Retour du mammouth laineux : des scientifiques se rapprochent de leur but

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Verrons-nous renaître des mammouths laineux d’ici quelques années ? Voilà maintenant près de 10 000 ans que ces grands mammifères ont disparu de la surface de la Terre. Cependant, des scientifiques affirment avoir trouvé un moyen de les ramener à la vie… partiellement ! L’entreprise Colossal Biosciences, spécialisée dans la lutte contre l’extinction des espèces, a mis au point une nouvelle méthode qui permettrait de reprogrammer les cellules souches d’éléphants pour produire un animal hybride proche du mammouth laineux. Un projet de taille et de grande ambition. Est-ce vraiment réalisable ?

Ramener les mammouths laineux à la vie est un projet que les chercheurs membres de la société Colossal Biosciences ont décidé de lancer il y a 3 ans. Leur étude a commencé en 2021. Ils s’étaient alors fixé comme objectif de produire des cellules souches d’éléphants en laboratoire et d’en modifier la génétique dans le but de créer une espèce hybride dotée de poils duveteux et de la masse graisseuse qui permettaient autrefois à son proche parent, le mammouth laineux (Mammuthus primigenius) de survivre dans des environnements extrêmement froids.

Quinze millions de dollars. Voilà la somme que Colossal Biosciences a réussi à lever pour redonner vie à cet hybride éléphant-mammouth laineux. Le mammouth laineux a disparu à la fin de la période glaciaire, il y a 10 000 ans environ. Cependant, une minorité a survécu sur l’île Wrangel dans l’océan Arctique, en Russie, grâce à l’élévation du niveau de la mer, avant de disparaître complètement il y a 3700 ans. Cette extinction aurait été provoquée par le réchauffement climatique et la chasse.

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C’est ce qui a motivé l’équipe de chercheurs dirigée par Eriona Hysolli, responsable des sciences biologiques chez Colossal. L’équipe souhaite trouver un moyen de restaurer des écosystèmes perdus et de ralentir la fonte du pergélisol. Ainsi est née l’idée de ressusciter le mammouth laineux, ou plus exactement une espèce hybride possédant des traits biologiques similaires au mammouth laineux (Mammuthus primigenius) : une tête bombée, une fourrure bien garnie, une masse graisseuse importante et de plus petites oreilles (que les éléphants). Les cellules souches qu’ils ont réussi à créer récemment dans ce but pourraient même, selon Eriona, « aider à protéger les éléphants actuels ».

Création d’un hybride : les chercheurs toujours plus confiants

Pour produire son hybride de mammouth laineux, Colossal Biosciences ambitionne de s’appuyer sur les gènes de l’éléphant d’Asie, qui est lui-même en voie de disparition. Mais comment comptent-ils s’y prendre ? Voilà la question que de nombreux chercheurs et passionnés se posent et qui montre bien à quel point la route menant à l’aboutissement de ce projet peut être longue et incertaine. Cependant, l’équipe d’Eriona aurait enfin trouvé un moyen d’y parvenir, par le biais de la technologie CRISPR (ou Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats). CRISPR, développé par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, est une méthode de modification génétique qui exploite un système de défense bactérien pour cibler et modifier précisément l’ADN.

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Micrographie de cellules souches d’éléphant produites à partir d’un cordon ombilical d’éléphant. Les points bleus représentent l’ADN. © Colossal Biosciences

En se basant sur la technologie CRISPR, l’équipe de Colossal a pu découvrir le génome complet du mammouth laineux et ainsi constater que ce dernier partage 99,6 % de son ADN avec l’éléphant d’Asie. L’idée est ainsi de créer des « mammouths fonctionnels » en apportant les bonnes modifications génétiques et en cultivant des cellules modifiées pour créer des bébés hybrides « éléphant-mammouth ». Et le projet va bientôt porter ses fruits, car les scientifiques de Colossal ont réussi à reprogrammer les cellules d’éléphants d’Asie dans un état embryonnaire pour donner naissance à d’autres types de cellules.

Ainsi, la création de sperme et d’ovules d’éléphants en laboratoire sera bientôt envisageable et des essais impliquant diverses modifications génétiques pourront être menés à bien sans nécessiter le prélèvement d’échantillons sur des éléphants vivants. En effet, Colossal a constamment besoin de ces cellules pour comprendre comment concrétiser le projet. De plus, avec la menace d’extinction qui pèse sur les éléphants d’Asie, leur étude directe est devenue problématique. « Avec si peu d’éléphants femelles fertiles, nous ne voulons absolument pas interférer avec leur reproduction. Nous voulons le faire de manière indépendante », explique au New York Times George Church, généticien à Harvard et cofondateur de Colossal.

La biologie complexe des éléphants pourrait-elle faire barrage au projet ?

Les cellules souches que l’entreprise Colossal a produites sont plus exactement des cellules souches pluripotentes induites (ou IPSC). Ces dernières ont le même comportement que les cellules souches embryonnaires et disposent d’une qualité clé que les scientifiques appellent communément « pluripotence » (la pluripotence étant la capacité des cellules à donner naissance à tous les types de cellules qui composent un organisme).

Cependant, un problème subsiste. D’après Eriona, la reprogrammation des cellules d’éléphants d’Asie en IPSC est très délicate. L’ensemble du processus, qui vise à exposer les cellules à une série de tests avec des produits chimiques tout en y ajoutant des protéines (afin d’activer les gènes nécessaires à la modification du fonctionnement des cellules), serait trop long. Selon Eriona, ce processus dure deux mois. Pour comparaison, la création d’IPSC de souris est de seulement 10 jours au maximum.

Cette contrainte est liée à la biologie de l’éléphant, explique Vincent Lynch, biologiste du développement à l’Université de Buffalo. Selon lui, ces grands mammifères sont l’exemple classique du paradoxe de Peto. Malgré leur taille, ils ont un taux de cancer plus faible que celui des humains. Ceci s’explique par le fait que les éléphants possèdent des protéines (TP53) apportant une protection supplémentaire contre le cancer. Ainsi, dès qu’une cellule développe des signes de croissance anormale, elle s’autodétruit beaucoup plus facilement. De ce fait, ce système de défense représente un obstacle dans la reprogrammation des cellules des éléphants en ISPC.

Eriona explique que le but de Colossal pour l’instant est de réduire le temps nécessaire à la création d’ISPC d’éléphants en affinant le processus. L’objectif est de produire ces cellules souches à grande échelle. Et ce n’est pas tout. Selon Eriona, « ces cellules pourraient être utiles pour les travaux de conservation ». C’est aussi la raison pour laquelle Colossal s’est associé à des chercheurs étudiant de près le virus EEHV (responsable de l’herpès endothéliotrope de l’éléphant). Les cellules ISPC seront aussi utiles dans le processus de vérification de la fonctionnalité des modifications apportées par Colossal pour donner lieu à une fourrure et une masse grasse similaires à celles des mammouths. La recherche, qui n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique à comité de lecture, sera bientôt publiée sur le serveur de préimpression bioRxiv.

« La percée des ISPC est très importante », déclare le Dr Church. Toujours selon lui, « c’est une très grosse affaire. Si Colossal parvient à mener à bien sa mission de lutte contre l’extinction des espèces, il faudra s’attendre à de nombreux autres moments comme celui-ci ».

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