Des physiciens veulent scinder des photons pour créer une nouvelle forme de lumière

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| LaDarius Dennison/Dartmouth College
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Toutes les ondes électromagnétiques, y compris la lumière visible, reposent sur des quanta d’énergie appelés photons. Ces derniers font partie des bosons (des particules de spin entier), et plus précisément des bosons de jauge, qui sont porteurs de force (ils donnent naissance aux interactions entre les particules). Des physiciens du Dartmouth College, aux États-Unis, affirment qu’il serait possible de scinder un photon pour obtenir une nouvelle particule jamais observée jusqu’à présent, un boson de Majorana, menant à une nouvelle phase de la lumière.

En 1937, le physicien italien Ettore Majorana a établi une équation fondamentale pour décrire les particules élémentaires de spin demi-entier, appelées fermions, qui sont leur propre antiparticule — comme c’est le cas pour certains bosons, en particulier pour le photon. Cette théorie s’oppose à celle proposée par Paul Dirac en 1928, qui décrit tout fermion dont l’antiparticule est différente (par exemple l’électron, dont l’antiparticule est le positron).

Pour qu’une particule puisse être sa propre antiparticule, elle doit être électriquement neutre et posséder des moments dipolaires nuls. Majorana avait suggéré que ces particules pouvaient en théorie être obtenues en « divisant » un électron en deux par effet quantique, de manière à obtenir deux particules liées mais suffisamment éloignées l’une de l’autre.

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Une particule jamais observée dans son état élémentaire

Les physiciens théoriciens ont prédit que dans certains matériaux, le comportement collectif des électrons peut présenter les mêmes propriétés que des fermions de Majorana. Ces états quantiques collectifs seraient topologiques, ce qui signifie qu’ils se « souviennent » de la façon dont ils se sont déplacés les uns par rapport aux autres ; cette capacité suggère qu’ils pourraient servir de porteurs d’informations fiables, parfaitement adaptés à l’information quantique.

Mais à ce jour, aucun fermion de Majorana n’a jamais été observé en tant que particule élémentaire, car il est très difficile de mettre en œuvre un dispositif expérimental pouvant mener à la formation de ces fermions. En 2016, des chercheurs du Oak Ridge National Laboratory, en collaboration avec le Max Planck Institute et l’Université de Cambridge, ont néanmoins observé des fermions de Majorana sous forme de quasi-particules dans les liquides de spin quantique — des états particuliers de la matière possédant des propriétés remarquables telles que la capacité à protéger l’information quantique de la décohérence.

Des fermions de Majorana chiraux auraient également été détectés en 2017, dans un système à effet Hall quantique anormal, couplé à un supraconducteur. Puis, en 2018, des chercheurs d’un laboratoire de Microsoft aux Pays-Bas annoncent avoir identifié la particule tant recherchée grâce à des nanofils « hybrides », composés d’une couche d’un matériau semi-conducteur surmontée d’une couche supraconductrice. Mais l’équipe retire finalement son étude en mars 2021, pour cause de « rigueur scientifique insuffisante » dans l’analyse des données d’origine.

Plusieurs équipes de physiciens continuent aujourd’hui de rechercher cette particule insaisissable. Pour ce faire, Lorenza Viola et ses collègues ont misé sur une nouvelle approche, en étendant le concept des particules de Majorana — conçu à l’origine pour les fermions — aux bosons, tels que les photons. Selon eux, il était possible d’obtenir des « bosons de Majorana » en faisant en sorte qu’une petite quantité d’énergie s’échappe du système mis en œuvre.

Vers une nouvelle phase de la lumière ?

Le système en question consisterait en une chaîne de cavités à fuite d’énergie remplies de paquets quantiques de lumière ; en théorie, des moitiés de particules (les bosons de Majorana) devraient apparaître à chaque extrémité de la chaîne. « Il s’agit d’un changement de paradigme majeur dans la façon dont nous comprenons la lumière d’une manière que l’on ne croyait pas possible. Non seulement nous avons trouvé une nouvelle entité physique, mais c’en est une que personne ne croyait pouvoir exister », a déclaré dans un communiqué Lorenza Viola, professeure de physique au Dartmouth College.

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Animation artistique montrant un photon se diviser en deux pour créer une nouvelle phase de la lumière. © LaDarius Dennison

Ainsi, comme l’eau peut se transformer en glace ou en vapeur selon les conditions de températures et de pression environnantes, la lumière pourrait elle aussi exister dans une phase différente dans des conditions spécifiques, où les photons apparaissent en deux parties distinctes, expliquent les scientifiques. Ces deux parties distinctes forment un tout, mais elles peuvent être décrites et fonctionner comme des unités distinctes.

Mais ceci demeure pour le moment du domaine de la théorie et une expérience en laboratoire est désormais nécessaire pour confirmer que les photons peuvent exister sous cette forme scindée, jamais imaginée jusqu’alors. Cette recherche pourrait ouvrir la voie à de nouvelles phases exotiques de matière et de lumière, souligne l’équipe.

En outre, les bosons de Majorana résultants pourraient rendre les ordinateurs quantiques beaucoup plus rapides et plus performants que les ordinateurs conventionnels et surtout, moins sensibles aux perturbations extérieures que ne le sont les autres ordinateurs quantiques ; ils pourraient également intervenir dans la conception des capteurs optiques et des amplificateurs de lumière. « Nous avons divisé quelque chose que l’on pensait auparavant indissociable, et nous ne regarderons jamais la lumière de la même manière », conclut Viola.

Source : Physical Review Letters, V. Flynn et al.

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