Diabète : un traitement révolutionnaire par pilule qui inverse ses effets et maintient les niveaux d’insuline

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Des scientifiques de l’Université de Yale ont mis au point un nouveau médicament particulièrement prometteur pour lutter contre le diabète de type 1 : non seulement il contribue à réguler la glycémie, mais il est capable de restaurer la fonction pancréatique et de rétablir une fonction immunitaire « normale » dans l’environnement pancréatique. Testé avec succès sur des souris, ce médicament pourrait révolutionner le traitement du diabète, et son « mode d’action » apparaît comme une nouvelle approche prometteuse pour le traitement d’autres maladies auto-immunes.

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune, due à un dysfonctionnement des lymphocytes T : ces derniers identifient les cellules bêta du pancréas — qui synthétisent et sécrètent l’insuline — comme des cellules étrangères à l’organisme et par conséquent, les éliminent. La maladie se caractérise ainsi par une production insuffisante, voire nulle, d’insuline, ce qui entraîne une élévation prolongée de la concentration de glucose dans le sang (ce que l’on appelle une hyperglycémie) — en temps normal, l’insuline permet la conversion du glucose en énergie.

Le diabète de type 1 représente environ 10% des cas de diabètes en France et dans le monde. Le traitement repose sur un apport d’insuline exogène, sous forme d’injections sous-cutanées, plusieurs fois par jour. Le médicament mis au point par les chercheurs de Yale est non seulement plus pratique (puisqu’il peut être pris par voie orale), mais il est également capable d’inverser les effets inflammatoires de la maladie. « Il s’agit d’une approche à deux volets. Cela facilite le métabolisme normal et corrige les défauts immunitaires à long terme », explique Tarek Fahmy, professeur agrégé de génie biomédical et d’immunobiologie, qui a dirigé la recherche.

Une nouvelle approche pour l’administration orale d’insuline

Pour les malades du diabète, avaler une pilule d’insuline serait une routine beaucoup plus pratique et moins invasive que les injections quotidiennes. Le problème est que sous cette forme, l’insuline est nécessairement détruite dans le système gastro-intestinal avant même d’atteindre la circulation sanguine, où elle est censée réguler le taux de glucose. Ainsi, de nombreux scientifiques tentent de développer une méthode qui permettrait à l’insuline de résister au suc gastrique acide de l’estomac — l’objectif étant d’améliorer son absorption intestinale et d’augmenter sa biodisponibilité sanguine.

Une équipe du MIT a par exemple conçu une capsule dotée d’une micro-aiguille, qui injecte l’insuline dans la circulation sanguine à travers la muqueuse de l’estomac. Des chercheurs de l’Université Niagara, aux États-Unis, ont quant à eux développé une nouvelle méthode d’encapsulation, reposant sur des particules brevetées connues sous le nom de Cholestosomes ; ces molécules lipidiques, qui ne sont pas vulnérables aux acides de l’estomac, sont utilisées pour fabriquer des vésicules contenant l’insuline. D’autres scientifiques, de l’Université de New York, à Abu Dhabi, ont développé des nanoparticules « intelligentes » : une fois dans le sang, ces nanoparticules chargées d’insuline surveillent automatiquement le taux d’insuline du patient et ne libèrent l’hormone que lorsque cela est nécessaire.

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La forme polymérisée de l’acide ursodésoxycholique augmente sa capacité à se lier aux récepteurs des cellules du pancréas, contribuant à rétablir le métabolisme normal à court terme et à restaurer la fonction immunitaire à plus long terme. © J. Seok Lee et al.

L’équipe du professeur Fahmy a elle aussi développé un nouveau « moyen de transport » médicamenteux à base de nanoparticules, qui protègent l’insuline tout en la transportant jusqu’au pancréas où elle peut décharger son précieux contenu. Ces nanoparticules sont composées d’acide ursodésoxycholique, un acide biliaire naturellement produit dans le corps, que les chercheurs ont polymérisé. Dans sa forme plus naturelle, en tant que monomère, il a déjà été utilisé pour fabriquer des médicaments visant à dissoudre les calculs biliaires et hépatiques. Cependant, sous cette forme, il ne s’est pas montré très efficace comme traitement du diabète.

Une pilule pour deux effets

En polymérisant cet acide, l’équipe de Fahmy est parvenue à augmenter sa capacité à se lier aux récepteurs des cellules du pancréas, améliorant les fonctions métaboliques et, surtout, réduisant les cellules immunitaires indésirables qui détruisent les cellules bêta. Autrement dit, le « véhicule » de l’insuline a lui-même des effets thérapeutiques, qui contribuent à rétablir le métabolisme normal à court terme et à restaurer la fonction immunitaire à plus long terme. « On guérit la maladie tout en maintenant les niveaux d’insuline. […] Cette approche combinée est ce qui fait de ce système une nouvelle thérapie prometteuse pour les maladies auto-immunes en général », souligne le spécialiste.

Ces nanoparticules constituées d’acide ursodésoxycholique polymérisé ont restauré les niveaux de glucose sanguin chez les souris et les porcs atteints de diabète de type 1. Elles ont permis d’améliorer les niveaux d’insuline des animaux, de réduire l’inflammation et de restaurer la fonction métabolique. L’équipe a également découvert que l’insuline délivrée par ces capsules prises par voie orale agissait environ sept fois plus rapidement que celle délivrée par injection sous-cutanée standard. Par ailleurs, l’encapsulation de rapamycine (un immunosuppresseur) par la même méthode, a permis de retarder l’apparition du diabète chez des souris présentant une inflammation pancréatique induite chimiquement, notent les chercheurs.

Les résultats sont assez prometteurs, mais des travaux supplémentaires seront nécessaires pour déterminer s’ils sont reproductibles chez l’Homme. Ce mode d’administration de médicament présente non seulement un énorme potentiel pour le diabète, mais aussi pour d’autres maladies. « J’ai bon espoir que cette technique sera mise à profit pour élaborer des solutions urgentes à des défis actuellement difficiles à relever en matière d’auto-immunité, de cancer, d’allergies et d’infections », conclut le chercheur.

Source : Nature Biomedical Engineering, J. Seok Lee et al.

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