Des ingénieurs défient les lois de la physique en créant des « bulles » de sable

developpement bulles sable
| Alex Penn/ETH Zürich
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Pour la toute première fois, des scientifiques ont démontré comment deux types de sable distincts peuvent se comporter de manière similaire à des liquides légers et lourds. Ils mettent ainsi en lumière certains processus géologiques, des glissements de terrain aux volcans, et permettent le développement potentiel de nouvelles technologies, de la production pharmaceutique au captage du carbone.

Le flux de matériaux granulaires, tels que le sable et les particules catalytiques utilisés dans les réacteurs chimiques, donne lieu à un large éventail de phénomènes naturels, des glissements de terrain aux volcans, et concerne de nombreux procédés industriels, de la production pharmaceutique à la capture du carbone.

Bien que le mouvement et le mélange des matières granulaires présentent souvent des similitudes frappantes avec les liquides, comme dans les dunes de sable, les avalanches et les sables mouvants, la physique sous-jacente des écoulements granulaires n’est pas aussi bien comprise que celle des écoulements liquides.

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Mais suite à sa découverte récente, Chris Boyce, professeur adjoint de génie chimique à Columbia Engineering, explique une nouvelle famille d’instabilités gravitationnelles dans les particules granulaires de différentes densités, qui sont entraînées par un mécanisme de canalisation de gaz non observé dans les fluides.

En collaboration avec l’ETH Zürich, notamment avec le groupe du professeur Christoph Müller, professeur en sciences de l’énergie et de l’ingénieur, l’équipe de Boyce a observé une instabilité inattendue de type Rayleigh-Taylor (R-T), dans laquelle des grains légers s’élèvent à travers des grains plus lourds sous forme de « doigts » et « de bulles granulaires ».

Les instabilités R-T, qui sont produites par l’interaction de deux fluides de densités différentes qui ne se mélangent pas (l’huile et l’eau par exemple) car le fluide plus léger écarte le plus lourd, n’ont pas été observées entre deux matériaux granulaires secs.

Cette étude est la première à démontrer que des « bulles » de sable plus léger se forment et s’élèvent dans le sable plus lourd lorsque les deux types de sable sont soumis à des vibrations verticales et à un écoulement gazeux ascendant, comme les bulles qui se forment et s’élèvent dans les « lampes à lave« . Les résultats ont été publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

L’équipe a constaté que, tout comme les bulles d’air et d’huile montent dans l’eau parce qu’elles sont plus légères que l’eau et qu’elles ne veulent pas s’y mélanger, les bulles de sable léger montent dans le sable plus lourd même si deux types de sable seraient susceptibles de se mélanger.

« Nous pensons que notre découverte est transformationnelle », déclare Boyce. « Nous avons trouvé un analogue granulaire de l’une des dernières grandes instabilités mécaniques des fluides. Alors que des analogues des autres grandes instabilités ont été découverts dans les écoulements granulaires au cours des dernières décennies, l’instabilité R-T a échappé à la comparaison directe. Nos découvertes pourraient non seulement expliquer les formations et les processus géologiques qui sous-tendent les gisements minéraux, mais aussi être utilisées dans les technologies de traitement des poudres dans les industries de l’énergie, de la construction et la fabrication de produits pharmaceutiques ».

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Le groupe de Boyce a utilisé une modélisation expérimentale et computationnelle pour démontrer que la canalisation de gaz à travers des particules plus légères déclenche la formation de motifs « de doigts » et de bulles. La canalisation de gaz se produit parce que les ensembles de particules plus légères et plus grosses ont une plus grande perméabilité à l’écoulement de gaz que les grains plus lourds et plus petits.

Expériences d’imagerie optique des instabilités gravitationnelles découvertes et rapportées dans l’étude :

L’instabilité de type R-T dans les matériaux granulaires résulte d’une compétition entre la force de traînée vers le haut — augmentée localement par la canalisation des gaz, et les forces de contact vers le bas, un mécanisme physique complètement différent de celui des liquides.

Les chercheurs ont découvert que ce mécanisme de canalisation de gaz génère également d’autres instabilités gravitationnelles, y compris la ramification en cascade d’une gouttelette granulaire descendante. Ils ont également démontré que l’instabilité R-T peut se produire dans une grande variété de conditions d’écoulement de gaz et de vibrations, formant différentes structures dans différentes conditions d’excitation.

« Ces instabilités, qui peuvent s’appliquer à divers systèmes, donnent un nouvel aperçu sur la dynamique granulaire et suggèrent de nouvelles possibilités de structuration dans les mélanges granulaires pour former de nouveaux produits dans l’industrie pharmaceutique, par exemple », ajoute Boyce.

« Nous sommes particulièrement enthousiasmés par l’impact potentiel de nos découvertes sur les sciences géologiques – ces instabilités peuvent nous aider à comprendre comment les structures se sont formées au cours de la longue histoire de la Terre, et à prévoir comment d’autres pourraient se former à l’avenir » conclut-il.

Boyce étudie actuellement d’autres phénomènes liquides et structurés dans les particules de sable et quantifie leur comportement. Il est également en pourparlers avec des géologues et des volcanologues pour en savoir plus sur la façon dont ce processus et d’autres mécanismes semblables se produisent dans la nature.

Source : PNAS

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