L’Inde lance avec succès sa première fusée à moteur entièrement imprimé en 3D

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| Agnikul Cosmos
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Après deux ans de préparation et quatre reports, Agnikul Cosmos, une start-up spatiale indienne, a enfin lancé la première fusée à moteur entièrement imprimé en 3D du pays, le 30 mai dernier. Il s’agit également du premier lancement réussi d’une fusée à moteur semi-cryogénique, plus léger et moins encombrant que les moteurs de fusée conventionnels. L’événement marque une étape significative pour les objectifs d’exploration spatiale de l’Inde, en améliorant considérablement son accès à l’espace.

L’Inde attire depuis peu l’attention du monde entier en raison de la croissance fulgurante de son secteur spatial. L’année dernière, ce nouveau venu dans la course à l’exploration spatiale est entré dans l’histoire en devenant le premier à atterrir sur le pôle Sud de la Lune, avec la mission Chandrayaan-3. Ces réussites sont en partie stimulées par la politique du pays à encourager la participation du secteur privé, en relevant par exemple la limite des investissements directs étrangers consacrés à la filière. Actuellement, l’Inde abrite près de 190 start-ups spécialisées dans les technologies spatiales.

Figurant parmi ces start-ups, Agnikul Cosmos se spécialise dans les composants imprimés en 3D, tels que les allumeurs, les canaux de refroidissement et les injecteurs de carburant. L’entreprise est récemment passée au niveau supérieur en imprimant un moteur en un seul bloc, évitant ainsi les longs processus d’assemblage et de soudage. Bien que d’autres sociétés utilisent déjà l’impression 3D pour de nombreux composants pour fusées, Agnikul Cosmos se distingue par sa conception monobloc.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

« Nous nous distinguons par notre composant monobloc, pour lequel il n’y a aucune intervention humaine dans le processus ; ce qui sort de l’imprimante est sur toute la longueur, sans aucune soudure, ni serrage ou quoi que ce soit de ce genre », a expliqué à Tech Crunch Srinath Ravichandran, cofondateur et PDG de la société.

Embarqué à bord du lanceur orbital Agnibaan SOrTeD (Suborbital Technology Demonstrator), le moteur a d’abord été testé en mars de cette année, mais n’a pas pu faire décoller l’ensemble en raison d’un besoin de vérifications supplémentaires. Trois autres essais ont été programmés puis annulés au dernier moment en raison de problèmes techniques.

Le premier lancement réussi a finalement eu lieu le jeudi 30 mai 2024, depuis la rampe de lancement mobile de la startup au centre spatial Satish Dhawan, sur l’île de Sriharikota, dans le sud de l’Inde. Le vol a duré deux minutes au total et la fusée a atteint une altitude de 8 kilomètres. « C’est l’aboutissement de milliers d’heures d’examen et de travail acharné de la part de l’équipe », a déclaré Ravichandran dans un communiqué de presse.

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Schéma montrant la trajectoire de lancement du Agnibaan SOrTeD. © Agnikul Cosmos

Deux moteurs entièrement fabriqués en une semaine

Le véhicule Agnibaan SOrTeD mesure 6,2 mètres de haut et est entièrement modulable — ce qui lui permettrait d’effectuer des lancements pour diverses missions. Il est fabriqué en composite de carbone, lui conférant une masse de seulement 575 kilogrammes. Le moteur est imprimé en 3D avec de « l’inconel », un alliage métallique facilement imprimable et pouvant résister aux températures élevées. Cependant, le matériau est un très mauvais conducteur thermique. Les ingénieurs ont donc dû effectuer entre 70 et 80 essais avant de trouver un moyen d’évacuer efficacement la chaleur.

Selon les concepteurs, l’impression du moteur sous sa forme brute nécessite entre 72 et 75 heures. Ils affirment pouvoir produire deux moteurs entièrement fonctionnels (c’est-à-dire passés par un processus de traitement thermique après la sortie de l’imprimante) en seulement une semaine. À titre de comparaison, l’ensemble des processus pour fabriquer les moteurs conventionnels de taille équivalente prend entre 10 et 12 semaines.

Une capacité de charge utile allant jusqu’à 300 kg

Un autre défi résidait dans la capacité du moteur à garantir la sécurité de la fusée lorsque celle-ci se déplace. Afin de le surmonter, l’entreprise a décidé de ne pas utiliser de système à combustible solide, hautement explosif. À la place, le moteur est alimenté avec un combustible entièrement liquide (de l’hydrogène et du kérosène raffiné) et semi-cryogénisé.

D’autre part, contrairement aux moteurs cryogéniques, un moteur semi-cryogénique est plus léger et nécessite moins d’espace de stockage. Cela a permis d’accroître la capacité de poussée à 6,2 kilonewtons. La capacité de charge utile peut aller jusqu’à 300 kilogrammes, ce qui est significatif pour un véhicule de la taille de l’Agnibaan SOrTeD. Les données du premier vol réussi serviront au développement du prochain lanceur orbital commercial de l’entreprise.

De telles avancées permettront à l’Inde d’établir la confiance des investisseurs et ainsi augmenter son taux d’accès à l’espace. Ce dernier vol fera d’ailleurs partie d’une longue série de 30 lancements civils et commerciaux que le pays prévoit d’ici un peu plus d’un an. « Le lancement réussi de l’Agnibaan SOrTeD n’est pas seulement une étape importante pour Agnikul Cosmos, mais marque un moment important pour les acteurs privés qui contribuent à la croissance du secteur spatial indien », a expliqué Ravichandran le communiqué. Des vols spatiaux habités en orbite terrestre basse et vers la Lune sont aussi prévus pour 2025 et 2040, respectivement. Une station spatiale en orbite ainsi qu’une base lunaire sont en outre prévues d’ici 2035 et 2050.

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