Tandis que le changement climatique continue d’empirer, les conséquences du réchauffement global se font de plus en plus nombreuses et touchent maintenant indifféremment toutes les parties du monde. De nombreuses solutions pour endiguer ce phénomène ont été proposées, mais la plupart son coûteuses et ont plus souvent des portées locales que générales. Pour l’écologiste Tom Crowther, la solution est simple : planter un millier de milliards d’arbres supplémentaires. Bien qu’il précise que ce ne soit pas la seule et unique solution, celle-ci pourrait toutefois avoir un énorme impact sur la restauration du climat.
Il y a deux ans, l’écologiste britannique Tom Crowther a créé un laboratoire à l’ETH Zürich en Suisse, dans le but de faire de l’écologie à fort impact pour montrer comment et où nous pouvons restaurer l’environnement planétaire. Son équipe de 30 personnes fait déjà des vagues.
Le laboratoire de Crowther commence généralement par compter les choses — des arbres aux nématodes — avant de rassembler les chiffres pour distinguer les tendances mondiales et quantifier les effets des interventions potentielles.
En juillet dernier, son équipe a fait la une des journaux du monde entier en affirmant qu’il y a suffisamment d’espace pour planter un millier de milliards d’arbres dans des zones de nouvelles forêts, représentant presque la taille des États-Unis, et que cela serait l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre le changement climatique.
Les réactions des collègues universitaires de Crowther ont été diverses et variées. Certains ont déclaré que ses forêts proposées pourraient finir par avoir un effet de réchauffement en modifiant la façon dont la lumière du soleil est réfléchie, ou qu’il avait mal calculé son carbone. Crowther reconnaît ces préoccupations et s’efforce d’y répondre par de nouvelles recherches ambitieuses.
Un millier de milliards d’arbres en plus pour restaurer le climat
D’où est venue l’idée du millier de milliards d’arbres ?
Tom Crowther : Un de mes amis travaillait pour une organisation qui voulait planter un milliard d’arbres pour sauver le climat. Mais ils ne savaient pas si c’était beaucoup ou peu. Nous avons donc commencé à collecter des données sur la densité des arbres dans le monde. En 2015, nous avons publié la toute première tentative de réponse à une question apparemment évidente. Nous avons découvert qu’il y avait probablement 3 milliards de milliards d’arbres sur la planète aujourd’hui, près de huit fois plus qu’on ne le pensait auparavant.
Quelle est la précision de ce nombre ?
Très relative. Il y a beaucoup d’incertitude. Je suis sûr que la barre d’erreur va probablement d’environ 2000 milliards à 4000 milliards. Dans ce cadre, nous sommes cependant assez confiants.
Et pouvons-nous vraiment avoir un millier de milliards d’arbres de plus ?
Oui, je le pense. Si vous ignorez les zones urbaines et agricoles et les endroits qui ont des climats impropres aux arbres, nous estimons que les forêts pousseront naturellement sur 900 millions d’hectares supplémentaires dans le monde, ce qui laisse probablement assez de place pour 1.2 millier de milliards d’arbres supplémentaires. Nous estimons également que, à maturité complète, ces écosystèmes pourraient potentiellement stocker 100 à 200 milliards de tonnes supplémentaires de carbone.
Une solution intéressante mais critiquée par certains écologistes
La critique des autres scientifiques a été intense
Oui, et cela a été vraiment difficile à prendre. Beaucoup ont déclaré que l’espace disponible est insuffisant. Ou alors que nous avons ignoré les demandes concurrentes d’utilisation des terres, tels que les besoins agricoles. Ou que nous avons ignoré les impacts non carbonés sur le climat des forêts, tels que les effets potentiels de réchauffement du feuillage sombre, qui modifient la réflectivité de la Terre.
C’est légitime. Mais nous n’avons eu qu’un objectif simple : cartographier toutes les terres potentiellement disponibles. Nous ne dirons jamais si le monde doit ou non restaurer les arbres à des endroits spécifiques, seulement s’il le peut. Ce n’est donc que le début d’une discussion, pas la fin.
