Dans le monde, quelques rares régions ont une évolution des espèces différant complètement du reste du monde. La plupart des théories émises suggèrent que cette différence serait due à la façon dont ces régions se sont séparées du continent primitif protogondwanien, il y a environ 750 millions d’années. Aujourd’hui, ces régions recèlent encore d’énigmes selon les scientifiques, qui y découvrent encore de nombreuses espèces. Tout récemment, des ornithologues américains ont capturé de rarissimes images du faisan-pigeon à nuque noire, officiellement disparu depuis 140 ans, dans les forêts escarpées de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Éblouis par cette révélation, les experts ont comparé la découverte à celle d’une licorne.
Le Gondwana oriental (englobant l’Afrique australe, l’Antarctique oriental, l’Australie, l’Inde, Madagascar, l’Arabie, la Nouvelle-Guinée, la Chine du Nord et du Sud, l’Indochine et le bassin du Tarim) se serait séparé du supercontinent de la Rodinia il y a 750 millions d’années. En dérivant, certaines de ces régions ont été plus ou moins isolées, et ont une évolution des espèces en leur sein complètement différente de la plupart des autres régions sur Terre. Beaucoup de ces espèces possèdent notamment des taxons très anciens, qu’ils auraient conservés depuis le Gondwana, dont les lémuriens (les groupes les plus ancestraux parmi les primates actuels) de Madagascar, de véritables « reliques gondwaniennes ».
Grâce à leur isolation, ces régions sont également exceptionnellement biodiverses et possèdent un fort taux d’endémicité. D’un autre côté, leur histoire géologique commune leur confère également une évolution des espèces plus ou moins commune, et l’on peut aussi parfois y retrouver les mêmes espèces malgré les grandes distances géographiques. La Nouvelle-Guinée (et quelques îles autour) — abritant la plus grande diversité végétale au monde — partage par exemple quelques espèces avec Madagascar, qui ne sont retrouvées nulle part ailleurs dans le monde, comme les Eulophidium, un genre d’orchidée terrestre.
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Aujourd’hui, les scientifiques ne cernent pas encore complètement la fascinante et complexe biodiversité de ces régions, qui font encore l’objet de nombreuses découvertes. Dans leurs forêts primaires, on y découvre en effet des fossiles vivants pouvant dater du carbonifère, mais aussi des espèces que l’on croyait éteintes depuis au moins un siècle. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, une expédition menée par des chercheurs de l’American Bird Conservancy a révélé des images du faisan-pigeon à nuque noire, qui a été répertorié pour la dernière fois en 1882.
À peu près de la taille d’un coq, le fameux oiseau, incapable de voler, a une queue large et comprimée latéralement, le faisant ressembler étroitement à un faisan. L’expédition a notamment été initiée suite aux rapports de chasseurs locaux, rapportant avoir aperçu plusieurs fois le volatile pendant plusieurs années, alors que les archives scientifiques suggéraient le contraire.
L’espèce ne vivrait que sur la petite île escarpée de Fergusson, dans l’archipel d’Entrecasteaux, à l’Est, au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La vidéo des chercheurs américains est la première montrant l’animal depuis 140 ans. « Après un mois de recherche, voir ces premières photos du faisan-pigeon, c’était comme trouver une licorne », s’extasie John C. Mittermeier, directeur du programme Lost Birds à l’American Bird Conservancy et co-chef de l’expédition. « C’est le genre de moment dont vous rêvez toute votre vie en tant qu’écologiste et ornithologue », ajoute-t-il.
Moins de 1% de chances de revoir l’oiseau
Pour tenter de capturer des images de l’oiseau dans son milieu naturel, les chercheurs de l’expédition ont installé 12 pièges photographiques, dans quelques zones de l’île où les habitants ont rapporté l’avoir aperçu. À savoir que plusieurs membres de l’équipe ainsi qu’une autre équipe d’expédition en 2019 ont déjà préalablement tenté de voir l’animal, en vain. Ils s’étaient pour cela également appuyés sur des témoignages de résidents.
Après des semaines de persévérance et de collecte d’informations, les témoignages d’Augustin Gregory, un chasseur du village de Duda Ununa à l’ouest du mont Kilkerran, ont été décisifs pour l’expédition. Le chasseur aurait en effet vu et entendu l’oiseau à plusieurs reprises dans les environs d’une zone avec des crêtes et des vallées abruptes, pas très loin de son village. L’équipe de recherche a alors installé des caméras pendant un mois dans des taillis particulièrement denses, sur une crête escarpée à 1000 mètres d’altitude, près de la rivière Kwama.
Les chercheurs se seraient tournés vers cette piste particulière car les communautés du versant ouest du mont Kilkerran, du village Duda Ununa, surnommaient l’oiseau « auwo », indiquant plus d’interaction avec l’animal qu’ailleurs sur l’île. En plus des 12 pièges photographiques, huit caméras supplémentaires ont été installées aux endroits conseillés par Gregory le chasseur.
À leur grande surprise, les chercheurs ont vu des images de l’oiseau se pavanant juste devant la caméra, deux jours avant la fin de l’expédition. Selon les experts, il y avait moins de 1% de chances d’obtenir ces images. De plus, les forêts escarpées de la petite île rendaient les conditions de l’expédition particulièrement difficiles. Bien que les chercheurs n’en sachent encore que très peu sur l’espèce, la population de cet oiseau serait sûrement très faible et fortement en déclin, passant ainsi inaperçue pendant des années. Il se pourrait même que la petite forêt inaccessible du mont Kilkerran soit leur dernier habitat sur Terre.
La vidéo montrant de très rares images du faisan-pigeon à nuque noire. © Amarican Bird Conservancy
« En plus de donner de l’espoir pour la recherche d’autres espèces perdues, les informations détaillées recueillies par l’équipe ont fourni une base pour la conservation de cet oiseau extrêmement rare, qui doit en effet être fortement menacée, ainsi que les autres espèces uniques de l’île Fergusson », explique Roger Safford, responsable du programme de prévention des extinctions chez BirdLife International.
La découverte de cette espèce serait un argument de poids pour les actions de conservation dans la zone. De plus, selon les scientifiques de l’expédition, les communautés locales étaient très enthousiastes à l’idée de la protection de cette espèce considérée disparue il y a plus de 100 ans. Inclure les locaux pourrait également être un choix judicieux pour l’efficacité des stratégies de conservation.