Grève à Hollywood : la crainte de l’utilisation de répliques numériques des acteurs sans consentement met de l’huile sur le feu

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À gauche : Joan dans l'épisode « Joan Is Awful » de Black Mirror, au sujet de copies numériques d'identité utilisées sans consentement à des fins de production cinématographique. À droite : la présidente de SAG-AFTRA, Fran Drescher, prend la parole lors d'une conférence de presse annonçant une grève des acteurs et auteurs à Hollywood, le jeudi 13 juillet 2023 à Los Angeles. | Netflix/ Chris Pizzello, The Associated Press
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Les acteurs d’Hollywood, représentés par le syndicat SAG-AFTRA, sont désormais en grève. Au cœur du conflit : des rémunérations trop basses et la potentielle utilisation de l’intelligence artificielle pour créer et utiliser des répliques numériques des acteurs, entre autres. En somme concernant l’IA, suite à la proposition des studios de Hollywood d’ajout d’une clause concernant la technologie, les acteurs craignent que leurs répliques numériques puissent être utilisées à perpétuité, sans leur consentement ni compensation supplémentaire.

L’industrie cinématographique, un des piliers de la culture et véritable moteur économique, fait face à un défi majeur : l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA). Cette technologie, capable désormais de générer des répliques numériques d’acteurs, bouleverse les conventions traditionnelles, suscitant des débats sur les droits des acteurs et l’éthique de l’utilisation de l’IA dans le cinéma.

C’est dans ce contexte que le syndicat des acteurs, SAG-AFTRA, a déclenché, pour la première fois depuis 1960, une grève inouïe entre acteurs et auteurs à Hollywood, qui a entraîné l’arrêt de la production de films et de séries télévisées. Les acteurs s’opposent, entre autres problématiques, à la proposition des studios de les autoriser à créer des répliques numériques alimentées par IA. Ils craignaient que les studios puissent ainsi posséder et utiliser leur image numérisée à perpétuité, sans leur consentement ni compensation supplémentaire.

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Cette situation, inédite dans l’histoire du cinéma, si semblable à l’épisode « Joan Is Awful » de la nouvelle saison de Black Mirror, soulève des questions cruciales sur les droits des travailleurs à l’ère de l’IA et pourrait avoir des implications majeures pour l’avenir de l’industrie.

La position de l’AMPTP

L’Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP), l’association qui représente les studios de cinéma et de télévision, a pris position dans ce conflit. Selon l’AMPTP, la proposition qu’ils ont faite aux acteurs comprend une clause acceptable concernant l’IA. Cette clause, selon eux, a été conçue pour protéger les acteurs et leurs ressemblances numériques, et non l’inverse.

L’AMPTP soutient donc que cet ajout serait plutôt en faveur des acteurs, et affirme que la création et l’utilisation d’une réplique numérique d’un acteur ne pourraient se faire sans le consentement explicite de l’acteur concerné. Cela signifie que les acteurs auraient un contrôle total sur l’utilisation de leur image numérisée.

La contestation des acteurs

La position de l’AMPTP est fortement contestée par le syndicat des acteurs, SAG-AFTRA. Duncan Crabtree-Ireland, le négociateur en chef de SAG-AFTRA, a exprimé son désaccord avec l’interprétation de l’AMPTP de leur proposition. Selon lui, loin d’être novatrice, la proposition des studios présente des risques majeurs pour les acteurs, comme le rapporte un article de The Verge.

Crabtree-Ireland soutient que la proposition des studios permettrait en réalité à ces derniers de posséder l’image numérisée d’un acteur et de l’utiliser à perpétuité. Cela se ferait sans le consentement de l’acteur et sans compensation supplémentaire. En d’autres termes, une fois que l’acteur a été payé pour une journée de travail et que son image a été numérisée, les studios pourraient utiliser cette image numérique indéfiniment, sans avoir à payer l’acteur pour chaque utilisation.

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Joan, dans l’épisode « Joan Is Awful » de Black Mirror, a été rendue folle lorsque son apparence a été utilisée sans son autorisation. © Netflix

Cette interprétation de la proposition des studios soulève des questions importantes sur les droits des acteurs à l’ère de l’IA. Elle met en lumière les défis auxquels sont confrontés les acteurs pour protéger leurs droits et leur rémunération dans un contexte où la technologie permet de créer et d’utiliser des répliques numériques toujours plus convaincantes.

Les répercussions de la grève

La grève initiée par SAG-AFTRA a des conséquences significatives sur l’industrie du cinéma et de la télévision. L’une des plus immédiates est l’arrêt de la production de films et de séries télévisées. Cela signifie que de nombreux projets sont en suspens, ce qui a un impact direct sur le calendrier de sortie des films et des séries, mais aussi sur les revenus générés par ces productions.

Au-delà de l’impact sur les productions en cours, la grève a également des conséquences financières pour de nombreuses personnes qui travaillent dans l’industrie du cinéma. Les acteurs, bien sûr, sont directement touchés, mais aussi tous les autres professionnels qui dépendent de la production de films et de séries pour leur revenu. Cela inclut les techniciens, les scénaristes, les réalisateurs, et bien d’autres.

Ces difficultés financières peuvent avoir des répercussions à long terme. Elles pourraient, par exemple, conduire certains professionnels à quitter l’industrie, ce qui pourrait à son tour affecter la qualité et la diversité des productions à l’avenir. De plus, elles pourraient aggraver les inégalités existantes dans l’industrie, en rendant encore plus difficile pour les acteurs et autres professionnels moins établis de gagner leur vie.

D’autres revendications minent l’industrie cinématographique

Outre la question de l’IA, les acteurs demandent également une augmentation des salaires minimums, un meilleur accès aux soins de santé de qualité et une révision du système de paiements résiduels. Ce dernier point est particulièrement important à l’ère du streaming, qui a bouleversé les revenus tirés des ventes de vidéos à domicile et de la syndication à la télévision.

Les studios, quant à eux, affirment qu’ils ont proposé des augmentations de salaire et de résidus historiques, des plafonds beaucoup plus élevés pour les contributions à la pension et à la santé, et des protections pour les auditions. Ils soutiennent que le syndicat a choisi la grève plutôt que d’accepter une offre avantageuse.

La grève des acteurs d’Hollywood met en lumière les défis posés par l’utilisation de l’IA dans l’industrie du cinéma, mais aussi dans d’autres domaines. La résolution de ce conflit nécessitera un équilibre entre l’adoption de nouvelles technologies et la protection des droits et des revenus des acteurs. Et plus généralement des employés d’autres secteurs face à la volonté des employeurs et industries de réduire les coûts et d’augmenter l’efficacité, sans prendre en compte le facteur humain.

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