Un médicament antidépresseur permettrait de traiter « l’œil paresseux » chez l’adulte

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| The Huffington Post/ Trust My Science
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L’amblyopie est un défaut du développement de la communication entre l’œil et le cerveau, résultant souvent en une perte d’acuité visuelle importante de l’oeil touché. Elle apparaît souvent lorsqu’un défaut d’alignement des deux yeux existe durant les premiers stades de développement d’un enfant. Si aucune mesure corrective efficace n’est entreprise (par exemple en appliquant un cache sur l’oeil sain pour faire travailler l’oeil dit « paresseux »), la perte d’acuité sera définitive une fois le système visuel arrivé à maturité. Dans le cadre d’une nouvelle étude, des chercheurs ont trouvé le moyen de rétablir la plasticité cérébrale afin de réapprendre au cerveau à utiliser les deux yeux.

La perte d’acuité résultant de l’amblyopie est donc définitive à l’âge adulte, et se fait parfois remarquer esthétiquement par un strabisme. Dans la majorité des cas adultes, l’acuité visuelle centrale de l’oeil touché est très basse (souvent entre 10 et 30%), ce qui empêche une vision binoculaire et donc la perception de la profondeur (appelée aussi « vision 3D »). En somme, l’amblyopie est un trouble qui peut être très handicapant selon l’activité. Il concerne entre 1 et 3% des adultes dans le monde.

Jusqu’ici, il n’existe aucun traitement efficace de l’amblyopie chez l’adulte. Le seul traitement possible ayant fait ses preuves est destiné aux enfants, surtout en bas âge, lorsque la plasticité cérébrale est encore suffisante pour « forcer l’oeil paresseux à apprendre », en plaçant généralement un cache sur l’oeil « fort » (comme le montre l’image de titre).

Rétablir la plasticité cérébrale pour guérir l’oeil paresseux

Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Current Biology, des chercheurs de l’Irvine School of Medicine de l’Université de Californie révèlent que la kétamine subanesthésique, utilisée pour la gestion de la douleur et comme antidépresseur, est efficace dans le traitement de l’amblyopie chez l’adulte.

« Notre étude démontre comment une dose unique de kétamine sous-anesthésique réactive la plasticité corticale visuelle adulte et favorise la récupération fonctionnelle des défauts d’acuité visuelle résultant de l’amblyopie », explique Xiangmin Xu, professeur d’anatomie et de neurobiologie et directeur du Centre de cartographie des circuits neuronaux de l’École de médecine de l’UCI.

La kétamine subanesthésique, couramment utilisée pour traiter la dépression et la douleur, évoque des effets antidépresseurs rapides et durables chez les patients humains. Avant cette étude, il existait déjà des preuves que la kétamine peut contrôler la façon dont le système nerveux effectue des changements structurels en réponse aux demandes internes et externes, un processus appelé plasticité neurale, ou simplement plasticité cérébrale. Mais jusqu’à présent, la façon dont le médicament fonctionne restait incomprise.

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La kétamine réactive la plasticité de la dominance oculaire chez l’adulte et restaure l’acuité visuelle chez les sujets amblyopes adultes, comme le montrent ces cartes de réponse corticale. L’image du haut montre les résultats des sujets témoins traités par une solution saline. Celle du bas révèle les résultats chez les sujets traités à la kétamine. Crédits : Irvine School of Medicine

« Notre équipe de recherche a montré que la kétamine régule à la baisse l’expression de NRG1 (un gène de la famille des facteurs de croissance) dans les cellules inhibitrices de la PV, ce qui entraîne une désinhibition corticale soutenue pour améliorer la plasticité corticale dans le cortex visuel adulte », déclare Steven F. Grieco, chercheur postdoctoral au laboratoire de Xu et auteur principal de l’étude. « Grâce à ce mécanisme basé sur la plasticité neuronale, la récupération fonctionnelle de l’amblyopie adulte peut être médiée par la kétamine », explique Xin Qiao, membre du personnel postdoctoral du laboratoire de Xu et co-auteur principal de l’étude.

L’amblyopie est donc un trouble de la vision qui ne concerne pas l’oeil en soi, mais le cerveau, qui ne parvient pas à traiter correctement les informations provenant de l’oeil. Face à cela, le cerveau privilégie l’oeil sain et « condamne » ainsi l’autre côté. Les actions rapides et soutenues de la kétamine semblent prometteuses pour les applications thérapeutiques qui reposent sur la réactivation de la plasticité corticale adulte. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les implications directes de cette découverte.

Source : Current Biology

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