L’absence de cette protéine peut favoriser l’apparition du cancer après l’utilisation de CRISPR-Cas9

CRISPR adn edition genetique
| Steve Dixon/ Feng Zhang
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La découverte de CRISPR-Cas9, une enzyme capable de découper et remplacer des séquences du génome, a été une révolution incomparable en biologie moléculaire, grâce à sa simplicité et sa rapidité pour remanier les gènes. Prometteuse en thérapie génique, il se pourrait que le succès de son action dans certaines cellules soit dû à l’absence de la p53, une protéine protectrice détectant les mutations et les anomalies de divisions cellulaires comme le cancer. Cette hypothèse laisse sceptique quant à la transplantation de cellules modifiées par CRISPR-Cas9 sur des malades.

Découverte en 1979, la p53, aussi appelée protéine « ange gardienne » du génome, a pour rôle d’activer la réparation de génome, ou l’apoptose, c’est-à-dire le suicide programmé de la cellule, en cas d’endommagements irréversibles. Elle joue un rôle prépondérant dans la suppression des tumeurs, causées aussi par des mutations génétiques.

Cependant, elle pourrait également protéger contre tous types de modifications, qu’elles soient néfastes ou bénéfiques, comme celles effectués médicalement pour soigner des maladies génétiques. Deux recherches effectuées par Novartis et l’institut Karolinska ont montré que lors de l’utilisation de CRISPR-Cas9, p53 montrait une forte activité et induisait l’apoptose de la cellule, ce qui pourrait expliquer pourquoi CRISPR-Cas9 n’accomplit pas toujours sa tâche.

En se basant sur ces résultats, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les cellules ne produisaient pas correctement p53 lorsque CRISPR-Cas9 réussissait les remaniements. « En sélectionnant des cellules où les gènes endommagés ont été réparés avec succès par CRISPR-Cas9, nous pourrions avoir aussi sélectionné par inadvertance des cellules sans p53 fonctionnels », a déclaré Emma Haapaniemi, co-autrice de l’étude du groupe de l’institut Karolinska.

L’un des risques les plus importants réside dans l’utilisation de cette méthode pour des thérapies géniques, où l’on ponctionne des cellules du malade pour y rectifier les gènes dysfonctionnels, pour ensuite les transplanter à nouveau dans le patient pour qu’elles remplacent les cellules malades.

L’avantage est que l’individu ne risque pas de réactions de rejet, car il s’agit de ces propres cellules devenues saines. Par contre, si la correction du gène dans les cellules sélectionnées a fonctionné grâce à l’absence de p53, elles pourraient à l’avenir développer une tumeur, sans aucune intervention de cette protéine pour la réprimer. Bien que pour le moment, aucune donnée d’études effectuées in vivo prouvent une hausse du risque de développement de cancer sur des cellules modifiées par CRISPR-Cas9.

« Il n’est pas clair si les découvertes appliquées dans des cellules ont été réellement utilisées dans des études cliniques actuelles », a déclaré Bernhard Schmierer, co-directeur de l’étude de l’institut Karolinska.

Autre fait important : il existe plusieurs types de CRISPR. Cas9 a été le premier découvert mais d’autres ont fait leur apparition par la suite. Il est possible qu’ils n’activent pas tous p53. Or, les expériences ont été menées uniquement avec CRISPR-Cas9.

Cependant, Haapaniemi explique que CRISPR peut être utilisé pour supprimer un gène muté, au lieu de le remplacer. Modifier l‘ADN de cette manière est possible même en présence de p53 fonctionnelle. Cette méthode est en cours d’étude clinique pour certaines maladies du sang comme la drépanocytose et la thalassémie-β. À ce sujet, une équipe de l’Université de Pennsylvanie est sur le point d’entamer des tests sur les humains pour traiter le cancer en passant par la suppression, chez les lymphocytes, de deux gènes affectant l’efficacité de ces cellules immunitaires dans la détection de cellules cancéreuses.

La maigre quantité d’informations sur les risques impliqués par l’utilisation de CRISPR-Cas9 montre qu’il est trop tôt pour abandonner l’idée d’une possible future utilisation de cette enzyme à des fins thérapeutiques. Les groupes ayant effectué cette recherche affirment cependant qu’il conviendrait pour l’instant de l’utiliser avec prudence pour des projets in vivo.

Source : Nature

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