Des archéologues déterrent un squelette de « vampire »

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Une femme « vampire » retrouvée à Pień, en Pologne. | Miroslaw Blicharski/Aleksander Poznan
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Alors qu’il effectuait des recherches dans un cimetière du 17e siècle du village de Pien, en Pologne, un groupe d’archéologues a découvert la dépouille d’une femme, ancrée au sol le cou bloqué par une faucille. Selon le professeur Dariusz Poliński, qui dirigeait les fouilles, cet étrange rituel était destiné à l’empêcher de revenir d’entre les morts.

Cette forme d’inhumation est relativement inhabituelle selon l’expert. Non seulement le cou était entravé par une faucille, mais l’un des orteils de la défunte était cadenassé. Les archéologues ont également découvert les restes d’un bonnet de soie sur sa tête, qui indiquerait son appartenance à un statut social plutôt élevé. L’inconnue possédait également une dent saillante sur la mâchoire supérieure. La découverte est quelque peu étrange, mais selon Poliński, l’époque était marquée par d’autres rites funéraires qui font froid dans le dos.

« Les moyens de se protéger contre le retour des morts consistaient à couper la tête ou les jambes, à placer le défunt face contre terre pour qu’il morde dans le sol, à le brûler et à le frapper avec une pierre », explique-t-il au Daily Mail. La faucille était placée de telle sorte que le mort aurait eu la tête coupée s’il avait tenté de se relever. L’orteil cadenassé, qui symbolise « la fermeture d’une étape » selon Poliński, était une autre façon de s’assurer que le défunt ne pourrait revenir s’en prendre aux vivants.

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Un mythe du vampire très ancré dans la région

Si les zombies et autres morts-vivants sont légion dans les films et séries contemporains, il faut savoir que le mythe s’est implanté dès le 11e siècle en Europe de l’Est. À cette époque, les gens craignaient que certains morts ne remontent à la surface sous forme d’une créature assoiffée de sang, qu’ils nommaient vrykolakas — un mort-vivant assez similaire au mythe du vampire dans sa façon de tuer ses victimes ; tous deux étaient d’ailleurs traités de manière similaire au moment de l’inhumation. Le mythe du vampire est né beaucoup plus tôt et déjà connu parmi les anciens Romains, Égyptiens et Grecs.

dépouille objets apotropaïques
La faucille en travers de la gorge était l’assurance que le défunt ne reviendrait pas d’entre les morts. © Miroslaw Blicharski/Aleksander Poznan

Dans le folklore polonais, un sacrilège, la pratique de la sorcellerie ou simplement une apparence physique inhabituelle pouvaient entraîner la transformation d’un défunt en mort-vivant. Les personnes décédées de manière prématurée, par exemple en se suicidant, étaient elles aussi souvent soupçonnées de vampirisme. De ce fait, dans la région, de nombreuses dépouilles ont été retrouvées avec une tige en métal à travers le crâne — un moyen infaillible pour la population de l’époque de s’assurer que la personne ne reviendrait pas à la vie — ou toute autre forme d’inclusions d’apotropaïques (des objets destinés à conjurer le mauvais sort).

En 2014, des archéologues avaient rapporté la découverte de squelettes enterrés de manière similaire, dans un cimetière de Drawsko, un village vieux de 400 ans situé à 130 kilomètres de Pien. Sur les quelque 285 squelettes récupérés, cinq avaient été classés comme « sépultures déviantes » — fait intéressant, ces dernières n’étaient pas disposées à l’écart dans le cimetière, mais enterrées parmi les autres défunts. Cette découverte a fait l’objet d’un article dans PLOS One en 2014.

Des faucilles ont été trouvées pressées contre la gorge d’un homme et d’une femme, âgés d’une quarantaine d’années environ. Deux autres tombes renfermaient deux squelettes féminins ayant subi le même sort : l’une d’entre elles n’était âgée que de 14 à 19 ans selon les analyses. Une femme plus âgée (entre 50 et 60 ans) a été retrouvée enterrée avec une faucille ancrée au niveau de ses hanches et une grosse pierre posée sur sa gorge.

Les premières victimes d’une épidémie de choléra

L’équipe qui avait fait cette découverte a souligné à l’époque que ces rites macabres étaient non seulement destinés à faire en sorte que les défunts ne puissent pas nuire aux vivants, mais qu’ils pouvaient également aider à protéger les morts des forces maléfiques. En effet, selon la sagesse populaire, la faucille protégeait les femmes en couches, les enfants et les morts contre les mauvais esprits.

Ces pratiques funéraires sont devenues relativement courantes en Pologne, comme dans les autres pays slaves, aux 17e et 18e siècles, suite à une croyance soudaine et massive en ces mythes. Cette hystérie collective a même conduit à l’exécution de personnes considérées comme des vampires. Les chercheurs pensaient que ces personnes exécutées à tort et mutilées étaient principalement des étrangers, des nouveaux venus dans la région. Mais les analyses menées sur les dépouilles de Drawsko ont montré que les soi-disant vampires étaient bel et bien des locaux.

Plusieurs facteurs étaient à l’époque associés au vampirisme : des caractéristiques physiques étranges, une naissance hors mariage, un baptême non réalisé, ou toute mort jugée inhabituelle étaient considérés comme des signes de réanimation potentielle après la mort.

Les auteurs de l’étude pensent ainsi que ces personnes étaient en réalité les premières victimes des épidémies de choléra, qui ont sévi sur une grande partie de l’Europe de l’Est au 17e siècle. « Les gens de la période post-médiévale ne comprenaient pas comment les maladies se propageaient, et plutôt qu’une explication scientifique de ces épidémies, le choléra et les décès qui en résultaient étaient expliqués par le surnaturel », a expliqué Lesley Gregoricka, première auteure de l’étude.

La dépouille récemment mise au jour à Pień a été envoyée à Torun, où les archéologues mèneront des recherches plus approfondies.

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