Une étude internationale révèle que les glaciers perdent 273 milliards de tonnes de glace par an depuis les années 2000, ce qui équivaudrait à trois piscines olympiques chaque seconde. Entre 2000 et 2023, les glaciers du monde entier (excepté ceux du Groenland et de l’Antarctique) auraient perdu 5 % de leur volume total, les pertes les plus importantes ont été enregistrées dans les Alpes européennes et les Pyrénées.
Les glaciers sont des éléments essentiels des systèmes climatique et hydrologique terrestres. Ils abritent près de 70 % des réserves d’eau douce de la planète, une ressource vitale pour l’humain et les écosystèmes. Ils jouent également un rôle clé dans l’albédo de la planète, contribuant à la réflexion du rayonnement solaire vers l’espace et, par extension, à l’équilibre énergétique de la Terre.
Les modèles climatiques suggèrent qu’au moins 25 % de la glace des glaciers pourrait disparaître d’ici 2100, même si les émissions de gaz à effet de serre étaient réduites. Cela est dû au fait que les glaciers réagissent tardivement au réchauffement climatique. En revanche, si les tendances actuelles en matière d’émissions persistent ou augmentent, les pertes pourraient atteindre 50 % d’ici la fin du siècle.
Cependant, la précision de ces modèles est remise en question par l’hétérogénéité des méthodes d’observations. Les différences dans les données de caractéristiques spatiales, temporelles et observationnelles, ainsi que la diversité des approches en matière d’analyse, entravent la précision dans les évaluations des changements au niveau des glaciers.
Dans le cadre d’une nouvelle étude, une équipe de recherche internationale coordonnée par le World Glacier Monitoring Service (WGMS), de l’Université de Zürich (UZH), a collecté, homogénéisé, combiné et analysé les variations de masse des glaciers mesurées à partir de différentes méthodes d’observation sur le terrain et par satellite.
« Au cours des 20 dernières années, nous avons acquis une multitude de capteurs satellites pour estimer l’élévation et les changements de masse des glaciers. Bien que les chiffres concernant la fonte des glaciers soient globalement cohérents, les chiffres exacts diffèrent considérablement d’un capteur à l’autre, d’où la nécessité de convertir tous les chiffres en un seul format », explique Michael Zemp, professeur à l’UZH et directeur du WGMS, à Live Science.
Les pertes les plus importantes dans les Alpes européennes et les Pyrénées
L’équipe de la nouvelle étude a collecté et homogénéisé les données afin de réaliser une intercomparaison des bilans de masse glaciaire (dans le cadre d’un projet baptisé GlaMBIE). Il s’agit d’une mesure évaluant la différence entre la masse gagnée (ou accumulation) et la masse perdue par la disparition de la neige ou de la glace (ou ablation).
Les chercheurs ont comparé et compilé les résultats des différentes techniques de mesure au sein d’une série chronologique annuelle pour la majorité des régions glaciaires du monde entre 2000 et 2023. Le Groenland et l’Antarctique n’ont pas été pris en compte parce qu’ils sont si étendus qu’ils réagissent tardivement au réchauffement climatique, par rapport aux autres glaciers.
Au total, 233 estimations de l’évolution de la masse des glaciers régionaux ont été compilées à l’aide de 450 contributeurs répartis en 35 équipes de recherches. « En combinant les avantages des différentes méthodes d’observation, GlaMBIE fournit non seulement de nouvelles perspectives sur les tendances régionales et la variabilité interannuelle, mais nous avons également pu identifier des différences entre les méthodes d’observation, ce qui constitue une opportunité de mieux comprendre et d’améliorer les estimations futures », explique Zemp dans un communiqué de l’UZH.
Les résultats – détaillés dans la revue Nature – révèlent que la perte de masse de glaciers à l’échelle mondiale s’élève à 6 542 milliards de tonnes entre 2000 et 2023, soit un rythme de perte annuel de 273 milliards de tonnes. En 2000, ces glaciers couvraient une superficie de 705 221 km2 et contenaient 121 728 milliards de tonnes de glace. Ils ont donc perdu près de 5 % de leur volume depuis le début du millénaire. Cette perte est environ 18 % supérieure à celle de la calotte glaciaire du Groenland et plus de deux fois supérieure à celle de la calotte glaciaire de l’Antarctique.
Les pertes les plus importantes ont été observées dans les Alpes et les Pyrénées européennes, les deux régions affichant une baisse de 40 % du volume des glaciers au cours de la période d’étude. Les sommets des Alpes auraient même perdu près de 10 % de leur glace en deux ans seulement. En revanche, les glaciers des îles subantarctiques n’ont perdu qu’environ 2 % de leur glace.
Par ailleurs, les chercheurs ont constaté une augmentation de 36 % de la perte de glace entre la première moitié (2000-2011) et la seconde moitié (2012-2023) de la période d’étude. Cela suggère une accélération de la perte de glace qui pourrait se poursuivre jusqu’à la fin du siècle, selon les experts. « Nous nous attendions à constater que les glaciers fondaient, mais la quantité de glace perdue au cours des dernières années est choquante, même pour nous, scientifiques », affirme Zemp.
Une menace pour les réserves mondiales d’eau douce
Les pertes de glace entre 2000 et 2023 ont contribué à 18 millimètres d’élévation du niveau de la mer, avec un rythme annuel de 0,75 millimètre. Bien que cela puisse paraître infime, les glaciers constituent les deuxièmes plus grands contributeurs à l’élévation du niveau de la mer, après le réchauffement des océans.
Ces pertes constituent également une menace pour l’approvisionnement en eau douce pour les écosystèmes et de nombreuses communautés, en particulier celles d’Asie centrale et des Andes centrales. La perte annuelle de 273 milliards de tonnes de glace équivaut en effet à la consommation de la population mondiale en eau pendant 30 ans.
Selon Samuel Nussbaumer, glaciologue à l’UZH et directeur du projet GlaMBIE, ces résultats « renforcent l’appel du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en faveur de mesures urgentes et concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement associé afin de limiter l’impact de la fonte des glaciers sur les géorisques locaux, la disponibilité régionale en eau douce et l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale ».