La cinquième extinction massive pourrait être due à la mort d’une étoile

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À l’ère du Dévonien supérieur, entre environ -380 et -360 millions d’années avant notre ère, la Terre a subi une extinction de masse aboutissant à la perte de plus de 70% des espèces vivantes de l’époque. La cause de l’événement demeure à ce jour inconnue. Activité volcanique, impact d’astéroïde, anoxie océanique ou réchauffement climatique ? Toutes les hypothèses sont plausibles. Aujourd’hui, un groupe de chercheurs propose une autre théorie : la coupable pourrait être l’explosion d’une supernova.

C’est l’une des cinq extinctions massives qu’a connues notre planète au cours de son histoire. La plus connue (et largement exploitée au cinéma) est sans aucun doute l’extinction Crétacé-Paléogène, il y a 66 millions d’années, qui a mis fin au règne des dinosaures. Aujourd’hui, les experts s’accordent à dire qu’elle a été déclenchée par l’impact d’un astéroïde (dont la Terre porte encore les stigmates : le cratère de Chicxulub, au Mexique). Pour l’extinction du Dénovien, il est plus difficile de trancher. Mais une récente étude américaine, dirigée par l’astrophysicien Brian Fields, suggère une nouvelle hypothèse qui mettra peut-être fin au débat…

Un phénomène depuis longtemps pointé du doigt

Le Dévonien s’étend de −419,2 ± 3,2 à −358,9 ± 0,4 millions d’années. Cette période est subdivisée en trois parties : le Dévonien supérieur, le Dévonien moyen et le Dévonien inférieur. L’époque est notamment caractérisée par la présence d’une grande diversité d’espèces de poissons sur la planète. Le Dévonien est d’ailleurs surnommé parfois « l’Âge des poissons ». Les océans abritent alors de nombreux brachiopodes et de grands récifs coralliens. Sur la terre ferme, les premières forêts apparaissent, rapidement peuplées par les insectes et les chélicérates (un sous-embranchement des arthropodes).

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Pour expliquer les extinctions de masse, les scientifiques recherchent la plupart du temps des causes « locales ». Par exemple, une éruption volcanique dévastatrice, dont les cendres et poussières projetées dans l’air priveraient la Terre de lumière, conduisant peu à peu à la disparition de toute forme de vie végétale et animale. Un autre scénario fréquemment évoqué est une collision avec un astéroïde.

cycle histoire extinctions massives
Les différents cycles de l’histoire naturelle, les extinctions de masse et les principaux astroblèmes. Crédits : Wikimedia Commons

Dans le cas de l’extinction qui a eu lieu au Dévonien supérieur, des chercheurs pointent du doigt un phénomène plus lointain. Une étoile mourante, située à des années-lumière de notre planète, qui aurait terminé sa vie dans une importante explosion. « Nous sommes citoyens d’un cosmos plus vaste, et le cosmos intervient dans nos vies — souvent imperceptiblement, mais parfois méchamment », déclare Brian Fields du département de l’Astronomie de l’Université de l’Illinois.

En effet, Fields et ses collaborateurs montrent dans leur étude — publiée dans la revue PNAS — que les rayons cosmiques d’une supernova proche (située à environ 65 années-lumière de la Terre) pourraient être à l’origine de la baisse dramatique des niveaux d’ozone ayant provoqué la disparition de près de trois quarts des espèces. La découverte de certains isotopes radioactifs dans les roches sédimentaires de la Terre pourrait confirmer ce scénario.

Ce n’est cependant pas la première fois que les supernovas sont désignées coupables de tels événements. L’accusation remonte aux années 1950 ! Le paléontologue allemand Otto Schindewolf fut le premier à suggérer que les extinctions massives avaient pu être causées par des impacts cosmiques ou des supernovas proches. Plus récemment, des chercheurs ont même déterminé la distance critique à laquelle une supernova pourrait nous être fatale : ils ont ainsi établi une « zone à risque » comprise entre 25 et 50 années-lumière.

