Les forêts absorbent 31 % plus de CO2 que précédemment estimé, selon une étude

157 pétagrammes de CO2 absorbés par an, contre 120 selon les précédentes estimations.

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Tour d'observation au-dessus d'une forêt tropicale au Panana où les chercheurs de l'étude collectent des mesures au sol utilisées pour analyser le cycle du carbone de la forêt tropicale. | Jeff Warren/ORNL, Département américain de l'énergie
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Une étude révèle que les forêts absorbent 31 % plus de dioxyde de carbone que ce qui a été précédemment estimé, portant ainsi le total mondial d’absorption photosynthétique du CO2 à 157 pétagrammes par an. Cette nouvelle estimation s’appuie sur une meilleure évaluation de la conductance du mésophylle (un indicateur photosynthétique clé) et sur l’utilisation du sulfure de carbonyle comme indicateur de photosynthèse. Ces nouveaux résultats soulignent le besoin de modélisations plus précises du cycle du carbone pour les prévisions climatiques.

L’absorption photosynthétique du CO2 (productivité primaire brute, ou GPP) constitue le plus grand échange de carbone entre la surface de la Terre et l’atmosphère. Exprimée en pétagrammes de carbone par an (PgC/an), la quantité de CO2 absorbé par le biais de ce processus est estimée à environ 120 PgC/an depuis le début des années 1980. Un pétagramme équivaut à 1 milliard de tonnes métriques, soit à peu près à la quantité de CO2 émise chaque année par 238 millions de véhicules touristiques fonctionnant à l’essence.

Cependant, malgré les décennies d’efforts visant à évaluer la GPP, des incertitudes persistent quant à sa valeur exacte et les réponses environnementales qui y sont associées. Alors que la plupart des modèles climatiques se basent sur la valeur de 120 PgC/an, cette estimation est en contradiction avec celles évaluées à partir de l’isotope 18 de l’oxygène (150 à 175 PgC/an) et de la respiration du sol (149 PgC/an). Ces contradictions entravent la précision des prédictions de l’évolution des puits de carbone terrestre et des modèles climatiques dans leur ensemble.

« Déterminer la quantité de CO2 que les plantes fixent chaque année est une énigme sur laquelle les scientifiques travaillent depuis un certain temps », explique dans un communiqué du Laboratoire national d’Oak Ridge (dans le Tennessee, aux États-Unis) Lianhong Gu, coauteur principal de la nouvelle étude. « L’estimation initiale de 120 PgC/an a été établie dans les années 1980, et elle est restée valable pendant que nous essayions de trouver une nouvelle approche », ajoute-t-il.

Afin de combler les lacunes, Gu et ses collègues proposent une nouvelle approche consistant à utiliser le sulfure de carbonyle en tant qu’indicateur photosynthétique et la conductance du mésophylle — un paramètre jusqu’à présent sous-estimé dans les modèles photosynthétiques. La technique a permis d’obtenir l’estimation de la GPP la plus précise à ce jour. « Nous devons nous assurer que les processus fondamentaux du cycle du carbone sont correctement représentés dans nos modèles à grande échelle », indique l’expert. « Ce travail représente une avancée majeure vers l’établissement d’un chiffre définitif ».

De grandes différences d’estimation pour les forêts tropicales

Le sulfure de carbonyle est un gaz que l’on retrouve dans l’atmosphère à une concentration six fois inférieure à celle du CO2. Il est absorbé par les plantes par le biais du même processus que le CO2, mais est plus facile à suivre et à quantifier que ce dernier. Les chercheurs de la nouvelle étude ont donc estimé la conductance du mésophylle (la partie interne des feuilles) à partir du sulfure de carbonyle, afin de déduire la GPP. Ce processus décrit la capacité du CO2 et du sulfure de carbonyle à se diffuser depuis l’espace aérien entourant les feuilles vers les chloroplastes, contribuant ainsi à l’efficacité photosynthétique des plantes. Ce paramètre constitue également un indicateur de leur capacité à s’adapter aux changements environnementaux.

L’équipe a utilisé plusieurs sources de données pour la modélisation, dont LeafWeb, une base rassemblant des données photosynthétiques provenant de forêts du monde entier pour appuyer les modèles du cycle du carbone. Les résultats ont ensuite été comparés aux données à haute résolution des tours d’observation environnementales au-dessus des forêts. Ces plateformes disposent d’une meilleure résolution que les satellites, car les observations ne sont pas entravées par les nuages ou le brouillard.

Les analyses de l’équipe ont montré une valeur GPP de 157 PgC/an, soit 31 % de plus que précédemment estimé. Selon les chercheurs, ce résultat est cohérent avec les estimations obtenues par le biais de l’isotope 18 de l’oxygène et de la respiration du sol, mais avec un niveau de confiance plus élevé. La plus grande différence par rapport aux estimations des années 1980 serait observée au niveau des forêts tropicales et semi-tropicales, soulignant leur importance en tant que puits de carbone naturels. Ces résultats pourraient ainsi ouvrir la voie à de nouveaux modèles de prévisions réduisant l’incertitude des estimations de la GPP pour ces écosystèmes.

« Dans la mesure où la GPP est un déterminant essentiel des puits de carbone terrestres et peut façonner les trajectoires climatiques, nos résultats posent une base physiologique sur laquelle la compréhension et la prédiction des rétroactions carbone-climat peuvent être améliorées », conclut l’équipe dans son document publié dans la revue Nature.

Source : Nature

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