Les scientifiques pensent avoir identifié le « lieu de naissance » de l’Homme moderne, il y a 200’000 ans

homme botswana
| Dan Rivejk/TravelCoach
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Si tous les anthropologues s’accordent à dire que les premiers humains ont émergé sur le continent africain, la localisation exacte de cette première apparition demeure très incertaine. Si les indices fossiles retrouvés placent généralement ce lieu d’émergence en Éthiopie, d’autres études apportent des suggestions contraires. C’est le cas d’une étude récente menée par une équipe internationale d’anthropologues ayant analysé l’ADN mitochondrial de plusieurs groupes de populations africaines, et dont les conclusions suggèrent que l’Homme moderne descendrait d’une femme ayant vécu dans l’actuel Botswana il y a 200’000 ans. 

Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature, des généticiens ont analysé l’ADN mitochondrial, une information génétique transmise uniquement par la mère, chez plus de 1200 personnes appartenant à une myriade de populations en Afrique. En examinant quels gènes étaient conservés dans l’ADN au fil du temps, les anthropologues ont déterminé que les humains anatomiquement modernes ont émergé dans ce qui était autrefois une zone humide luxuriante au Botswana, au sud du fleuve Zambèze.

Bien que les anthropologues s’accordent pour dire que les humains modernes (Homo sapiens) sont apparus en Afrique il y a environ 200’000 ans, ils sont toujours incertains de l’endroit exact où cela s’est produit. La nouvelle étude apporte une réponse à cette question et remet également en cause l’idée selon laquelle nos ancêtres ont émergé en Afrique de l’Est, comme le suggèrent des preuves fossiles limitées.

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L’ADN mitochondrial : une information génétique stable

L’anthropologue Vanessa Hayes, explique que ces résultats suggèrent que tout humain aujourd’hui peut retracer son ADN mitochondrial jusqu’à cet endroit. Pour retracer l’origine géographique de nos ancêtres, Hayes et ses collègues ont examiné l’ADN mitochondrial (ADNm) de personnes vivant en Afrique australe, telles que les Khoisan. L’ADNmt, qui est transmis par la lignée maternelle, est souvent utilisé pour retracer l’ascendance humaine car il n’est pas mélangé à l’ADN paternel.

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Carte montrant les lieux où les échantillons d’ADN mitochondrial ont été prélevés. Crédits : Eva K. F. Chan et al. 2019

Cela signifie qu’il change moins avec le temps et permet un lien plus clair avec les parents éloignés. En ce qui concerne l’ADNm, les humains modernes partagent tous un groupe de gènes appelé le macro-haplogroupe L. Cette branche est divisée en deux sous-groupes : L1-6 et L0. Ce dernier peut être trouvé dans les peuples de l’Afrique australe, et c’est ce que l’équipe de Hayes a analysé. Eva Chan, co-auteure de l’étude, explique qu’il s’agit « de loin de la plus grande étude du sous-groupe L0 à ce jour ».

Botswana moderne : il serait le véritable berceau de l’humanité

En analysant ces données génétiques, les chercheurs ont pu déterminer que chaque personne aujourd’hui descendait d’une femme qui vivait dans le Botswana actuel il y a environ 200’000 ans. La région d’origine de cette ancêtre, appelée zone paléo-humide de Makgadikgadi–Okavango, se trouvait à proximité du delta moderne de l’Okavango et était parsemée de lacs et de plaines.

L’analyse, qui comprenait également des reconstitutions du climat de la région à l’époque, a révélé que Homo sapiens a vécu dans cette région pendant environ 70’000 ans. Puis, lorsque le climat a changé, nos ancêtres se sont dispersés en deux vagues : premièrement, un groupe s’est étendu au nord-est il y a 130’000 ans, puis d’autres sont partis dans une seconde migration au sud-ouest il y a 110’000 ans. Selon Hayes, ces groupes de migrants ont probablement suivi des troupeaux d’animaux en dehors de la région.

carte botswana
Carte montrant le lieu d’apparition de l’Homme dans l’actuel Botswana, ainsi que les différentes migrations qui ont suivi. Crédits : Nature

Cette chronologie va toutefois à l’encontre de celle créée par certains anthropologues à partir de preuves fossiles. Les plus anciens spécimens humains anatomiquement modernes — crânes et autres fossiles datant de 195’000 ans — ont été découverts en Éthiopie, ce qui a amené de nombreux anthropologues à penser que l’Afrique de l’Est (plutôt que l’Afrique australe, comme le suggère la nouvelle étude), était le lieu de naissance de nos ancêtres.

La nouvelle analyse génétique conforte également l’idée que tous les êtres humains modernes ont évolué au même endroit en Afrique avant de migrer vers l’Europe, l’Asie et l’Australie d’aujourd’hui — ce qu’on appelle l’hypothèse « Out of Africa » — plutôt que d’évoluer séparément de multiples façons et à divers endroits à travers le monde en même temps.

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Des résultats contestés

Mais l’anthropologue Ryan Raaum, qui étudie la génétique des populations africaines au Lehman College, pense que la nouvelle étude présente un défaut important. Selon Raaum, les chercheurs ne sont pas suffisamment remontés sur la chronologie génétique. Bien que la recherche de Hayes ait identifié l’origine de l’haplogroupe de L0, explique-t-il, l’ADN mitochondrial de la plupart des habitants du monde peut être retrouvé dans le sous-groupe L1-6 de la branche L, pas dans L0.

Donc, pour trouver une origine unique pour notre espèce, les chercheurs doivent trouver un prédécesseur génétique qui a vécu avant la division génétique entre L0 et L1-6. Raaum ajoute qu’il n’apprécie pas vraiment l’expression « patrie ancestrale » en général, car les humains modernes avaient probablement plusieurs patries dispersées sur le continent africain.

La nécessité d’un examen génétique plus complet

L’équipe de Hayes a constaté un autre problème, à savoir qu’une analyse d’ADNmt n’examine que l’ADN maternel. Deux parties de la cellule contiennent de l’ADN : le noyau, où réside la majeure partie de notre matériel génétique, et les mitochondries.

L’ADN nucléaire (ADNn) est hérité des deux parents et est transmis via le chromosome Y. L’ADN mitochondrial, d’autre part, n’est transmis que par la mère. Les ADNn sont rares dans les archives fossiles, c’est pourquoi des études comme celle de Hayes ne l’examinent souvent pas.

Mais cela signifie que de telles recherches ne peuvent pas examiner le génome entier des populations ancestrales. En 2014, des anthropologues ont identifié la plus ancienne lignée humaine-moderne connue à partir des données du chromosome Y. Cette population avait au plus 160’000 ans et se trouvait en Afrique centrale occidentale. Ainsi, chaque personne vivante aujourd’hui descend probablement d’un homme qui vivait dans une partie du continent différente de celle suggérée par Hayes et ses collègues.

Hayes a noté qu’une analyse complète du génome pourrait donner des résultats différents : « Il pourrait y avoir d’autres origines et d’autres lignages — c’est une possibilité ». Mais que le Botswana soit ou non le berceau de la vie de tous ceux qui vivent aujourd’hui, les nouvelles recherches suggèrent certainement que cette partie de l’Afrique était une oasis pour nos ancêtres — un ajout important à notre compréhension de l’évolution humaine.

Sources : Nature

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