Découverte du plus ancien insecte pollinisateur, datant d’il y a 280 millions d’années

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| Andrev Atuchine
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Les deux grandes lignées d’insectes pollinisateurs et d’angiospermes (plantes à fleurs) auraient mutuellement évoluées de façon à coexister en parfaite complémentarité. Les archives fossiles suggèrent que cette coévolution aurait débuté au Permien (il y a entre 299 et 251 millions d’années), soit durant la dernière période du Paléozoïque. De récentes études paléoentomologiques suggèrent d’ailleurs que les insectes pollinisateurs auraient existé bien avant les plantes à fleurs. De nouvelles données semblent confirmer cette hypothèse, par la découverte d’un fossile datant d’il y a 280 millions d’années — d’un insecte couvert de pollen de gymnospermes (plantes à ovule nu). Ressemblant à un perce-oreille, ce spécimen repousserait de 120 millions d’années la datation de l’existence des premiers insectes pollinisateurs. Cette découverte pourrait nous en apprendre davantage sur la coévolution de ces insectes et des plantes à fleurs, qui a mené à l’exceptionnelle diversité végétale terrestre actuelle.

Pour découvrir l’insecte, du genre Tillyardembia, des chercheurs de l’Institut paléontologique Borissiak de Moscou ont ratissé des archives de 425 fossiles. Ces fossiles sont issus du site de Chekarda en Russie, reconnu pour receler un grand nombre de restes faunistiques et floristiques terrestres datant du Permien inférieur (il y a environ 280 millions d’années). L’on aurait notamment trouvé pas moins de 260 espèces d’insectes fossilisés différents.

La nouvelle étude, parue dans le prestigieux Royal Society Publishing, analyse un groupe d’insectes d’environ 1,5 centimètre de long décrits pour la première fois en 1937. Leur état de conservation n’a pas encore permis de les dater précisément. De plus, leur premier stade de fossilisation aurait débuté par une sédimentation à grains fins, qui aurait tendance à drainer les restes de pollens sur les insectes. Cet effet de sédimentation explique également le nombre limité d’échantillons découverts par les chercheurs.

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Sur les 425 fossiles, seuls 6 insectes avaient du pollen sur la tête, les pattes, le thorax et l’abdomen. Ce genre de fossile serait extrêmement rare pour le Paléozoïque. D’après les experts, il s’agirait des premiers échantillons d’insectes pollinisateurs datant d’avant le Jurassique moyen. Cette découverte repousse probablement ainsi de 120 millions d’années l’apparition des premiers insectes pollinisateurs.

De plus, le pollen retrouvé sur les insectes appartenait à des gymnospermes, suggérant qu’ils auraient existé bien avant les plantes à fleurs, contrairement aux hypothèses antérieures. D’après les chercheurs de la nouvelle étude, les Tillyardembia avaient des ailes si fragiles qu’ils vivaient principalement au sol. Ils devaient ainsi grimper aux arbres pour pouvoir consommer le pollen.

Cette découverte pourrait être la clé menant à une bien meilleure compréhension de la coévolution des insectes pollinisateurs et des gymnospermes qui, pour la plupart, ont évolué en angiospermes. Cette étape aurait notamment contribué à transformer profondément la biodiversité végétale terrestre.

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Un fossile de Tillyardembia, avec une zone élargie montrant du pollen attaché à son corps. © Alexander Khramov/Académie russe des sciences/AP

Un pollinisateur sélectif

Après observation au microscope, les chercheurs de la nouvelle étude ont remarqué que les grains de pollen retrouvés sur les six insectes fossilisés n’appartenaient qu’à quelques espèces de plantes spécifiques, ce qui suggère que les insectes étaient très sélectifs et ne préféraient que quelques espèces d’arbres. Toutefois, « ce type de spécialisation correspond aux pollinisateurs potentiels », indique Michael Engel, paléoentomologiste à l’Université du Kansa, à Lawrence. D’après ce dernier, cette consommation sélective s’est probablement produite abondamment avant l’apparition des Tillyardembia.

D’après les chercheurs de la nouvelle étude, il est pour l’instant impossible de prouver que les Tillyardembia ont pu contribuer à la pollinisation en consommant du pollen. Cependant, une telle spécialisation en matière de nutrition pourrait être un précurseur évolutif des insectes pollinisateurs.

Il est à noter que le retrait des océans il y a 420 millions d’années a favorisé l’adaptation des algues au milieu terrestre. Cette adaptation aurait engendré la transformation des appareils végétatifs et reproducteurs de ces algues afin de leur permettre de vivre avec l’air terrestre et la gravité. Les plantes terrestres ont progressivement développé des organes spécialisés tels que les feuilles, les tiges, les racines et les fleurs.

Aujourd’hui, 85% de la biodiversité de notre planète se trouve sur terre, et plus de la moitié de celle-ci dans les forêts tropicales humides. Cette augmentation de la biodiversité terrestre s’est produite au Crétacé supérieur, entraînant une « réinitialisation » de la biosphère, qui a du s’adapter à un nouveau cycle de productivité. L’évolution des plantes à fleurs — qui ont amélioré leur capacité reproductive en co-évoluant avec les insectes pollinisateurs (et d’autres animaux herbivores) — en fait partie. Cette adaptation a également conduit à l’essor des angiospermes, modifiant les habitats et les paysages dans ce que les paléobotanistes appellent « la révolution terrestre des angiospermes« .

Une étude plus approfondie sur le genre Tillyardembia pourrait nous apprendre s’il est doté d’organes spécialisés pour la collecte de pollen, tels que des poils. Par exemple, les abeilles en sont dotées pour transporter le pollen d’une fleur à l’autre. De même, le pollen peut être adapté pour coller facilement aux insectes. En comprenant ces spécificités, nous pourrions mieux définir la place de Tillyardembia dans la biologie coévolutive des plantes à fleurs et des insectes pollinisateurs.

Source : The Royal Society Publishing

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