Une nouvelle méthode ultra précise pour prédire les risques d’autisme

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De récentes études suggèrent que dans 20% des cas, le trouble du spectre autistique diagnostiqué chez un enfant trouve son origine dans le système immunitaire de la mère. Les caractéristiques comportementales propres à ce trouble peuvent en effet résulter d’une attaque immunitaire envers le cerveau en développement du fœtus. Sur cette base, des chercheurs ont mis au point un test qui permet de prédire le risque qu’un enfant naisse avec un trouble du spectre autistique, avec une confiance sans précédent.

L’incidence des troubles du spectre autistique (TSA) a augmenté, mais les biomarqueurs de risque de TSA font toujours défaut. C’est pourquoi des chercheurs américains ont développé un test sérologique capable de révéler la présence des anticorps responsables de cette attaque immunitaire indésirable. Plus précisément, il s’agit d’identifier les anticorps réagissant contre huit protéines fortement exprimées dans le développement du cerveau (CRMP1, CRMP2, GDA, NSE, LDHA, LDHB, STIP1 et YBOX).

Pour ce faire, l’équipe a analysé le plasma de 450 mères d’enfants atteints d’un TSA et de 342 mères d’enfants évalués comme neurotypiques. Les données ainsi obtenues ont permis de mettre au point un test immuno-enzymatique (appelé test ELISA), pour chacun des huit antigènes protéiques. Relativement courant en biochimie, ce test consiste à détecter la présence d’un ligand (généralement une protéine) dans un échantillon en utilisant les anticorps dirigés contre elle (les antigènes étant intégrés à la paroi du récipient utilisé).

Trois associations protéiques corrélées à un risque accru de TSA

Pendant longtemps, les scientifiques ont cru que le cerveau du fœtus était hors de portée des anticorps et des globules blancs. Mais on sait aujourd’hui que le cerveau en développement peut lui aussi être affecté par les anticorps maternels pendant la gestation. Huit protéines ont été précédemment identifiées comme étant les cibles principales dans une réponse immunitaire du corps de la mère sur le système nerveux en développement de son fœtus.

Une étude publiée en 2019, menée par les immunologistes Davis Karen L. Jones et Judy Van de Water, de l’Université de Californie, a démontré une voie probable par laquelle les auto-anticorps produits par la mère pourraient réagir avec des protéines clés des neurones fœtaux pour donner lieu à un TSA. Cette fois-ci Van de Water et ses collègues ont exploité l’apprentissage automatique pour classer l’impact des différentes combinaisons d’auto-anticorps liés à des marqueurs du développement, tels que la protéine médiatrice de la réponse de la collapsine (ou CRMP) et la guanine désaminase (ou GDA). L’objectif étant de déterminer la relation entre ces schémas de réactivité et la gravité des résultats de TSA.

Le test ELISA qu’ils ont développé permet d’identifier la présence de combinaisons d’anticorps avec une précision de 100%. Les trois principaux modèles associés à un TSA lié aux auto-anticorps maternels (désigné par l’acronyme TSA MAR, pour maternal autoantibody related) sont CRMP1 + GDA, CRMP1 + CRMP2 et NSE + STIP1. L’équipe a également constaté que la réactivité des auto-anticorps maternels à la CRMP1 augmente considérablement les risques qu’un enfant ait un score de gravité plus élevé. Les chercheurs soulignent toutefois qu’il ne s’agit pas ici de prédire avec certitude si l’enfant à naître aura oui ou non un TSA. Leur outil permet uniquement de dresser un tableau clair des risques encourus, comme l’explique Van der Water : « Par exemple, si la mère a des auto-anticorps contre CRIMP1 et GDA (le modèle le plus courant), ses risques d’avoir un enfant autiste sont 31 fois plus élevés que pour la population générale ».

Différentes formes d’autisme et différentes causes

Les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies estiment qu’un enfant sur 59 est atteint d’autisme aux États-Unis, et le chiffre est en constante augmentation ; selon l’Inserm, en France, 700’000 personnes sont concernées. L’autisme est donc aujourd’hui un problème de santé majeur et constitue un fardeau socio-économique important pour les familles concernées.

L’autisme est un terme générique qui englobe un large éventail de fonctions et de comportements résultant de variations de la connectivité cérébrale. C’est pourquoi on parle de troubles du spectre de l’autisme, dont les manifestations sont très variées ; l’individu atteint d’un TSA présente des intérêts restreints, plus ou moins de difficultés à communiquer et à interagir avec son entourage. Un tiers des personnes concernées par un TSA présente une déficience intellectuelle, de gravité très variable. Les premiers signes évocateurs de l’autisme se manifestent le plus souvent entre 18 et 36 mois. Il existe toute une gamme de TSA et donc, plusieurs causes possibles, qu’elles soient environnementales ou génétiques. La réponse d’auto-anticorps maternels a été identifiée comme étant un facteur majeur de développement des TSA.

Grâce au test récemment développé, il serait possible pour une femme de détecter la présence d’anticorps propices à l’apparition d’un TSA avant même de tomber enceinte. Une autre étude récente a permis de relier une série de biomarqueurs du sperme à l’apparition d’un TSA chez l’enfant. De la même façon, il serait ainsi possible de déterminer si un homme est susceptible de « transmettre » l’autisme à ses enfants. Combiner l’ensemble de ces recherches pourrait mener à un outil de diagnostic ultra précis des TSA.

Plusieurs essais cliniques seront nécessaires avant le déploiement de ce test. En complément, les chercheurs étudient la possibilité d’appliquer les connaissances des auto-anticorps maternels à la prévention des TSA, en étudiant le processus chez les animaux ; le but étant de trouver comment empêcher la réaction immunitaire : « Nous utiliserons également ces modèles animaux pour développer des stratégies thérapeutiques pour bloquer les auto-anticorps maternels du fœtus », explique Van de Water. À terme, les chercheurs espèrent pouvoir fournir aux futurs parents le moyen de connaître les risques exacts avant la conception d’un enfant et ainsi, leur offrir l’opportunité de mieux se préparer à accueillir un enfant aux besoins très spécifiques.

Source : Molecular Psychiatry, J. Van der Water et al.

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