Mais vous avez également été critiqué pour avoir suggéré que les arbres étaient la réponse au changement climatique
Je suis d’accord pour dire que nous avons été trop hâtifs. Considérer le reboisement la solution la plus efficace au changement climatique, ce que nous avons parfois fait, était une erreur naïve. Nous voulions seulement dire que la restauration des écosystèmes naturels est quantitativement la méthode disponible la plus efficace pour extraire le carbone de l’atmosphère. C’est aussi la moins chère, si nous le faisons correctement. Mais ce n’est pas une solution miracle. C’est l’une des nombreuses solutions au changement climatique que nous devons adopter en combinaison.
Bilan carbone, nématodes et nuages : des acteurs importants du changement climatique
Les nouvelles forêts seraient-elles des plantations ou issues d’une croissance naturelle ?
Lorsque cela est possible, la seconde option. La nature le fait toujours mieux. Mais ce n’est pas toujours possible. Les gens doivent donc aider en répandant des graines ou en plantant des jeunes plants. Nous essayons de déterminer quelles régions se rétabliront naturellement et où nous devons apporter notre aide.
Quels autres domaines sont à votre ordre du jour ?
Je pense que les sols sont la partie la plus importante du puzzle du stockage du carbone. Les sols ne sont pas visibles et il est difficile d’évaluer la quantité de carbone qu’ils contiennent. Mais ils contiennent certainement plus que la végétation et l’atmosphère de la planète réunies. Il existe donc un énorme potentiel pour encourager le sol mondial à en accumuler davantage. Pas seulement dans les forêts, mais sous les prairies, dans les tourbières et même dans les fermes.
Les organismes du sol sont essentiels à cela. Nous venons de publier un document tentant de résumer, pour les organismes du sol, ce que nous avons résumé pour les arbres : ce qui permet d’avoir une idée de leur nombre et de leur emplacement.
Nous avons commencé avec les nématodes. Ces vers se nourrissent de plantes, de bactéries et de champignons, et constituent un bon indicateur mesurable de l’activité du sol et du cycle du carbone. Ils sont également juste assez gros pour les compter au microscope.
Nous estimons qu’il y a 57 milliards de nématodes pour chaque être humain. Fait intéressant, il y en a plus dans les latitudes lointaines du nord que dans les tropiques. Dans ces régions froides, ils sont lents et inactifs, mais à mesure que ces régions se réchauffent, ils pourraient potentiellement devenir importants pour la stabilité climatique future.
Sur quoi d’autre travaillez-vous ?
Les nuages. Le monde doit savoir comment des écosystèmes comme les forêts affectent le climat. Nous connaissons leur stockage de carbone, mais la production de nuages est également importante. Les arbres libèrent des quantités massives d’humidité dans l’atmosphère chaque jour. Cette humidité produit des nuages, qui fournissent de la pluie pour arroser d’autres arbres. Ces nuages influencent également la température.
Ils réfléchissent une grande partie du rayonnement solaire loin de la Terre, mais peuvent également avoir un effet de réchauffement en empêchant la chaleur de s’échapper. Les modélisateurs du climat avancent que les nuages sont l’une de leurs plus grandes incertitudes. Nous voulons donc quantifier comment le reboisement de la planète pourrait influencer la production de nuages et évaluer l’impact climatique de cela.
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Replanter de manière responsable et réfléchie
Quelles sont les limites de la replantation de la planète ?
Il y a tellement de défis. Premièrement, il faudrait un effort immense pour restaurer les forêts du monde et il faudrait plus de 100 ans pour atteindre leur plein potentiel de rétention de carbone. C’est pourquoi nous voulons aider les communautés du monde entier à démarrer maintenant.
Mais il peut être dangereux de restaurer les mauvaises zones. Si vous plantez des arbres dans une prairie indigène, vous pouvez détruire la biodiversité locale, et si vous restaurez des forêts aux hautes latitudes, qui seraient autrement couvertes de neige réfléchissante, vous pouvez réchauffer la planète. Disposer de la bonne information écologique est donc vital.
Ensuite, il y a le contexte social. Nous savons que de nombreux projets de reboisement ne durent pas. Les organisations plantent simplement des arbres et s’en vont. Mais dès que les équipes de projet sont parties, les arbres sont coupés pour le bois ou les terres qui sont désespérément nécessaires pour les moyens de subsistance des populations. Ce n’est que lorsque les communautés locales bénéficient de la restauration des écosystèmes que les projets peuvent être véritablement durables.