Le mythe de la chasse réservée aux hommes est entièrement faux, selon une étude

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Le mythe selon lequel les hommes chassent et les femmes s’occupent du ménage et font la cueillette serait faux, selon une nouvelle étude. Une enquête effectuée sur des communautés actuelles de chasseurs-cueilleurs à travers le monde révèle que dans 79% des cas, les femmes chassent et excellent dans la capture de gros gibier. Et cette même tradition remonterait à la préhistoire, selon les chercheurs.

Un stéréotype de longue date suggère que les femmes et les hommes ont des rôles de subsistance différents au sein d’un foyer ou d’une communauté. On a longtemps pensé que chez les chasseurs-cueilleurs par exemple, les hommes partaient chasser tandis que les femmes s’occupaient du ménage et cueillaient des plantes comestibles.

Il est notamment communément admis que les hommes sont plus adaptés à la chasse parce qu’ils sont plus résistants, plus forts, plus agressifs et moins émotifs. De leur côté, les femmes montrent davantage de comportements nourriciers et ne sont pas considérées comme étant adaptées à la chasse.

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Des données archéologiques mal interprétées

Les scientifiques ont découvert que l’aspect culturel peut influer sur le modèle de la chasse réservée aux hommes et que les rôles pourraient être inversés dans de nombreux cas. Cependant, les données corroborant cette flexibilité n’ont été collectées que récemment.

L’un des indices les plus évidents concerne une sépulture vieille de 9000 ans excavée dans les régions montagneuses du Pérou. La tombe abritait une femme inhumée à côté d’une trousse à outils de chasse et de traitement de la viande. Ces outils ayant été également retrouvés dans des sépultures d’hommes reconnus en tant que chasseurs, les archéologues en ont conclu qu’il s’agissait d’une chasseuse.

Une autre découverte similaire a également été effectuée dans 11 tombes d’Amérique datant du Pléistocène et de l’Holocène inférieur. Elles abritaient des femmes à côté desquelles des outils de chasse dédiés au gros gibier ont été retrouvés. L’analyse des probabilités a montré que les femmes constituaient une part importante des chasseurs de gros gibier sur le continent.

Toutefois, compte tenu de la croyance profondément ancrée, les scientifiques ont hésité à conclure que ces femmes étaient bien des chasseuses. « Il existe un paradigme selon lequel les hommes sont les chasseurs et les femmes ne sont pas les chasseurs, et ce paradigme dénature la façon dont les gens interprètent les données », explique la coauteure principale de l’étude, anthropologue à l’Université de Washington à Seattle, Cara Wall-Scheffler.

En effet, il arrive souvent en archéologie que les données soient mal interprétées, les armes de chasse de gros gibier ou de guerre étant systématiquement associées aux hommes. En 2017 par exemple, une célèbre sépulture préhistorique abritait un individu aux côtés d’armes et d’équipements de guerriers vikings de haut rang. Identifiée au départ comme étant un homme, les analyses génomiques ont révélé qu’il s’agissait en fait d’une guerrière.

Une tradition qui perdure

En vue des preuves archéologiques, les scientifiques ont supposé que le rôle des femmes en tant que chasseuses était cantonné au passé et que le paradigme de la chasse réservée aux hommes s’appliquait aux communautés actuelles de chasseurs-cueilleurs. Afin de savoir si la tradition a perduré jusqu’à aujourd’hui, les chercheurs de Washington ont analysé des données s’étalant sur les 150 dernières années, sur 1400 sociétés de chasseurs-cueilleurs (d’Amérique du Nord et du Sud, d’Afrique, d’Australie, d’Asie et d’Océanie).

repartition geographique
Répartition géographique des communautés incluses dans l’étude. © PLOS ONE

Afin d’établir des échantillons cohérents, 391 communautés ont été triées pour les enquêtes. Après vérification de la fiabilité des données, 63 communautés ont été choisies pour les rapports explicites sur la chasse. In fine, 50 individus ont indiqué que leurs femmes chassaient. « Des preuves du monde entier montrent que les femmes participent à la chasse de subsistance dans la majorité des cultures », indiquent les chercheurs dans un communiqué.

Pour 41 de ces communautés, des rapports indiquent si la chasse par les femmes était intentionnelle ou opportuniste — c’est-à-dire dans le cas où elles tombent par hasard sur des animaux en faisant la cueillette. Les chercheurs ont été surpris de constater que dans 87% des cas, c’était intentionnel. Des données sur la taille des animaux chassés ont également été rapportées pour 45 de ces communautés. Dans 46%, 15% et 33% des cas, il s’agissait respectivement de petits (lézards et rongeurs), de moyens et gros gibier (allant jusqu’à 30 kilogrammes). Dans 4% des cas, elles chassaient toutes sortes de gibier.

Plus frappant encore : les analyses décrites dans la revue PLOS ONE ont montré que les femmes excellent dans leurs stratégies et se montrent plus flexibles que les hommes dans leur mode de chasse. Elles utilisent notamment une plus large gamme d’outils et d’astuces et chassent en équipe avec leurs compagnons, leurs amies, leurs enfants ou leurs chiens. Si la majorité d’entre elles ont une prédilection pour les arcs et les flèches, elles peuvent aussi utiliser des couteaux, des machettes, des filets, des lances, des arbalètes, etc.

D’après les anthropologues, cette flexibilité serait une forme d’adaptation à leur condition, notamment si elles sont enceintes ou allaitantes. Autrement dit, ces femmes peuvent partir à la chasse au gros gibier en portant leurs bébés sur le dos ! Par ailleurs, il y existe des tabous dans certaines sociétés selon lesquels les femmes ne peuvent pas fabriquer ou utiliser certaines armes. Cette restriction les oblige ainsi à trouver d’autres alternatives. De surcroît, elles sont également activement impliquées dans l’enseignement des techniques de chasse aux enfants.

Étant donné la longue tradition de chasse féminine dans de nombreuses sociétés dans le monde, il est étrange que le stéréotype de la chasse réservée aux hommes persiste. Néanmoins, cette méta-analyse souligne le besoin de réévaluation de nombreuses données archéologiques, certains scientifiques étant encore réticents à interpréter les sépultures avec des armes comme appartenant à des femmes. « Nos découvertes, associées aux découvertes archéologiques connexes, montrent de manière convaincante que la division du travail de subsistance est beaucoup plus variable qu’on ne le pensait auparavant », conclut l’un des archéologues ayant découvert les 11 sépultures de chasseuses en Amérique, Randy Haas, de la Wayne State University (Michigan).

Source : PLOS ONE

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