Le lait maternel, un traitement potentiel contre la COVID-19 ?

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Une nouvelle étude suggère que le lait maternel des femmes rétablies de la COVID-19 contient des niveaux élevés de puissants anticorps contre le SARS-CoV-2. Ainsi, ce lait permettrait non seulement de protéger les nouveau-nés, considérés comme personnes vulnérables face au virus, mais il pourrait également permettre d’élaborer un traitement efficace pour les adultes ayant contracté la maladie.

L’étude en question a été initiée par Jennifer Hahn-Holbrook, professeure en psychologie de la santé à l’université de Californie à Merced, et Jessica Marino, doctorante dans la même discipline. Elles ont collaboré avec l’hôpital Mont Sinaï de New York et d’autres chercheurs de l’UC Merced. Marino s’intéresse à la façon dont les hormones affectent le comportement maternel et aux effets intergénérationnels que les relations mère-enfant peuvent avoir sur la santé. Son objectif étant de déterminer des facteurs maternels protecteurs susceptibles d’atténuer les risques pour la santé des enfants vulnérables.

Pour ces deux scientifiques, la pandémie a ainsi été l’occasion d’étudier de quelle manière une mère pouvait préserver son enfant d’une éventuelle infection du coronavirus. Il est connu en effet que lorsque les mères tombent malades, leur système immunitaire produit des anticorps qui se retrouvent ensuite dans leur lait ; par conséquent, lorsqu’elles allaitent, ces anticorps sont transmis à l’enfant, qui devient apte à lutter contre la maladie en question. Leur but était ici de déterminer quels types d’anticorps se trouvaient dans le lait d’une mère rétablie de la COVID-19.

Des anticorps spécifiques qui protègent les muqueuses

Jusqu’à présent, on ne savait pas si le lait maternel de mères guéries de la COVID-19 contenait ou non des anticorps. En outre, il était indispensable de caractériser ces anticorps, car certains types offrent une protection plus efficace que d’autres. En tant que psychologues, Hahn-Holbrook et Marino ont contribué à l’aspect « humain » de l’étude. Leur équipe a ainsi aidé à localiser, suivre et gérer la logistique de la collecte de lait maternel à domicile ; finalement, ces efforts ont abouti à une large étude sur plus de 1600 femmes à travers les États-Unis. Elles ont également aidé à créer des sondages en ligne à destination des participantes. Bien évidemment, toutes les analyses et tests d’anticorps ont été confiées à une équipe de spécialistes, dirigée par Rebecca Powell, virologue à l’hôpital Mont Sinaï. Ces tests ont impliqué 15 jeunes mamans donneuses.

Premier constat des chercheurs : toutes les mères ayant contracté la maladie présentent des anticorps anti-COVID dans leur lait. Une première bonne nouvelle pour les nourrissons vulnérables, car ce lait peut donc être envisagé en prévention, comme en traitement. Par ailleurs, les scientifiques ont détecté dans le lait maternel des niveaux élevés d’un type spécifique d’anticorps, appelé immunoglobuline A sécrétoire ou sIgA. La sIgA joue un rôle important dans la médiation de la défense immunitaire au niveau des muqueuses. Ainsi, ce type d’anticorps est particulièrement efficace pour lutter contre les maladies qui attaquent la muqueuse pulmonaire, telle que la COVID-19.

Détail surprenant : des composés immunitaires ayant répondu au virus ont été détectés même dans le lait des mères du groupe témoin (au nombre de 10) qui n’ont jamais contracté la maladie ! Ceci suggère que le lait maternel peut par nature, posséder des propriétés immunitaires pouvant aider les bébés à lutter contre le virus du SARS-CoV-2.

Plus efficaces et plus nombreux que les anticorps du plasma sanguin

À partir de ces résultats, les scientifiques espèrent pouvoir utiliser le lait de mères rétablies de la COVID-19 pour aider à traiter les nourrissons ayant contracté la maladie. Cette approche peut être très intéressante dans les pays en développement, où le lait maternel d’anciennes malades s’avère plus accessible que d’autres traitements. Cependant, d’autres recherches doivent être menées pour confirmer l’efficacité de ces anticorps, mais aussi pour évaluer les risques. En effet, il est notamment possible que le lait (non purifié) des mères ayant été malades contiennent aussi un reste de particules virales actives, qui pourraient provoquer ou aggraver l’infection de l’enfant.

Parallèlement, les spécialistes pensent que les anticorps du lait pourraient être purifiés, puis utilisés pour traiter les adultes malades de la COVID-19 ; il est toutefois trop tôt pour l’affirmer et d’autres tests sont nécessaires pour voir si cela est possible. En revanche, selon les chercheurs, il est peu probable que ces anticorps soient utilisés pour le développement d’un vaccin.

À noter que les anticorps sanguins de personnes rétablies de la COVID-19 sont d’ores et déjà utilisés dans le cadre de certains traitements. Les scientifiques vont à présent comparer l’efficacité de ces deux types d’anticorps, à savoir ceux issus du système sanguin et ceux du lait maternel. Ces deux types sont sensiblement différents : les niveaux de sIgA sont beaucoup plus élevés dans le lait maternel que dans le plasma sanguin, ce qui n’est pas anodin. Cette immunoglobuline est particulièrement efficace contre les agents pathogènes qui se multiplient dans les sécrétions corporelles, au niveau des muqueuses. Par conséquent, les anticorps du lait maternel pourraient être bien plus puissants que les anticorps plasmatiques. En outre, pour un même volume, la quantité d’anticorps présents dans le lait est bien plus importante que celle du sang. De ce fait, il serait possible de traiter plus de personnes avec moins de dons.

À présent, les scientifiques envisagent de pratiquer leurs analyses sur un échantillon bien plus grand, afin de confirmer que les anticorps sIgA sont bien présents chez la plupart des femmes. La virologue Rebecca Powell prévoit par ailleurs d’effectuer d’autres recherches pour comprendre la manière dont les anticorps du lait luttent contre le virus. De son côté, l’équipe de l’UC Merced va mener une étude épidémiologique pour déterminer comment des facteurs tels que la démographie, le stress et la dépression influent sur la nature et la quantité d’anticorps du lait maternel.

Source : University of California

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