Un nouveau dispositif permet de capturer le CO2 de l’air, le stocker et le restituer à la demande

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| Sahag Voskian/T. Alan Hatton
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Avec l’essor des activités industrielles humaines, le taux de dioxyde de carbone atmosphérique a considérablement augmenté. Au cours des dernières années, différentes méthodes pour capter le CO2 dans l’air et le transformer en produits utiles ont été mises au point, avec plus ou moins d’efficacité. Récemment, une équipe de chercheurs du MIT a développé un dispositif permettant de capter le CO2 dans l’air à n’importe quelle concentration, de le stocker, et de le redistribuer pour des utilisations pratiques comme l’injection de CO2 pour l’agriculture ou la gazéification des boissons. 

Un nouveau moyen d’éliminer le dioxyde de carbone de l’air pourrait constituer un outil important dans la lutte contre le changement climatique. Le système peut fonctionner à pratiquement n’importe quel niveau de concentration, même aux quelque 400 parties par million actuellement présentes dans l’atmosphère.

La plupart des méthodes d’élimination du dioxyde de carbone d’un flux de gaz nécessitent des concentrations plus élevées, telles que celles présentes dans les émissions de gaz de combustion provenant de centrales à combustibles fossiles. Quelques variantes ont été développées, pouvant fonctionner avec les faibles concentrations trouvées dans l’air, mais la nouvelle méthode consomme beaucoup moins d’énergie et coûte moins cher.

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Une « batterie » permettant de capturer et libérer du CO2 à la demande

La technique, basée sur le passage de l’air à travers une pile de plaques électrochimiques chargées, est décrite dans la revue Energy and Environmental Science. L’appareil est essentiellement une grosse batterie spécialisée qui absorbe le dioxyde de carbone de l’air (ou d’un autre flux de gaz) passant sur ses électrodes lors de son chargement, puis libère le gaz lors de sa décharge.

En fonctionnement, le dispositif alternerait simplement entre le chargement et le déchargement, de l’air frais ou du gaz d’alimentation étant soufflé dans le système pendant le cycle de chargement, puis le dioxyde de carbone pur et concentré étant expulsé pendant le déchargement.

Lorsque la batterie se charge, une réaction électrochimique a lieu à la surface de chaque pile d’électrodes. Celles-ci sont recouvertes d’un composé appelé polyanthraquinone, composé de nanotubes de carbone.

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Dans ce schéma du nouveau système, l’air entrant en haut à droite passe dans l’une des deux chambres (les structures rectangulaires grises) contenant des électrodes de batterie qui attirent le dioxyde de carbone. Ensuite, le flux d’air passe dans l’autre chambre, tandis que le dioxyde de carbone accumulé dans la première chambre est envoyé dans un réservoir de stockage séparé (à droite). Ces flux alternatifs permettent un fonctionnement continu du processus en deux étapes. Crédits : Sahag Voskian/T. Alan Hatton

Les électrodes ont une affinité naturelle pour le dioxyde de carbone et réagissent facilement avec ses molécules dans le flux d’air ou le gaz d’alimentation, même lorsqu’il est présent à de très faibles concentrations. La réaction inverse se produit lorsque la batterie est déchargée — à ce moment-là, l’appareil peut fournir une partie de la puissance nécessaire à l’ensemble du système — et éjecte ainsi un flux de dioxyde de carbone pur. L’ensemble du système fonctionne à température ambiante et à pression atmosphérique normale.

Des électrodes optimisées pour capturer le CO2 à n’importe quelle concentration

« Le plus grand avantage de cette technologie par rapport à la plupart des autres technologies de captage ou d’absorption de carbone est la nature binaire de l’affinité de l’adsorbant avec le dioxyde de carbone » explique Voskian. En d’autres termes, le matériau de l’électrode, de par sa nature, « a une affinité élevée ou aucune affinité », en fonction de l’état de charge ou de décharge de la batterie. D’autres réactions utilisées pour la capture du carbone nécessitent des étapes intermédiaires de traitement chimique ou l’apport d’une énergie conséquente telle que la chaleur ou des différences de pression.

