C’est une première mondiale qui pourrait bien redistribuer les cartes de l’alimentation animale. Vendredi dernier, une start-up britannique a lancé la commercialisation d’un produit inédit : des bouchées de poulet cultivé en laboratoire, spécialement conçues pour les chiens. Derrière cette innovation, présentée comme plus éthique et respectueuse de l’environnement, se dessine déjà un débat sur ses conséquences pour les modèles agricoles traditionnels.
« Plus éthique », « moins énergivore », « respectueuse de l’environnement » (un argument au passage déjà remis en question par une étude de 2023) : le secteur de la viande cultivée avance des arguments qui séduisent autant qu’ils interrogent. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, ce mode de production permettrait de réduire la consommation d’eau de 78 % et l’usage des terres de 95 % par rapport à l’élevage bovin classique.
La consommation énergétique serait également moindre. De plus, si l’électricité utilisée est d’origine bas carbone, les émissions de gaz à effet de serre pourraient chuter de 92 %. À ces bénéfices s’ajoute un atout décisif : l’absence d’abattage d’animaux.
Un potentiel prometteur, certes, mais freiné par des législations encore réticentes. À ce jour, seuls les États-Unis, Israël et Singapour ont autorisé la viande cultivée pour la consommation humaine. Sur le territoire européen, le Royaume-Uni a ouvert la voie l’an dernier en autorisant la vente de produits cultivés destinés aux animaux de compagnie. C’est dans ce contexte qu’une entreprise britannique vient de mettre sur le marché, en édition limitée, un produit pour chiens à base de poulet cultivé.
Du laboratoire à la gamelle : la naissance des « Chick Bites »
Baptisé « Chick Bites », cet aliment pour chiens est le fruit d’une collaboration entre la jeune pousse britannique Meatly et la société The Pack. Depuis le 7 février, il est en vente chez Pets at Home, à Brentford, dans la banlieue de Londres, au prix d’environ 4,18 euros le paquet. Une première vitrine pour ce produit qui pourrait bien marquer une évolution dans l’alimentation des animaux domestiques.
La méthode de fabrication constitue, à elle seule, un concentré d’innovation. Tout commence par des cellules prélevées dans un œuf de poule. Placées dans un bioréacteur — un dispositif similaire à ceux utilisés pour la fermentation de la bière —, ces cellules prolifèrent dans un milieu riche en nutriments.
Une fois la matière carnée formée, elle est mélangée à des ingrédients d’origine végétale, avant d’être conditionnée. Le résultat ? « Aussi savoureux et nutritif qu’une poitrine de poulet traditionnelle », assure Meatly dans un communiqué.
Pour l’heure, les « Chick Bites » sont disponibles en quantité limitée, mais l’entreprise nourrit des ambitions bien plus vastes. D’après une étude de l’Université de Winchester, 50 % des propriétaires d’animaux interrogés se disent prêts à nourrir leur compagnon avec de la viande cultivée. De quoi renforcer Meatly dans ses projets d’expansion.
En Europe, des résistances face à la viande cultivée
Si le Royaume-Uni fait figure de pionnier, le reste de l’Europe observe cette innovation avec prudence, voire méfiance. Plusieurs États membres de l’Union européenne ont récemment exprimé leurs réserves dans une note adressée au Conseil des ministres de l’UE. La France, l’Autriche et l’Italie s’inquiètent des répercussions de cette nouvelle filière sur la production agricole traditionnelle, estimant qu’elle ne constitue pas une alternative durable à l’agriculture primaire.
Ce point de vue est partagé par Chypre, la Hongrie, le Luxembourg, la Lituanie, Malte, la Roumanie et la Slovaquie. La viande cultivée, estiment-ils, pourrait fragiliser les exploitations familiales ainsi que les savoir-faire enracinés dans les territoires, menaçant ainsi la souveraineté alimentaire européenne. Un débat naissant, à mesure que cette technologie quitte les laboratoires pour s’inviter dans nos assiettes… et désormais dans celles de nos animaux de compagnie.