Une nouvelle étude met en lumière un test réussi incluant la libération en plein champ de papillons génétiquement modifiés. Les scientifiques estiment que cette réussite pourrait ouvrir la voie à une approche efficace et durable de la lutte antiparasitaire dans les cultures.
Le papillon en question est la Teigne des crucifères (Plutella xylostella), ou teigne des choux, une espèce de lépidoptère (papillon) de la famille des Plutellidae. Cela fait des décennies que l’industrie agricole tente de trouver des moyens biologiques et respectueux de l’environnement de lutter contre la teigne des crucifères, une espèce largement résistante aux insecticides.
Dans le but de contrer cela, une souche de ces teignes a été nouvellement conçue et des essais sur le terrain (aux États-Unis), menés par l’Université Cornell, ont été menés avec succès. Ces résultats sont prometteurs pour de futures applications de protection des cultures biotechnologiques et sont également une solution potentielle quant à ce ravageur agricole mondial. En effet, ce papillon de nuit est très nocif pour les cultures comme le chou, le brocoli, le chou-fleur et le canola.
Mais à présent, cette nouvelle souche de teigne des crucifères modifiée, mise au point par Oxitec Ltd, a été spécialement conçue pour cibler et contrôler ces insectes nuisibles dans les cultures agricoles. La nouvelle étude a montré que la souche modifiée avait des comportements (vis-à-vis des cultures) similaires à ceux des teignes non modifiées.
En d’autres termes, le papillon dit auto-limitant d’Oxitec est modifié pour contrôler ses homologues nuisibles sur le terrain.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Après la libération des mâles de cette souche modifiée, ces derniers trouvent et s’accouplent avec des femelles non modifiées et nuisibles. Puis, le gène auto-limitant transmis à la progéniture empêche les chenilles femelles de survivre. Les scientifiques expliquent qu’avec ces rejets prolongés, la population de ravageurs sera supprimée de manière ciblée, en plus d’être une solution écologiquement durable. En effet, après l’arrêt des rejets, les insectes auto-limitants déclinent et disparaissent de l’environnement en quelques générations.
Le test effectué sur le terrain s’appuie sur des travaux précédemment publiés et qui avaient été menées dans des serres, par le professeur Shelton et ses collègues, qui ont ainsi démontré que des rejets prolongés de la souche auto-limitante supprimaient efficacement les populations de ravageurs et empêchaient la résistance à un insecticide, soit une situation gagnant-gagnant pour la lutte antiparasitaire. À noter que cette étude a été dirigée par le professeur Anthony Shelton, du Département d’entomologie de l’AgriTech de l’Université Cornell à New York. « Nos recherches s’appuient sur la technique de gestion des insectes stériles qui a été développée dans les années 1950 », rapporte le professeur Shelton. « L’utilisation du génie génétique est tout simplement une méthode plus efficace pour arriver au même but », a-t-il déclaré.
Des papillons mâles modifiés comme solution pour la protection des cultures
En ayant constaté les résultats sur le terrain, en laboratoire, ainsi qu’en utilisant la modélisation mathématique, les chercheurs ont recueilli des informations pertinentes quant à la souche génétiquement modifiée de teigne des crucifères, dont les homologues sauvages non modifiés causent des dégâts considérables à travers le monde entier.
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Cette étude est la première au monde à libérer des insectes agricoles auto-limitants dans un champ ouvert. « Pour mener à bien l’étude sur le terrain, nous avons utilisé la méthode de ‘marquage-libération-recapture’, qui est utilisée depuis des décennies pour étudier le déplacement des insectes dans les champs. Chaque souche a été saupoudrée d’une poudre fluorescente pour marquer chaque groupe avant sa libération, puis capturée dans des pièges à phéromones et identifiée par la couleur de la poudre et un marqueur moléculaire dans la souche modifiée », a expliqué Shelton.
Résultats à l’épreuve des papillons nuisibles
« Lorsqu’ils sont relâchés dans un champ, les insectes mâles auto-limitants se comportent de la même manière que leurs homologues non modifiés en matière de facteurs pertinents pour leur future application dans la protection des cultures, tels que la survie et la distance parcourue », rapporte Shelton. « Nos modèles mathématiques indiquent que la libération de la souche auto-limitante contrôlerait une population de ravageurs sans l’utilisation d’insecticides supplémentaires, comme cela a été démontré dans nos études en serre », a-t-il ajouté.
Selon le Dr Neil Morrison, responsable de l’agriculture d’Oxitex et co-auteur de l’étude, cette dernière démontre l’immense potentiel de cette technologie en tant qu’outil de lutte antiparasitaire efficace, qui pourrait bien aider à protéger les cultures du monde entier d’une manière écologiquement durable.