Le COVID-19 pourrait toucher bien plus d’enfants que prévu

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| Wikimedia Commons/vperemen.com CC BY-SA
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Depuis le début de la pandémie, les enfants semblent moins souvent et moins sévèrement touchés que les adultes, ce qui rassure évidemment tous les parents. Finalement, les quelques cas graves et les décès recensés chez les enfants font peu de bruit dans les médias et les chiffres correspondants sont la plupart du temps passés sous silence. Cependant, une nouvelle étude américaine met en garde les autorités sanitaires : selon les prévisions des chercheurs, le nombre de cas graves de COVID-19 parmi les enfants pourrait bien, cette année, dépasser les ressources disponibles des hôpitaux pédiatriques américains.

À ce jour, la pandémie est à l’origine de plus de 157’000 décès dans le monde (selon le rapport de situation de l’OMS du 20 avril). Les États-Unis comptent plus de 723’000 cas et plus de 34’000 morts. Comme dans la plupart des pays, ce nombre important de décès est fortement corrélé au manque de ressources matérielles nécessaires dans les services de réanimation, qui ne sont à la base pas conçus pour accueillir un tel afflux de patients. Et le scénario pourrait tout à fait se reproduire cette année dans les services de soins pédiatriques. Des chercheurs de l’Université de Floride souhaitent mettre en garde les autorités sur ce point : le nombre d’enfants gravement malades cette année pourrait être trop élevé par rapport aux ressources sanitaires disponibles.

Des services de soins intensifs pédiatriques aux capacités limitées

En réalité, le nombre d’enfants infectés par le SARS-CoV-2 s’avère plus important que ce qui est rapporté actuellement. Une « erreur » qui pourrait mettre à mal les unités de soins intensifs pédiatriques. Des scientifiques de l’Université de Floride et du Women’s Institute for Independent Social Inquiry (WiiSE) estiment en effet que sur 2381 enfants malades du COVID-19, au moins un nécessite une hospitalisation en soins intensifs. Leurs chiffres sont publiés dans le Journal of Public Health Management and Practice. Cette étude s’appuie sur un rapport du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, qui a lui-même mené une étude clinique sur plus de 2100 enfants malades en Chine.

Selon les chiffres de Virtual Pediatric Systems, aux États-Unis, 74 enfants ont été admis dans les unités de soins intensifs pédiatriques (USIP) entre le 18 mars et le 6 avril (voir graphique ci-après). Les enfants de moins de 2 ans représentaient 30% des cas, 24% étaient âgés de 2 à 11 ans et 46% des cas étaient âgés de 12 à 17 ans. Parallèlement, 176’190 enfants supplémentaires étaient probablement infectés au cours de cette période.

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Nombre cumulé de patients confirmés en soins intensifs pédiatriques, aux États-Unis, du 18 mars au 6 avril. 74 enfants ont été admis durant ces 3 semaines. Crédits : Virtual Pediatric Systems/mvps.org

Plusieurs scénarios sont envisagés. Les chercheurs estiment par exemple que si un quart de la population américaine est infectée par le coronavirus avant la fin de l’année, 50’000 enfants gravement malades devront être hospitalisés, dont 5400 nécessiteront une ventilation mécanique. Les rapports cliniques précisent que la durée moyenne de séjour pour les jeunes malades du COVID-19 est de 14 jours. Problème : une enquête nationale visant à évaluer la capacité américaine de soins intensifs pédiatriques – publiée dans Critical Care Medicine – révèle que ces services ne disposent que d’environ 5100 lits.

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Nombre prévu d’enfants, âgés de 0 à 17 ans, qui devront être hospitalisés cette année pour le COVID-19, aux États-Unis. Si 25% de la population est infectée d’ici la fin de l’année, près de 50’000 enfants seront gravement malades et plus de 5400 nécessiteront des soins intensifs. Si 60% de la population est infectée, on peut constater que les prévisions dépassent très largement les capacités d’accueil des services de soins pédiatriques… Crédits : Université de Floride du Sud

C’est pourquoi les auteurs de l’étude tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme, même si les cas graves de COVID-19 chez les enfants sont moins fréquents. « Les hôpitaux doivent être préparés et disposer du matériel et des effectifs nécessaires pour faire face à un afflux potentiel de patients plus jeunes », a déclaré Jason Salemi, professeur agrégé d’épidémiologie à l’USF College of Public Health et co-auteur de l’étude.

Les prévisions sont d’autant plus alarmantes dans l’hypothèse où 60% de la population américaine serait infectée cette année : plus de 40 millions d’enfants seraient alors contaminés, dont près de 119’000 seraient gravement malades et environ 13’000 nécessiteraient des soins intensifs incluant potentiellement un dispositif de respiration artificielle. Cela représente plus du double du nombre de lits de réanimation actuellement disponibles dans les services de soins pédiatriques américains…

Pour éviter le pire : continuer à respecter les mesures préventives

Il y a 74 millions d’enfants de 0 à 17 ans aux États-Unis. L’équipe espère donc sensibiliser les responsables gouvernementaux et les décideurs sur ces éventuels futurs problèmes de capacité. Ils rappellent en outre qu’il est d’autant plus important de continuer à appliquer les gestes barrières (lavage des mains fréquent et mesures de distanciation sociale) pour éviter que la proportion de personnes contaminées n’augmente rapidement.

Sur le même sujet : Les formes graves de COVID-19 touchent davantage les hommes. Pourquoi ?

La prise en charge du COVID-19 en pédiatrie est très complexe, car de nombreux hôpitaux interdisent les visiteurs dans le respect des protocoles de distanciation sociale et de quarantaine. De plus, à la sortie de l’hôpital, il est difficile pour les jeunes enfants de se conformer de manière stricte et autonome aux recommandations d’auto-isolement et aux mesures de prévention.

Comme bien souvent, tous ne seront pas égaux face au risque. Les chercheurs soulignent dans leur rapport que le taux d’infection sera beaucoup plus élevé chez les enfants de familles à faibles revenus, dont les parents occupent des postes « ouvriers » ou de services qui ne leur permettent pas de travailler à domicile. Il y a également un risque accru pour les enfants qui vivent dans les ensembles de logements publics urbains, type HLM, en raison de la promiscuité et des zones de loisirs communes souvent très petites.

Les auteurs de l’étude recommandent ainsi à tous les services de santé de l’État et aux Centres de contrôle et de prévention des maladies de commencer à signaler les cas confirmés de COVID-19 en distinguant clairement les tranches d’âges (par tranches de 5 ans). Ils souhaitent en outre que ces données soient accessibles à tous, pour sensibiliser davantage la population.

Source : Journal of Public Health Management and Practice, E. Pathak et al.

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