Une start-up française utilise des « qubits de chats » pour concevoir un ordinateur quantique qui corrige mieux ses erreurs

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| Gerd Altmann/Pixabay
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Alice&Bob s’est lancé un défi plutôt osé : cette jeune start-up française a rejoint la course à l’ordinateur quantique, qui met en concurrence de grandes entreprises et laboratoires du monde entier. Elle a rendu public un document qui en dit un peu plus sur sa méthode… Et sur les fameux « chats quantiques » qui en sont la clef…

Oui, on parle bien ici de chats, ces petits félins qui ronronnent au coin du feu l’hiver. Dans un document publié récemment sur arXiv, dans l’attente d’une vérification par des pairs, les chercheurs de Alice&Bob affirment utiliser un nouveau type de qubits, qu’ils ont choisi d’appeler les « qubits de chats ». Ces derniers permettent selon eux de réduire drastiquement les erreurs de calcul, qui sont l’un des points faibles de l’informatique quantique.

Toutefois, l’expression est évidemment à prendre au second degré. En parlant de « chats qubits », les scientifiques font en fait référence à la théorie bien connue du « chat de Schrödinger ». Il s’agit d’une expérience de pensée imaginée par Erwin Schrödinger en 1935. Il y décrit un chat enfermé dans une boîte avec un dispositif qui a 50% de chances de le tuer au bout de 10 minutes. L’idée est que d’une certaine manière, tant que la vérification n’a pas été effectuée, le chat est dans une superposition de deux états équiprobables. Cette expérience n’a jamais été vraiment réalisée : en fait, elle servait surtout à réfléchir sur les fondements du domaine de la physique quantique.

En effet, la physique quantique s’intéresse au comportement de la matière et de la lumière à un niveau microscopique, ou atomique. C’est en étudiant ces comportements que les scientifiques ont fait une découverte très intrigante : à cette échelle, la matière se comporte d’une façon qui ne colle pas toujours avec ce que l’on connaissait de la physique à l’échelle macroscopique. Plusieurs principes physiques nouveaux, qui font encore l’objet de nombreuses études à ce jour, ont alors fait leur apparition.

Parmi ceux-ci, le principe dit de « superposition » est crucial pour le fonctionnement des ordinateurs quantiques. La superposition quantique implique que quelque chose, comme un atome, peut se retrouver « dans deux états en même temps », aussi contre-intuitif que cela puisse paraître. Grâce à cela, il a été possible de théoriser et de créer des « bits quantiques », autrement appelés qubits, et plus généralement d’accéder à l’informatique quantique. Pour comprendre ce qu’est un qubit, on peut se référer aux « bits » de l’informatique classique. Un bit, dans un ordinateur, est un code primaire, une unité d’information de base qui permet de constituer tous les codes qui sous-tendent le fonctionnement de cette machine. Un bit est forcément un 0 ou un 1, et c’est sur ces 0 et 1 que reposent tous les codes plus complexes.

Piéger de la lumière pour créer des bits quantiques

Dans un ordinateur, on trouve quelque chose d’un peu équivalent, que l’on appelle des « qubits », pour « bits quantiques ». La différence principale est que ces qubits utilisent le fameux principe de superposition : ils peuvent donc être en quelque sorte à la fois 0 et 1, dans une superposition d’états. L’intérêt est qu’un ordinateur quantique peut, grâce à ces qubits, déployer une puissance de calcul jamais vue en informatique classique, et potentiellement résoudre des problèmes jusqu’ici insolubles.

En informatique classique, les bits sont concrètement matérialisés par des transistors, qui sont réglés sur « on » ou « off ». Pour les bits quantiques, c’est un peu plus compliqué que cela. En fait, les recherches vont bon train sur la meilleure manière de matérialiser ces fameux qubits. Souvent, les qubits sont en réalité des atomes, que l’on parvient à placer dans un certain alignement grâce à des « pièges à atomes » pour les faire communiquer entre eux. Cependant, il existe aussi d’autres façons de fabriquer des qubits.

représentation cat qubit
Représentation de la sphère de Bloch d’un qubit de chat. ©
Elie Gouzien et al.

Ces « qubits de chats », présentés par Alice&Bob, sont donc un exemple d’une autre forme adoptée par les chercheurs pour effectuer tous ces calculs. L’idée de base est bien la même : il s’agit de qubits qui permettent une superposition de deux états. En revanche, ils décrivent deux manières différentes dont la lumière piégée à l’intérieur d’un petit trou dans un circuit supraconducteur peut aller et venir.

Jérémie Guillaud et ses collègues d’Alice&Bob ont analysé mathématiquement un ordinateur quantique composé de plusieurs circuits de ce type. Si cette méthode les intéresse tout particulièrement, c’est parce qu’elle pourrait permettre d’éviter un grand nombre d’erreurs de calcul générées par les ordinateurs quantiques. En effet, ces erreurs, nombreuses, constituent un gros point faible du calcul quantique : « Les ordinateurs quantiques sont intrinsèquement beaucoup plus sensibles aux perturbations », affirmait ainsi un communiqué de l’Université d’Innsbruck, en évoquant une solution de correction des erreurs. À cause de ces fameuses erreurs, il peut être très compliqué d’exécuter un programme efficacement.

Selon les scientifiques, les qubits de chats sont beaucoup moins sensibles aux erreurs. Les erreurs de calcul surviennent notamment en cas de « bit flip », lorsque, d’une certaine façon, un bit quantique passe de 0 à 1, ou inversement. Or, avec ces qubits de chats, il faut une énergie plus importante pour que ce changement s’effectue : résultat, les erreurs surviennent moins fréquemment.

Afin d’établir un exemple, les chercheurs ont évalué le nombre de qubits dont un ordinateur constitué de cette façon aurait besoin pour cracker le chiffrage qui sécurise les transactions de bitcoins. Ils ont attribué certains qubits au calcul en lui-même et d’autres à la correction des erreurs de ce même calcul. Leur résultat : 126 133 qubits de chat et 9 heures de calcul seraient suffisants pour casser ce code. Au premier abord, cela peut paraître beaucoup. Cependant, selon les scientifiques, cette valeur est environ 160 fois inférieure à la précédente estimation la plus basse du nombre de qubits nécessaires pour effectuer une telle opération.

Toutefois, il faut rappeler qu’il s’agit bien là d’un calcul mathématique, et pas encore d’un véritable ordinateur fonctionnel. La question de savoir si des tests aussi prometteurs pourront être effectués en laboratoire reste en suspens. « L’hypothèse selon laquelle les qubits de chat ne subiront aucune erreur de retournement de bits même lorsqu’ils sont nombreux et qu’ils sont utilisés pendant des heures à la fois est assez extrême », commente à ce sujet Craig Gidney, ingénieur en physique quantique de Google, sur Twitter. Il s’agira donc de continuer à suivre de près les avancées de cette start-up qui progresse à pas de chat dans le monde très concurrentiel de l’informatique quantique…

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