Première greffe réussie d’un cœur de porc génétiquement modifié sur un humain

Des chirurgiens américains ont transplanté un cœur issu d'un porc génétiquement modifié.

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| University of Maryland School of Medicine
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C’est une première mondiale : un cœur de porc génétiquement modifié a été greffé chez un patient humain qui avait été déclaré inéligible à recevoir une transplantation cardiaque classique. Les chirurgiens de la faculté de médecine et du centre médical de l’Université du Maryland ont effectué l’opération jeudi 7 janvier, et annoncé leur prouesse ce lundi. L’opération a permis de montrer qu’un cœur d’animal pouvait continuer à fonctionner à l’intérieur d’un humain sans rejet immédiat.

Aux États-Unis, près de 110 000 personnes sont actuellement sur liste d’attente pour une greffe d’organe et plus de 6000 qui auraient besoin d’une greffe meurent chaque année dans le pays. Les xénogreffes (d’un animal à un humain) présentent un bon espoir de pallier la pénurie d’organes, comme le souligne le Dr Bartley Griffith, qui a réalisé la nouvelle transplantation : « Il n’y a tout simplement pas assez de cœurs humains disponibles pour répondre à la longue liste de receveurs potentiels ».

Le patient de 57 ans qui a reçu le cœur porcin avait été déclaré inéligible à recevoir une greffe humaine. Même s’il se porte bien quatre jours après l’opération, il est toujours relié à une machine cœur-poumon (qui le maintenait en vie avant l’opération) et les médecins le suivent étroitement pour s’assurer que le nouvel organe fonctionne correctement.

Une avancée chirurgicale prometteuse

« C’est une avancée chirurgicale majeure. Nous procédons avec prudence, mais nous sommes également optimistes sur le fait que cette réussite permette de fournir une option essentielle pour les patients à l’avenir », a commenté Bartley Griffith.

Mais la greffe d’un cœur de porc dans un corps humain n’a pu s’effectuer sans modification génétique, tant sur l’organe transplanté que sur le patient. Ainsi, pour réduire les risques de rejet de la greffe, le porc a été modifié par l’entreprise Revivicor. Cette dernière avait aussi fourni un rein de porc que des chirurgiens avaient connecté avec succès aux vaisseaux sanguins d’un patient, en octobre dernier. Comme pour la précédente transplantation, il a fallu éliminer le gène codant pour un glucide potentiellement à l’origine d’un rejet immédiat de l’organe. Ce glucide est normalement présent dans toutes les membranes cellulaires des porcs.

Six gènes ont aussi été ajoutés au cœur du porc pour le rendre plus « acceptable » par le système immunitaire du corps humain receveur. Dans l’autre sens, un gène a été retiré chez le patient pour éviter une croissance excessive du tissu cardiaque porcin par la suite.

À cela s’ajoute l’utilisation d’un nouvel appareil conçu pour préserver le cœur du porc en amont de l’opération, ainsi que celle d’un nouveau médicament expérimental (en plus des médicaments antirejet habituels) pour inhiber le système immunitaire et empêcher que le corps rejette l’organe.

Xénogreffes : des perspectives et des inquiétudes

D’après la Food and Drug Administration, la xénotransplantation désigne toute procédure qui implique la transplantation, l’implantation ou la perfusion dans un receveur humain soit (a) de cellules, de tissus ou d’organes vivants provenant d’une source animale non humaine, soit (b) de fluides corporels, de cellules, de tissus ou d’organes humains qui ont eu un contact ex vivo avec des cellules, tissus ou organes vivants d’animaux non humains.

Cette technique est loin d’être nouvelle, les médecins ayant tenté des transplantations entre espèces depuis au moins le 17e siècle et d’abord sur les primates. En 1984, un cœur de babouin avait été transplanté sur un bébé humain, mais la petite, surnommée « Baby Fae », n’avait survécu que 20 jours.

Les porcs présentent néanmoins des avantages considérables par rapport aux primates pour les prélèvements d’organes : ils sont jugés plus faciles à élever et à atteindre la taille humaine adulte en six mois. Par ailleurs, l’utilisation d’organes porcins est mieux acceptée car on utilise déjà les porcs pour l’alimentation, avait expliqué en octobre dernier à l’AFP Robert Montgomery, directeur de l’Institut de transplantation de NYU Langone.

Il faut savoir que les valves cardiaques de porc sont déjà couramment transplantées chez les humains, certains patients diabétiques ont reçu des cellules de pancréas porcin, et la peau des porcs peut aussi être utilisée pour des greffes sur de grands brûlés. En outre, des preuves récentes ont suggéré que la transplantation de cellules et de tissus peut être thérapeutique pour certaines maladies neurodégénératives.

Bien que les avantages potentiels soient considérables, le recours à la xénotransplantation soulève tout de même des inquiétudes quant à l’infection potentielle des receveurs par des agents infectieux reconnus et non reconnus. Le patient nouvellement transplanté reste donc surveillé par rapport à une éventuelle infection, en particulier au rétrovirus porcin. Il s’agit d’un virus qui peut être transmis à l’homme, même si la probabilité reste très faible.

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