Des virologues de Wuhan auraient été hospitalisés peu avant que la COVID-19 ne se propage

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| Ureem2805/Wikimedia Commons – CC BY-SA 4.0
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C’est un nouveau rebondissement dans la recherche de l’origine mystérieuse du SARS-CoV-2, qui n’a toujours pas été élucidée à ce jour. Un rapport des services de renseignement américains révèle que plusieurs chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan sont tombés malades et ont été hospitalisés au moment même où le coronavirus a commencé à circuler en Chine. Une révélation qui pourrait corroborer l’hypothèse d’une fuite de laboratoire…

Ce rapport, non divulgué jusqu’à présent, précise que trois chercheurs de l’Institut ont été hospitalisés au mois de novembre 2019. Pour rappel, une information publiée par le département d’État à la fin du mandat de Donald Trump avait déjà évoqué le fait que des chercheurs du laboratoire de Wuhan présentaient à l’automne 2019 « des symptômes à la fois caractéristiques de la COVID-19 et d’une maladie saisonnière courante ». Cette fois-ci, le rapport se veut plus détaillé, révélant le nombre exact de malades et les dates de leurs séjours à l’hôpital.

Fuite de laboratoire ? Zoonose ? Malgré l’enquête menée par des experts de l’Organisation mondiale de la santé, dont les conclusions ont été rendues en mars dernier, aucune hypothèse n’est écartée pour le moment. L’enquête n’a fait qu’estimer la probabilité de chacun des scénarios possibles ; parmi ceux-ci, la fuite de laboratoire a été jugée « extrêmement improbable ». Mais le rapport américain pourrait remettre en question ces conclusions.

L’incertitude, plus d’un an après

Plus d’un an après l’apparition du SARS-CoV-2, on ne sait toujours pas quelle est son origine exacte. Si le séquençage de ce virus a révélé une parenté certaine avec des coronavirus de chauve-souris, impossible de déterminer comment celui-ci a infecté l’Homme, comment il est arrivé à Wuhan et où l’épidémie a commencé.

Il s’avère que le passage d’un agent pathogène d’un animal à l’être humain, ce que l’on appelle une zoonose, est souvent la cause de l’émergence de nouveaux virus. Mais le fait que la pandémie de COVID-19 se soit déclenchée non loin d’un laboratoire de recherche sur les virus a rapidement fait naître l’hypothèse d’une fuite de laboratoire — d’autant plus que le laboratoire en question est spécialisé dans l’étude des coronavirus.

Les éléments mis au jour par les services de renseignement américains suggèrent en tout cas que le SARS-CoV-2 pourrait avoir infecté certains employés, après une fuite accidentelle au sein de l’Institut de virologie de Wuhan. « Nous continuons à nous poser de sérieuses questions sur les premiers jours de la pandémie de COVID-19, y compris sur ses origines en République populaire de Chine », a déclaré une porte-parole du Conseil national de sécurité au Wall Street Journal.

Il faut bien entendu garder à l’esprit que ces hospitalisations pourraient également être de simples coïncidences. Malgré des sources d’informations plutôt fructueuses, le rapport ne précise pas de quoi souffraient exactement les chercheurs, il pourrait donc s’agir d’une autre maladie, comme une grippe. En outre, il est d’usage, en Chine, de se rendre à l’hôpital dès que l’on tombe malade. L’événement en lui-même n’est donc pas particulièrement inhabituel.

Mais s’il s’agit d’une coïncidence, il faut bien avouer qu’elle est troublante. Des employés d’un laboratoire de recherche sur les virus tombant malades au même moment, présentant les mêmes symptômes, juste avant le début d’une pandémie… La possibilité d’un lien entre les deux événements n’est finalement pas si incongrue. Dans tous les cas, ce nouveau rapport suggère que l’hypothèse de la fuite de laboratoire est à considérer avec plus d’attention.

Selon le Wall Street Journal, l’administration Biden a refusé de commenter les éléments rapportés par les renseignements, mais a déclaré que toutes les théories techniquement crédibles sur l’origine de la pandémie devraient être étudiées par l’OMS et des experts internationaux.

La nécessité d’une enquête plus transparente

La Chine a nié plusieurs fois le fait que le virus se soit échappé de l’un de ses laboratoires, s’appuyant encore récemment sur les conclusions de l’enquête dirigée par l’OMS. Pékin a par ailleurs déclaré que le virus aurait très bien pu émerger ailleurs qu’en Chine, notamment dans un laboratoire de la base militaire de Fort Detrick dans le Maryland. « Les États-Unis continuent de faire du battage sur la théorie des fuites en laboratoire. Sont-ils vraiment préoccupés par la recherche de la source ou par le fait d’essayer de détourner l’attention ? », a déclaré le ministère des Affaires étrangères au Wall Street Journal.

De même, Shi Zhengli, la principale experte en coronavirus de chauves-souris du laboratoire de Wuhan, a affirmé que le virus ne pouvait pas s’être échappé : elle a notamment déclaré aux enquêteurs de l’OMS que l’ensemble du personnel avait obtenu un résultat négatif aux tests sérologiques (visant à détecter la présence d’anticorps anti-COVID-19). De son côté, Marion Koopmans, une virologue néerlandaise travaillant à l’Institut, a confirmé que certaines personnes étaient tombées malades à l’automne 2019, mais qu’il s’agissait sans aucun doute d’une maladie saisonnière.

Une hypothèse que ne soutient pas du tout David Asher, un ancien responsable américain qui a dirigé un groupe de travail sur les origines du virus : « Je doute fort que trois personnes, dans des conditions hautement protégées d’un laboratoire de niveau 3 travaillant sur les coronavirus, soient toutes atteintes de la grippe la même semaine, sans qu’il y ait un lien avec le coronavirus », a-t-il déclaré.

La communauté scientifique déplore surtout le manque de transparence des autorités chinoises, mais aussi le manque de preuves pouvant confirmer un scénario alternatif du type zoonose. Pékin a notamment refusé aux enquêteurs l’accès à certaines données et à des échantillons liés à de potentiels cas précoces de COVID-19. Le scénario de la fuite accidentelle est donc pris un peu plus au sérieux : le jour même de la publication de ce nouveau rapport, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a déclaré que l’équipe n’avait pas correctement examiné cette hypothèse et a appelé à de nouvelles investigations, plus complètes.

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