Début du premier essai clinique d’un vaccin nasal contre la maladie d’Alzheimer

L’aboutissement de près de 20 ans de recherche.

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| National Institute on Aging/NIH
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C’est l’aboutissement de près de 20 ans de recherche. Le Brigham and Women’s Hospital de Boston, vient d’annoncer qu’il entamait un essai clinique visant à tester l’innocuité et l’efficacité d’un nouveau vaccin administré par voie nasale. Ce vaccin, formulé à partir d’une substance qui stimule l’immunité (le Protollin), est destiné à prévenir et à ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer, une forme de démence qui touche plus de 50 millions de personnes dans le monde.

La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence. Elle résulte d’une accumulation de dépôts amyloïdes et de la dégénérescence progressive des neurones ; elle se caractérise par des troubles de la mémoire et des fonctions exécutives, une dégradation des facultés de raisonnement, ainsi qu’une désorientation. Il n’existe à ce jour aucun traitement, mais la recherche dans ce domaine, particulièrement prolifique ces dernières années, a permis de mieux comprendre la maladie, en particulier ses facteurs de risque et les mécanismes physiologiques mis en jeu.

Cet essai de phase 1 impliquera 16 participants, âgés de 60 à 85 ans, tous atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, mais en bonne santé générale. Ils recevront deux doses du vaccin à une semaine d’intervalle, a indiqué l’hôpital. Comme tout essai de phase 1, l’objectif est ici de déterminer l’innocuité et la tolérance du vaccin nasal. Les chercheurs évalueront également les effets du Protollin sur la réponse immunitaire des participants.

Un adjuvant qui stimule les défenses immunitaires

Le vaccin utilise le modulateur immunitaire Protollin, un agent intranasal expérimental qui stimule le système immunitaire, ce qui peut aider à lutter contre certaines maladies. Une étude publiée en 2004 a montré que cet adjuvant, combiné à des antigènes grippaux, augmentait les taux sériques d’immunoglobulines jusqu’à 250 fois par rapport à une immunisation avec les antigènes seuls. Composé de protéines dérivées de bactéries, il a d’ores et déjà été utilisé en toute sécurité chez l’Homme comme adjuvant pour d’autres vaccins.

Les scientifiques espèrent que de la même façon, il pourra activer le système immunitaire de l’organisme afin qu’il cible les plaques de protéines bêta-amyloïdes — l’une des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. « Le système immunitaire joue un rôle très important dans toutes les maladies neurologiques », a déclaré Howard Weiner, qui a dirigé les recherches. Si cet essai s’avère concluant, les chercheurs pensent que cette nouvelle approche pourrait potentiellement aider à traiter d’autres maladies neurodégénératives.

Protollin est développé, fabriqué et commercialisé par I-Mab Biopharma et Jiangsu Nhwa Pharmaceutical, deux entreprises pharmaceutiques chinoises (qui financent également cet essai). Le produit a été conçu pour activer les globules blancs trouvés dans les ganglions lymphatiques situés sur les côtés et à l’arrière du cou (d’où le mode d’administration par spray nasal), afin qu’ils migrent vers le cerveau et éliminent les plaques bêta-amyloïdes. « Depuis 20 ans, il est de plus en plus prouvé que le système immunitaire joue un rôle clé dans l’élimination de la bêta-amyloïde. Ce vaccin exploite un nouveau bras du système immunitaire pour traiter la maladie d’Alzheimer », a déclaré Tanuja Chitnis, professeure de neurologie au Brigham and Women’s Hospital et chercheuse principale de l’essai.

Ce premier essai historique sur l’Homme sera l’occasion pour l’équipe de recherche de mesurer l’effet de Protollin nasal sur la réponse immunitaire, en particulier ses effets sur les globules blancs, en examinant les marqueurs de la surface cellulaire, les profils génétiques et les tests fonctionnels. « Si les essais cliniques chez l’homme montrent que le vaccin est sûr et efficace, cela pourrait représenter un traitement non toxique pour les personnes atteintes d’Alzheimer, et il pourrait également être administré tôt pour aider à prévenir la maladie d’Alzheimer chez les personnes à risque », explique Howard Weiner.

Plusieurs traitements en cours de développement

Selon le National Institute on Aging, la maladie d’Alzheimer est la sixième cause de décès aux États-Unis. En France, près d’un million de personnes sont touchées par la maladie et on estime que 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Des chercheurs du monde entier travaillent depuis des années au développement de nouveaux médicaments pour traiter ou ralentir la maladie d’Alzheimer. Bien souvent, les médicaments expérimentaux permettent d’éliminer les plaques amyloïdes mais ne résolvent pas les symptômes des patients très handicapants au quotidien, à savoir leur perte d’autonomie et la réduction de leurs capacités cognitives.

Récemment, des chercheurs ont mis au point un traitement et un vaccin contre la maladie. Testés uniquement sur des souris, leurs produits semblent très prometteurs. Leur approche se démarque des autres traitements expérimentaux par le fait qu’ils ciblent une forme bien spécifique de la protéine bêta-amyloïde. Si leurs résultats sont très encourageants, il faudra sans doute malheureusement des années de recherche avant de disposer d’un traitement pour l’Homme.

En juin, la Food and Drug Administration a approuvé le premier nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer en 20 ans : il s’agit de l’Aduhelm (ou aducanumab), développé par le laboratoire américain Biogen en collaboration avec la société japonaise Eisai Co. ; il a été conçu pour détruire les plaques amyloïdes qui s’accumulent dans le cerveau. À savoir qu’en 2019, Biogen avait annoncé l’arrêt de ses deux essais cliniques de phase 3, suite à des résultats négatifs. Puis six mois plus tard, le laboratoire a annoncé que son traitement était finalement efficace pour un sous-ensemble de participants.

La décision de la FDA a donc suscité la controverse, en particulier suite aux avertissements de conseillers indépendants selon lesquels il n’avait pas été démontré que le médicament aidait réellement à ralentir la maladie. Il comporterait en outre des risques d’effets secondaires graves. L’Agence européenne des médicaments s’est pour l’instant opposée à ce traitement — elle devrait rendre sa décision définitive à la mi-décembre. Selon CBS News, la FDA a demandé à Biogen de mener une étude de suivi pour confirmer les avantages du médicament ; si cette étude n’est pas concluante, l’autorité américaine pourrait le retirer du marché.

Source : Brigham and Women’s Hospital

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