Le chromosome Y humain a enfin été entièrement séquencé et livre ses secrets

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Environ la moitié du chromosome Y humain manquait dans le génome de référence. Récemment, des chercheurs ont séquencé ce chromosome de bout en bout. | National Human Genome Research Institute
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La cartographie du génome humain a franchi une étape cruciale avec le séquençage complet du chromosome Y. Cette réalisation, issue d’un effort collaboratif international, dévoile des aspects inexplorés de notre biologie. Le chromosome Y, bien plus qu’un simple déterminant du sexe masculin, influence d’autres facettes de notre santé, notamment le risque de cancer. Cette avancée bénéficiera sans doute à la recherche médicale et offrira de nouvelles pistes de traitement.

Le génome humain, véritable empreinte de notre héritage biologique, a longtemps résisté à une compréhension complète, en particulier en ce qui concerne le chromosome Y. Souvent relégué au second plan des études génétiques, ce chromosome détient pourtant des clés essentielles sur notre biologie et notre évolution.

Dans le cadre d’une collaboration internationale menée par le Consortium Telomere-to-Telomere (T2T), une équipe financée par le National Human Genome Research Institute (NHGRI), la séquence entière du chromosome Y a été dévoilée. Cette avancée bénéficiera sans doute à la recherche contre certaines maladies et éclairera des zones d’ombre de notre biologie. Les détails sont publiés dans la revue Nature.

Le rôle complexe du chromosome Y

La science a longtemps considéré les chromosomes sexuels, X et Y, comme les principaux déterminants du sexe biologique. Cependant, cette vision simplifiée ne rend pas justice à la complexité du chromosome Y. Bien qu’il soit essentiel dans la détermination du sexe masculin, son rôle ne s’arrête pas là. En effet, il intervient de manière significative dans le développement sexuel, orchestrant une série de processus biologiques qui vont bien au-delà de la simple distinction homme-femme.

De plus, les avancées récentes en génomique ont mis en lumière des fonctions du chromosome Y qui étaient auparavant méconnues. Certains de ses gènes ont été identifiés comme ayant une influence sur le risque et la progression de certaines formes de cancer. Ces découvertes remettent en question la compréhension antérieure du chromosome Y et soulignent son importance dans plusieurs aspects de la biologie humaine.

D’ailleurs, il faut savoir que lorsque les scientifiques et les cliniciens étudient le génome d’un individu, ils comparent l’ADN de ce dernier à celui d’une référence standard pour déterminer les variations. Jusqu’à présent, la partie du chromosome Y du génome humain comportait de grandes lacunes, près de 50%, ce qui rendait difficile la compréhension des variations et des maladies associées.

Des obstacles techniques surmontés

Le processus de séquençage de l’ADN présente des défis considérables, surtout lorsqu’il s’agit de régions génomiques complexes comme le chromosome Y. Sa structure est truffée de séquences répétitives, rendant son assemblage ardu, à l’image d’un puzzle avec de nombreuses pièces identiques.

Plus précisément, une partie de l’ADN est organisée en palindromes — de longues séquences identiques en avant et en arrière — s’étendant jusqu’à plus d’un million de paires de bases. De plus, une très grande partie du chromosome Y qui manquait dans la version précédente de la référence Y est de l’ADN satellite — de grandes régions hautement répétitives d’ADN non codant pour des protéines. Sur le chromosome Y, deux satellites sont interconnectés, ce qui complique encore le processus de séquençage, soulignent les chercheurs dans un communiqué.

Les outils de séquençage standard, bien qu’efficaces pour la plupart des régions génomiques, sont limités lorsqu’il s’agit de lire de longues séquences d’ADN. Ils ne peuvent traiter que de courtes chaînes à la fois, ce qui complique encore l’assemblage des séquences répétitives du chromosome Y.

Néanmoins, face à ces obstacles, l’introduction de nouvelles technologies de séquençage a permis de lire des fragments d’ADN plus longs, facilitant ainsi l’assemblage des séquences. De plus, des logiciels avancés ont été développés pour trier et assembler ces fragments avec une précision accrue.

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La structure complète du chromosome Y humain. Les chercheurs ont effectué une comparaison directe entre deux versions du chromosome Y, GRCh38-Y et T2T-Y. Des régions présentent une identité de séquence supérieure à 95%. Les duplications segmentales ont été colorées en fonction de leur type. Le centromère du chromosome Y présente un motif alternant. Les différences de structure palindromique de certaines régions sont visualisées. Les images montrent le chromosome Y dans une lignée cellulaire spécifique, mettant en évidence différentes séquences répétées. © A. Rhie et al., 2023.

Contamination dans les génomes bactériens

Une découverte inattendue de cet article est que l’ADN du chromosome Y a été confondu à plusieurs reprises avec l’ADN bactérien dans des études antérieures en raison de l’élimination incomplète de la contamination humaine dans l’ADN bactérien. Cette découverte promet d’améliorer l’étude du génome des espèces bactériennes.

Lors de l’étude de l’ADN bactérien prélevé sur la peau humaine, l’ADN humain peut être confondu avec celui des bactéries. Les chercheurs utilisent le génome humain comme référence pour éliminer cette contamination. Cependant, l’absence de certaines parties du chromosome Y dans les références précédentes a conduit à des confusions, mélangeant l’ADN humain avec celui des bactéries étudiées.

Cet article montre qu’environ 5000 génomes bactériens dans une base de données commune contenaient probablement une contamination correspondant aux séquences Y humaines.

Implications médicales et évolutive

La séquence complète du chromosome Y pourrait révéler des gènes jusqu’alors inconnus ou mal compris. Ces gènes pourraient jouer des rôles cruciaux dans divers processus biologiques, notamment la fertilité masculine. En effet, une des sections nouvellement décodées est appelée région du facteur azoospermie, une portion d’ADN contenant plusieurs gènes connus pour être impliqués dans la production de spermatozoïdes. La compréhension des mécanismes génétiques sous-jacents à la fertilité pourrait conduire à des traitements innovants pour l’infertilité ou à des méthodes de contraception plus efficaces.

Enfin, au-delà de la fertilité, d’autres troubles génétiques liés au chromosome Y pourraient être mieux compris. Adam Phillippy, chercheur principal au NHGRI et chef du consortium, explique : « Lorsque vous découvrez des variations que vous n’avez jamais vues auparavant, l’espoir est toujours que ces variantes génomiques seront importantes pour comprendre la santé humaine. Les variantes génomiques médicalement pertinentes peuvent nous aider à concevoir de meilleurs diagnostics à l’avenir ».

Enfin, la séquence complète du chromosome Y a des implications majeures pour le pangénome humain, qui vise à représenter la diversité génétique de l’ensemble de notre espèce. En intégrant cette séquence, le pangénome devient plus complet et précis. De plus, cette avancée éclaire des zones d’ombre de notre évolution. En étudiant le chromosome Y en détail, les chercheurs peuvent retracer les lignées patrilinéaires, offrant de nouvelles perspectives sur les migrations, les adaptations et les interactions de nos ancêtres.

Source : Nature

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