La viande cultivée en laboratoire serait bien plus néfaste pour l’environnement que celle d’élevage

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| Reuters
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La demande croissante de viande d’ici 2050 suscite des préoccupations quant à l’impact environnemental de sa production — pour répondre à ces besoins. La viande cultivée en laboratoire, une alternative prometteuse, soulève néanmoins des inquiétudes parmi les scientifiques. Si elle n’est pas développée de manière écologiquement responsable, son impact sur la crise climatique pourrait être tout aussi important que l’élevage traditionnel, voire pire.

La production animale est un pilier du système alimentaire mondial, fournissant des protéines essentielles (lait, œufs et viande) consommées à travers le globe et contribuant à la productivité des cultures grâce à l’utilisation du fumier comme engrais. Cependant, l’impact environnemental de ces élevages est considérable : occupation des terres pour les pâturages ou fermes gigantesques, consommation de ressources et émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie du bétail, jusqu’à l’assiette du consommateur. Sans oublier le bien-être animal souvent négligé.

L’alternative à la viande conventionnelle, la viande de laboratoire, a attiré d’importants investissements pour une commercialisation rapide de ces produits. Toutefois, la communauté scientifique demeure sceptique quant au développement de la viande in vitro comme solution miracle aux problèmes climatiques engendrés par les élevages traditionnels.

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Des chercheurs de l’Université de Californie (Davis) ont récemment mis en garde contre les effets néfastes de ce type de production sur l’environnement. Leur analyse révèle que l’empreinte carbone pourrait être jusqu’à 25 fois plus élevée que celle du bœuf si les méthodes de production actuelles sont mises à l’échelle, car elles sont encore très énergivores. Des choix raisonnés et des mesures drastiques sont nécessaires. Leurs travaux sont publiés sur la plateforme bioRxiv.

Une alternative écologique trompeuse

Les protéines alternatives à l’élevage traditionnel se répartissent globalement en trois catégories distinctes : les protéines végétales, les protéines basées sur la fermentation et la viande à base de cellules animales, ou viande in vitro. Les protéines végétales et issues de la fermentation sont déjà disponibles sur le marché depuis plusieurs décennies.

Le principe fondamental de la production de viande de laboratoire repose sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes animales, capables de se multiplier dans des bioréacteurs (milieux de culture) à l’échelle industrielle et de se différencier en divers types de cellules pour reproduire les différentes textures que le consommateur connaît.

Même avec les techniques les plus avancées, les milieux de culture nécessitent encore des hormones, des facteurs de croissance, du sérum fœtal de veau, des antibiotiques ou des fongicides pour le développement cellulaire, ce qui engendre des coûts énergétiques. Les auteurs de l’étude soulignent que chaque composant doit également être soigneusement purifié à l’aide de techniques énergivores, telles que l’ultrafiltration et la chromatographie, avant d’être inclus dans le bioréacteur, afin d’éviter la présence d’endotoxines (molécules complexes, composants de la paroi de certaines bactéries) aux effets néfastes pour la santé humaine.

En somme, l’énergie utilisée à chaque étape des méthodes de production actuelles est similaire à celle de l’élevage traditionnel, quelle que soit la source de cellules animales cultivées. Le fait que la viande cultivée en laboratoire soit un processus énergivore et implique l’utilisation de composés et de molécules normalement interdits pour le bétail, tels que les hormones de croissance et les antibiotiques, rend cette alternative préoccupante.

De plus, Derrick Risner, premier auteur, et ses collègues ont découvert que le potentiel de réchauffement climatique de la viande cultivée, défini comme les équivalents de dioxyde de carbone émis pour chaque kilogramme de viande produit, est de 4 à 25 fois supérieur à celui du bœuf conventionnel.

Éthique, santé et monopole des industries du futur

Malgré la disponibilité très limitée des produits in vitro, les investissements augmentent chaque année, avec un total de plus de 2 milliards de dollars américains. Cet enthousiasme est probablement dû aux rapports d’analystes optimistes sur les substituts de viande, certains prédisant un remplacement de 60 à 70% du bœuf haché d’ici 2030-2040.

Néanmoins, d’autres rapports tempèrent ces prévisions avec un taux de remplacement plus modeste de 0,5% des produits carnés conventionnels par des produits de laboratoire d’ici 2030. Avec 12,6 milliards de kg de bœuf produit aux États-Unis en 2021 et 1,6 million en France, même cette estimation plus prudente du déplacement prévu aurait un impact massif sur le système alimentaire.

Selon un examen complet des études sur la viande et les protéines, publié par le Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food), la viande cultivée in vitro « aggravera les problèmes de notre système alimentaire industriel par la dépendance aux combustibles fossiles, les monocultures industrielles, la pollution, les régimes alimentaires malsains et le contrôle par les grandes entreprises ».

De plus, les chercheurs estiment que la viande artificielle peut être riche en protéines, mais sa teneur en fer et en vitamine B12, par exemple, est trop faible, car aucune technologie n’est encore capable de reproduire fidèlement son contenu nutritionnel.

Compte tenu de cette évaluation, investir dans la mise à l’échelle de cette technologie avant de résoudre des problèmes clés tels que le développement d’une méthode respectueuse de l’environnement, moins énergivore et plus éthique, irait à l’encontre des objectifs environnementaux que ce secteur souhaite adopter.

Les auteurs tiennent à souligner que l’impact environnemental de l’élevage de bœuf varie considérablement selon les modes de production (origine du veau, biologique ou non biologique, et le type de régime alimentaire) et l’emplacement géographique.

Il n’y a certes pas de solution miracle à la crise actuelle, mais les changements de comportement des consommateurs et des éleveurs constituent déjà un pas dans la bonne direction. Enfin, il convient de noter que la mise au point de viande issue d’animaux disparus, comme le mammouth, ne semble pas non plus être la voie la plus écologique, compte tenu des éléments chimiques et des processus utilisés.

Source : bioRxiv

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