enregistrés les décès varie d’un pays à l’autre et le nombre de cas est parfois sous-estimé, faute de tests à grande échelle. Ensuite, la pandémie est loin d’être terminée et la situation pourrait évoluer dans les prochains mois (et confirmer ou infirmer la théorie exposée ici). La tendance statistique actuelle suggère que les femmes dirigeantes ont pris de meilleures décisions, mais l’incertitude demeure sur les retombées socio-économiques de la pandémie à long terme.

Source : SSRN, Garikipati et al.

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