Le trou de ver simulé par l’ordinateur quantique de Google n’aurait pas si bien fonctionné finalement

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| Animation par Jonathan Paiano pour Trust My Science
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En décembre 2022, le monde scientifique s’enthousiasmait face à la première simulation d’un trou de ver sur un ordinateur quantique. Mais une nouvelle étude remet en question cette expérimentation : ce ne serait pas une représentation exacte, cumulant nombre d’approximations dans la conception.

Un trou de ver représente une solution aux équations de champ dans la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, une sorte de tunnel entre deux trous noirs ou autres points de l’espace-temps. En d’autres termes, la théorie des trous de ver postule qu’un passage théorique dans l’espace-temps pourrait créer des raccourcis pour de longs voyages à travers l’univers.

William A. Hiscock, professeur de physique à la Montana State University, Bozeman, et directeur du Montana Space Grant Consortium, précise à la revue Scientific American : « En termes de physique théorique des trous de ver, il n’y a aucune raison particulière pour laquelle la distance doit être plus courte ; le trou de ver pourrait en fait être le chemin le plus long ».

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Néanmoins, même si la théorie est valide, jusqu’à présent, il n’y a aucune preuve expérimentale de l’existence de ces trous de ver, malgré l’effervescence suscitée par l’affirmation d’un groupe de chercheurs quant au fait d’avoir simulé un trou de ver holographique avec un ordinateur quantique.

En effet, l’article prétend observer la dynamique des trous de ver traversables dans un cadre expérimental. Les chercheurs ont également déclaré avoir envoyé des signaux à travers cette simulation via le phénomène de téléportation quantique. Cette dernière est une technique permettant de transférer des informations quantiques de la source à la destination distante en utilisant des états intriqués.

Cependant, déjà à l’époque, certains scientifiques étaient sceptiques. Or, un groupe de chercheurs de l’université de Berkeley a révélé plusieurs failles évidentes dans les hypothèses et la conception de cette expérimentation de trou de ver par un ordinateur quantique. Leurs travaux sont publiés sur le site arXiv.

Ceci n’est pas un trou de ver

La façon la plus directe d’observer la dynamique des trous de ver traversables serait d’implémenter expérimentalement le modèle SYK, qui est dual à la gravité. Le modèle de Sachdev-Ye-Kitaev pour donner son nom complet (SYK), en physique de la matière condensée, décrit la matière sans quasi-particules, ce qui devrait permettre de mieux comprendre les matériaux fortement corrélés, tels que les trous de ver.

Cependant, il est extrêmement difficile de mettre en œuvre expérimentalement même une version de petite taille du modèle SYK. Dans l’étude de décembre 2022, le concept central est appelé « trou de ver holographique ». Il s’agit d’une représentation d’un trou de ver qui a été simplifiée à l’aide de techniques de la mécanique quantique pour le rendre plus facile à simuler.

Un tel modèle simplifié peut être physiquement imprécis. De plus, il semble impliquer des hypothèses irréalistes sur la physique du monde environnant, notamment concernant l’espace-temps. En effet, le groupe de chercheurs, mené par Norman Yao, a notamment trouvé trois problèmes majeurs qui, selon eux, indiquent que la simulation avait peu ou pas de pertinence quant à la façon dont les trous de ver se comportent.

Comme le rapporte un article du New Scientist, le premier problème provient du comportement du trou de ver lorsqu’une information lui est envoyée. En théorie, selon les hypothèses de départ, il devrait osciller un certain temps puis revenir à un état stable. Or, les scientifiques ont constaté qu’il continuait de vibrer indéfiniment.

La deuxième erreur relevée concerne la téléportation elle-même, qui doit renvoyer un signal identique à celui entré. Malheureusement, en dehors des signaux utilisés dans la simplification extrême du modèle, les autres signaux n’étaient pas identiques entre l’entrée et la sortie, ce qui va à l’encontre de la théorie des trous de ver.

Enfin, la troisième erreur serait la plus importante et liée au phénomène quantique connu sous le nom « d’enroulement de taille ». Il s’agit d’un schéma délicat dans la manière dont les informations se propagent parmi les qubits de la simulation et donc, a priori, à travers les trous de ver. Cette propriété serait, selon les experts, un indicateur fort pour savoir si un système quantique est une représentation holographique précise d’un système gravitationnel, comme un trou de ver.

Néanmoins, dans la simulation de 2022, comme le précisent les auteurs de la présente étude, il semble que pour ce système quantique particulier, l’enroulement de taille disparaisse si le modèle est agrandi ou complexifié. Ainsi, l’enroulement de taille observé dans la simulation ne pourrait être que le fait de la simplification du modèle et de sa petite taille.

Des conclusions trop hâtives de la part des médias

Malheureusement, les médias ont tendance à présenter les découvertes scientifiques de manière sensationnaliste, sans nuancer les résultats et les limitations de l’étude. Les chercheurs eux-mêmes ont pris soin de ne pas arriver aux conclusions trop rapides sur ce qu’ils ont pu accomplir dans leurs recherches, mais dont les médias se sont empressés de mettre en avant, par des raccourcis peu empreints de recul et d’esprit critique.

Par exemple, un article de Futurism souligne que considérer le système comme un trou de ver « revient à prétendre que jouer au jeu vidéo Portal implique de créer un véritable trou de ver parce qu’il représente quelque chose qui ressemble au concept théorique à l’écran ».

D’ailleurs, le physicien et co-auteur de l’étude, Joseph Lykken du Fermilab, expliquait à Reuters : « Il y a une différence entre quelque chose qui est possible en principe et possible dans la réalité ».

Il est important de ne pas tirer de conclusions hâtives à partir d’une expérimentation isolée, et d’attendre que d’autres recherches viennent confirmer ou infirmer les résultats obtenus. Les nouvelles trompeuses se multiplient et l’émergence des intelligences artificielles aux potentialités créatrices de contenus « réalistes » n’arrangeront certainement pas cette direction que prennent les médias dans la recherche du meilleur titre accrocheur.

Pour preuve, nous avons récemment mis en garde sur la soi-disant photographie d’un arc-en-ciel complet, probablement générée par une IA telle que Midjourney.

En conclusion, il est certain que pour les prochaines expérimentations et recherches sur les trous de ver, il est impératif de complexifier les systèmes, afin de pouvoir voir émerger d’autres données et peut-être un jour réellement simuler un trou de ver.

Source : arXiv

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