Une Américaine devient la première femme à être « guérie » du VIH, grâce à un nouveau traitement

première femme guérie VIH
Un lymphocyte T humain (bleu) infecté par le virus du sida (jaune). | NIAID
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C’est également la troisième personne au monde à être officiellement « guérie » d’une infection au VIH. Diagnostiquée positive au VIH en 2013, elle a bénéficié d’un nouveau traitement en 2017, différent de celui des deux précédents patients : une transplantation de cellules souches prélevées dans du sang de cordon ombilical. Une technique prometteuse, développée par des chercheurs du Weill Cornell Medicine à New York, qui pourrait aussi potentiellement ouvrir la voie à de nouveaux traitements contre le cancer.

Le VIH est particulièrement difficile à éliminer de l’organisme, car au cours de l’infection, il sème des copies de son génome dans l’ADN des cellules, créant ce que l’on appelle « un réservoir viral ». Ainsi, de nouvelles particules virales sont constamment fabriquées à partir de ce réservoir. Les médicaments antirétroviraux peuvent empêcher la production de nouvelles particules virales, mais ne peuvent pas éliminer le réservoir — c’est pourquoi les personnes infectées doivent prendre un traitement quotidien et à vie. Selon l’ONUSIDA, 37,7 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2020, parmi lesquelles seules 28,2 millions bénéficiaient d’une thérapie antirétrovirale. La même année, 680 000 personnes sont décédées d’une maladie opportuniste liée au sida.

Le premier patient à avoir été officiellement guéri du VIH était Timothy Brown, également connu sous le nom de « patient de Berlin », infecté par le VIH en 1995. En 2006, on lui a diagnostiqué une leucémie, induite par l’infection. Un an plus tard, il a reçu une greffe de moelle osseuse, dont les cellules souches portaient une mutation génétique rare conférant une résistance naturelle au VIH. Cette greffe a permis de soigner les deux maladies simultanément. Officiellement guéri en 2008, il est malheureusement décédé en 2020 d’une récidive de leucémie. Le second patient, Adam Castillejo (ou « patient de Londres »), diagnostiqué positif au VIH en 2003 et souffrant simultanément d’un cancer du sang, a bénéficié d’une greffe identique en 2016. Il est à ce jour toujours en rémission.

Une probabilité accrue de trouver des donneurs

La procédure utilisée dans le cas de ces deux patients est cependant très lourde, risquée et entraîne de nombreux effets secondaires indésirables. Elle ne peut donc pas être généralisée aux millions de personnes infectées par le VIH. La greffe de cellules souches implique en effet de supprimer complètement le système immunitaire du receveur (par chimiothérapie ou radiothérapie), pour le remplacer par celui du donneur — en d’autres termes, il s’agit de traiter le cancer, tout en soignant l’infection au VIH.

Le nouveau traitement mis au point par les chercheurs de l’Institut Weill Cornell Medicine consiste quant à lui à transplanter du sang de cordon ombilical — dont les cellules sont elles aussi porteuses de la mutation génétique spécifique bloquant le virus. Or, le sang de cordon est plus largement disponible que les cellules souches adultes utilisées dans les greffes de moelle osseuse ; en outre, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi étroitement compatible avec le receveur. Enfin, contrairement aux deux patients précédents qui ont dû subir des mois d’hospitalisation, la patiente a pu quitter l’hôpital seulement 17 jours après l’intervention.

Les chercheurs expliquent que ce rétablissement particulièrement prompt pourrait être dû en partie au fait que la patiente, qui a aussi développé une leucémie en 2017, a reçu en parallèle du sang d’un parent visant à renforcer son système immunitaire. Le sang de cordon ne produit généralement pas suffisamment de cellules pour être efficace contre le cancer, c’est pourquoi son action est complétée par une greffe supplémentaire de cellules souches provenant d’un donneur adulte. « La greffe du parent est comme un pont qui lui a permis d’atteindre le point où le sang du cordon ombilical a pu prendre le relais », a précisé au New York Times Marshall Glesby, expert en maladies infectieuses au Weill Cornell Medicine.

Un espoir pour certains malades, de toutes origines

La patiente en question est en rémission de sa leucémie depuis plus de quatre ans. Trois ans après sa greffe, ses médecins ont interrompu son traitement contre le VIH. Quatorze mois plus tard, elle n’a toujours pas connu de résurgence virale. Ce traitement, plus « accessible » et moins invasif, apparaît comme très prometteur et pourrait être étendu à de nombreuses personnes. « Nous estimons qu’il y a environ 50 patients par an aux États-Unis qui pourraient bénéficier de cette procédure », a précisé Koen van Besien, professeur de médecine à l’Institut et membre de l’équipe qui a soigné la patiente.

L’annonce de cette rémission est d’autant plus importante que ce virus évolue différemment chez les femmes que chez les hommes et que la patiente était d’une origine ethnique différente des deux premiers. « Le fait qu’elle soit métisse et qu’elle soit une femme, c’est vraiment important sur le plan scientifique et en matière d’impact sur la communauté », souligne Steven Deeks, professeur de médecine et expert du dysfonctionnement immunitaire associé au VIH de l’Université de Californie, qui n’a pas participé à cette recherche.

La plupart des donneurs inscrits dans les registres sont en effet d’origine caucasienne. Or, aux États-Unis, les Afro-Américains représentent environ 40% et les Hispaniques environ 25% des quelque 1,2 million de personnes vivant avec le VIH, rapporte NBC News. Le fait que cette approche ne permet qu’une correspondance partielle entre le donneur et le receveur implique qu’elle pourrait permettre de guérir chaque année des dizaines d’Américains, atteints à la fois du VIH et du cancer, ont déclaré les scientifiques. Mais cette greffe ne pourra évidemment pas s’appliquer à l’ensemble des malades : dans les trois cas évoqués, la thérapie visait avant tout à lutter contre la leucémie. Elle ne constitue ainsi pas un remède viable pour la plupart des personnes séropositives.

Néanmoins, ce cas « confirme qu’un remède contre le VIH est possible et renforce encore l’utilisation de la thérapie génique comme stratégie viable pour un traitement contre le VIH », souligne Sharon Lewin, présidente de l’International Aids Society. La thérapie antirétrovirale reste à ce jour le meilleur espoir de la plupart des malades, qui ont aujourd’hui une espérance de vie quasi normale. La recherche s’emploie par ailleurs à développer un vaccin ou des médicaments capables d’éliminer complètement le virus (autrement dit son réservoir viral).

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