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Schéma d’une cellule électrochimique à adsorption électro-swing unique, avec électrodes poreuses et séparateurs d’électrolytes. Les électrodes extérieures, recouvertes d’un composite de poly-1,4-anthraquinone, peuvent capter le CO2 lors de l’application d’un potentiel réducteur via la carboxylation de la quinone et libérer le CO2 lors de l’inversion de la polarité. Crédits : Sahag Voskian/T. Alan Hatton

« Cette affinité binaire permet de capturer le dioxyde de carbone de toute concentration, y compris 400 parties par million, et de le libérer dans tout flux porteur, y compris 100% de CO2 » déclare Voskian. C’est-à-dire que, avec tout gaz traversant la pile de ces cellules électrochimiques plates, le dioxyde de carbone capturé sera également éjecté lors de la décharge. Par exemple, si le produit final souhaité est du dioxyde de carbone pur à utiliser dans la carbonatation de boissons, un courant de gaz pur peut être soufflé à travers les plaques. Le gaz capturé est ensuite libéré des plaques et rejoint le flux.

Un remplaçant aux énergies fossiles actuellement utilisées pour générer du CO2

Dans certaines usines d’embouteillage de boissons non alcoolisées, les combustibles fossiles sont brûlés pour générer le dioxyde de carbone nécessaire à la fabrication des boissons. De même, certains agriculteurs brûlent du gaz naturel pour produire du dioxyde de carbone afin de cultiver leurs plantes dans des serres. Le nouveau système pourrait éliminer ce besoin de combustibles fossiles dans ces applications et, en même temps, éliminer les gaz à effet de serre de l’air.

Alternativement, le flux de dioxyde de carbone pur pourrait être comprimé et injecté sous terre pour une élimination à long terme, ou même transformé en carburant par le biais d’une série de processus chimiques et électrochimiques. « Tout cela se fait dans les conditions ambiantes — aucun apport thermique, chimique ou mise sous pression n’est nécessaire. Ce sont juste ces feuilles très minces, avec les deux surfaces actives, qui peuvent être empilées dans une boîte et connectées à une source d’électricité ».

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Le nouveau dispositif peut être utilisé dans de nombreux domaines nécessitant la génération et l’injection de dioxyde de carbone, en remplacement des énergies fossiles. Crédits : Sahag Voskian/T. Alan Hatton

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« Nous nous sommes efforcés de développer de nouvelles technologies pour résoudre un éventail de problèmes environnementaux, évitant le recours à des sources d’énergie thermiques, des modifications de la pression du système ou l’ajout de produits chimiques pour compléter les cycles de séparation et de libération. Cette technologie de capture du dioxyde de carbone est une démonstration claire de la puissance des approches électrochimiques qui ne nécessitent que de faibles variations de tension pour entraîner les séparations » déclare Hatton.

Dans une installation de travail, par exemple dans une centrale électrique produisant des gaz d’échappement en continu, deux ensembles de piles de ce type de cellules électrochimiques pourraient être montés côte à côte pour fonctionner en parallèle, les gaz de combustion étant dirigés d’abord vers un premier ensemble pour la capture du carbone, puis dévié vers le deuxième ensemble pendant que le premier ensemble entre dans son cycle de décharge.

Une méthode efficace, peu coûteuse, avec une faible consommation d’énergie

En alternant, le système peut toujours capturer et évacuer le gaz. En laboratoire, l’équipe a prouvé que le système pouvait supporter au moins 7000 cycles de charge-décharge, avec une perte d’efficacité de 30% au cours de cette période. Les chercheurs estiment qu’ils peuvent facilement améliorer ce chiffre entre 20’000 et 50’000 cycles.

Les électrodes elles-mêmes peuvent être fabriquées avec des méthodes de traitement chimiques standard. Bien que cela se fasse aujourd’hui dans un laboratoire, elles peuvent être adaptées pour qu’elles puissent finalement être fabriquées en grande quantité grâce à un procédé de fabrication rouleau à rouleau, similaire à une presse à imprimer le journal. « Nous avons mis au point des techniques très rentables » explique Voskian, estimant qu’elles pourraient être produites pour des dizaines de dollars par mètre carré d’électrode.

Comparé à d’autres technologies de captage du carbone existantes, ce système consomme peu, car il ne nécessite qu’environ un gigajoule d’énergie par tonne de dioxyde de carbone capturé. D’autres méthodes existantes ont une consommation d’énergie qui varie entre 1 et 10 gigajoules par tonne, en fonction de la concentration de dioxyde de carbone en entrée.

Sources : Energy & Environmental Science

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