Pour l’extinction du Dévonien, suggérer la mort d’une étoile comme origine est en revanche une première. Et dans ce cas précis, Fields et son équipe repoussent même la frontière de dangerosité estimée par leurs confrères…

Des rayons cosmiques dévastateurs

Leur étude révèle que les explosions d’étoiles situées au-delà de 50 années-lumière pourraient impacter la vie sur Terre de façon notable, via une combinaison d’effets à plus ou moins long terme. Les supernovas sont effet d’importantes sources de rayonnements ionisants : UV extrêmes, rayons X et rayons gamma. Lorsque l’étoile meurt, le choc de l’explosion entraîne l’accélération des particules ; la supernova entraîne ainsi la formation de rayons cosmiques, constitués de noyaux atomiques et de particules de haute énergie.

Or, ces rayons cosmiques pourraient être assez puissants pour appauvrir la couche d’ozone terrestre, ce qui serait catastrophique pour la biosphère terrestre, qui serait brûlée par les UV du Soleil. C’est vraisemblablement ce qu’il s’est produit au Dévonien supérieur. La perte de diversité des espèces et les déformations observées dans les spores de plantes anciennes, dénichées dans les roches profondes correspondant à cette période, pourraient en être une preuve. Les fossiles indiquent même un déclin de 300’000 ans de la biodiversité menant à l’extinction, suggérant non pas une, mais plusieurs explosions.

Par ailleurs, les autres causes possibles de cette cinquième extinction (impacts d’astéroïdes, éruptions solaires, etc.) constituent des événements relativement brefs. Il est donc peu probable qu’ils aient causé l’appauvrissement de la couche d’ozone. Les auteurs de l’étude rappellent toutefois que l’hypothèse reste à confirmer. Ils comptent bien trouver d’autres preuves avant de confirmer le scénario.

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L’étoile Bételgeuse, observée ici avec l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), est sur le point de devenir une supernova. C’est l’une des plus grandes étoiles connues à ce jour (son rayon est 1400 fois plus grand que celui du Soleil). Située à environ 600 années-lumière, son explosion ne devrait avoir aucune conséquence sur la Terre. Crédits : ESO

Pour tous les scientifiques qui s’intéressent à la théorie des supernovas tueuses, la recherche d’anciens isotopes radioactifs, qui n’auraient pu être déposés que par l’explosion d’étoiles, est déterminante. C’est pourquoi un isotope rare du fer, le fer 60, trouvé à plusieurs endroits sur Terre, a déjà fait l’objet de nombreuses recherches. Dans le cas du Dévonien, d’autres isotopes radioactifs pourraient confirmer l’hypothèse, notamment le plutonium 244 et le samarium 146. Comme l’explique Zhenghai Liu, co-auteur de l’étude, aucun de ces isotopes ne se produit naturellement sur Terre. Seules des explosions cosmiques pourraient expliquer leur présence dans le sol terrien.

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Ainsi, si des traces de ces isotopes sont décelées dans la roche au niveau de la limite Dévonien-Carbonifère, le scénario proposé par Fields et ses collaborateurs devient très plausible. Faudra-t-il considérer les étoiles comme une nouvelle menace ? L’étoile la plus proche de nous susceptible de devenir une supernova est Bételgeuse, une géante rouge située à plus de 600 années-lumière. Pas de quoi s’affoler donc, nous sommes bien au-delà de la limite estimée !

La sixième extinction de masse, l’extinction de l’holocène, a commencé il y a 13’000 ans. Mais les étoiles n’ont absolument rien à se reprocher : cette fois-ci, seules les activités humaines sont responsables. Déforestation, pollution, surexploitation des ressources naturelles, conduisent peu à peu à la disparition des espèces. Certes, en nombres d’espèces, nous sommes loin du niveau des précédentes extinctions, mais le taux d’extinction croît de façon dramatique.

Source : PNAS, Fields et al.

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